Intervention de Krystel Odobet

Commission spéciale sur la lutte contre le système prostitutionnel — Réunion du 28 mai 2014 : 1ère réunion
Auditions de mmes maryse tourne présidente et anne-marie pichon directrice association ippo de mmes alice lafille chargée de développement et des questions de violence et du droit des étrangers et krystel odobet animatrice de prévention auprès des personnes qui se prostituent via internet association griselidis et de M. Antoine Baudry animateur prévention et mmes joy oghenero étudiante et karen drot association cabiria

Krystel Odobet, animatrice de prévention auprès des personnes qui se prostituent via internet de l'association Griselidis :

Griselidis est une association toulousaine de santé communautaire : les personnes ayant exercé ou exerçant la prostitution composent la moitié de ses équipes et de son conseil d'administration. Notre équipe, pluridisciplinaire, comprend des médiatrices culturelles issues des communautés que nous rencontrons sur le terrain, ainsi qu'une infirmière, des travailleurs sociaux, des sociologues. Nous avons quatre missions : lutte contre le VIH et accès aux soins ; accès au logement, à la formation et à l'emploi ; accès au séjour et à la citoyenneté ; lutte contre les violences.

Griselidis est née d'une alliance entre féministes et travailleuses du sexe il y a quatorze ans. L'analyse féministe est présente dans chacune des actions que nous menons. Deux sociologues mènent au sein de notre association des « recherches-actions ». Notre file active se compose d'environ 600 personnes. Ce sont essentiellement des femmes - mais nous suivons également des hommes et des transgenres - et des migrantes en provenance d'Afrique subsaharienne et d'Europe de l'Est. Nous menons aussi des actions sur Internet auprès des sites d'« escort » et nous nous entretenons par ce biais avec 400 interlocuteurs. Nous parlons de travailleurs ou travailleuses du sexe et de prostituées, car c'est ainsi que les intéressés se définissent.

Les débats relatifs à cette proposition de loi ont modifié la physionomie de la prostitution à Toulouse. Beaucoup de clients pensent que la loi est déjà entrée en vigueur, ce qui nous autorise à prédire les conséquences qu'aura son application. La clientèle se raréfiant, les revenus des prostituées diminuent déjà. La précarité s'accroît, face aux dettes d'hôtel à rembourser ou aux loyers impayés, que le revenu de solidarité active (RSA) ou l'allocation temporaire d'attente ne suffisent pas à acquitter. La conséquence est sanitaire : les personnes prostituées sont incitées à accepter des rapports non protégés, plus lucratifs.

La prostitution s'éloigne également du centre-ville, phénomène que l'on observait déjà après la création du délit de racolage passif. Les personnes prostituées, cherchant à échapper aux contrôles de police, se déplacent vers les zones périphériques, industrielles. Pas de passants, pas de témoins, les agresseurs potentiels le savent bien. Nous avons recensé 82 agressions physiques en 2012, 116 en 2013, dont 54 avec arme et 28 viols. Toutes les victimes ne portant pas plainte, le chiffre réel est sans doute nettement plus élevé. Nous expliquons cette augmentation par l'éloignement des centres villes et la tendance à la criminalisation de la prostitution, qui n'encourage pas à appeler la police.

La prostitution ne disparaît pas, elle évolue. Si la loi était votée en l'état, la violence augmenterait et la prostitution se déplacerait sur Internet. Nous observons déjà une augmentation des annonces sur les sites d'escort ou dans les rubriques d'annonces érotiques. Or toutes les prostituées n'ont pas la même maîtrise de l'outil informatique ni de la langue française. Certaines seront tentées de passer par des intermédiaires pour rédiger leur annonce, ou par des sites payants ou des vendeurs de listes, ce qui pourrait les soumettre davantage à la violence et la précarité.

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