Intervention de Jean-Luc Tavernier

Mission commune d'information impact emploi des exonérations de cotisations sociales — Réunion du 28 mai 2014 : 1ère réunion
Audition de Mm. Jean-Luc Tavernier et eric dubois insee

Jean-Luc Tavernier, directeur général de l'Insee :

Je n'avais pas prévu de parler du coût du capital, question assez différente de celle des exonérations. Au début des années 1990, les Français ont pris conscience des faits stylisés suivants : un coût du travail élevé au niveau du salaire minimum en comparaison avec les autres pays industrialisés mais aussi en comparaison avec le salaire médian, et un chômage concentré sur les moins qualifiés. Dans une situation de marché, l'excès d'offre de travail fait que les salaires s'ajustent ; mais cela ne peut avoir lieu en présence de rigidités comme un salaire minimum - celui-ci n'est d'ailleurs pas mauvais en soi pour l'emploi : il n'est ainsi pas préjudiciable de l'augmenter quand il est bas, mais, élevé, il constitue une barrière à l'emploi des moins qualifiés.

Il en est sorti un consensus ayant survécu aux alternances autour de l'allègement de cotisations spécifiquement sur les bas salaires. Le salaire minimal est en effet apparu comme un instrument insuffisant, voire contreproductif, de lutte contre la pauvreté au travail, celle-ci étant causée par des horaires de travail très faibles. D'où la nécessité d'y adjoindre un impôt négatif - prime pour l'emploi (PPE) ou revenu de solidarité active (RSA).

Ce que nous observons empiriquement correspond aux raisonnements théoriques. Le grief adressé par la Cour des comptes est injuste : nous ne manquons pas d'études, pour autant que l'évaluation d'une telle politique soit possible. La difficulté provient de l'absence de contrefactuel à comparer avec la situation présente et de l'impossibilité de démêler les conséquences de la réduction du temps de travail et des exonérations qui ont été mises en place en même temps. Un consensus s'est établi sur l'idée d'extrapoler à partir de la première vague de 1993-1997, ce qui aboutit à l'idée que la dépense annuelle de 20 milliards stabilisée depuis les trente-cinq heures correspond à 800 000 emplois créés ou sauvegardés. C'est ce que dit un rapport du Conseil d'orientation de l'emploi - dont j'ai été le vice-président en étant directeur de la prévision. Supprimer ces 20 milliards mettrait en péril 800 000 emplois. Cet ordre de grandeur constitue le centre de gravité des études sur le sujet. Auditionner les trois auteurs du rapport de la Cour des comptes n'avait pas modifié le jugement du Conseil d'orientation de l'emploi...

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