Intervention de Mathieu Grégoire

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 4 juin 2014 : 2ème réunion
Audition de M. Mathieu Grégoire co-auteur du rapport « quelle indemnisation chômage pour les intermittents du spectacle ? modélisation et évaluation d'un régime alternatif »

Mathieu Grégoire, co-auteur du rapport « Quelle indemnisation chômage pour les intermittents du spectacle ? Modélisation et évaluation d'un régime alternatif » :

La question du régime de l'intermittence présente deux aspects que sont, d'une part, la réalisation concrète de l'exception culturelle française et, d'autre part, l'évolution du régime d'indemnisation des artistes et des techniciens. Sur ce second point, le dispositif de droits sociaux en vigueur n'est pas adapté à l'emploi discontinu qui caractérise, au premier chef, ces intermittents. Privilégier, comme paramètre, le seuil d'éligibilité pour remédier à la précarité de la situation des intermittents nous semble une bonne démarche.

J'ai constaté, en revanche, que la mesure relative au différé n'avait pas été annoncée. Au demeurant, la principale revendication des intermittents porte sur la remise à plat du dispositif en vigueur, en veillant à l'amélioration qualitative de leur situation, à coûts constants, et l'obtention d'une réelle protection sociale qui leur permette de continuer à exercer leur activité, ce qu'ils font, du reste, avec passion. Cette dimension existentielle explique sans doute la véhémence de la réaction de certains d'entre eux.

Il est vrai que le fonctionnement de la démocratie sociale peut s'avérer précaire, surtout lorsque les représentants du patronat y défendent une position avant tout idéologique. Ainsi, l'actuelle position du MEDEF contraste singulièrement avec la solidarité intersectorielle que préconisait, en son temps, Mme Laurence Parisot et qui reconnaissait la spécificité du monde du spectacle.

En juillet 2000, la ministre du travail, Mme Martine Aubry, a refusé d'agréer l'accord alors signé. Suite à ce refus et à la crise qui en a découlé, le MEDEF et la CFDT n'ont pas souhaité signer d'accord sur les annexes 8 et 10. La prorogation de ces annexes a alors été assurée par l'Unedic, avant qu'une proposition de loi suivant le même objectif ne soit déposée, sans suite, à l'Assemblée nationale. Il y a donc des précédents qui soulignent qu'une lecture plus politique de la délivrance de l'agrément est possible. Les intermittents réclament ainsi, pour le moment en vain, que le jeu démocratique soit respecté. Le paritarisme n'est pas satisfaisant ; l'État pouvant assumer, a minima, un rôle d'arbitre ou de présidence des débats, sans que l'administration n'y soit conviée. Le déficit démocratique qui obère le fonctionnement des négociations sociales pose en effet problème.

En définitive, la question pertinente, qui dépasse le statut des intermittents du spectacle, est celle de l'emploi discontinu. Entre 1996 et aujourd'hui, le nombre de chômeurs de catégorie A - ceux qui n'ont pas travaillé une seule heure dans le mois de leur recensement - s'est accru de 300 000 pour atteindre 3,3 millions, tandis que, dans le même temps, les chômeurs de catégories B et C sont passés de 500 000 à 1,7 million ! L'emploi discontinu constitue bel et bien un phénomène majeur de ces deux dernières décennies, qu'illustrent d'ailleurs les intermittents. Alors que les politiques promeuvent, comme solution au chômage, le plein emploi, héritée d'une conception surannée du monde du travail, les intermittents du spectacle, quant à eux, préconisent la « flexi-sécurité » et une réflexion quant aux droits des salariés à l'emploi de manière discontinue.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion