Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Commission des affaires sociales — Réunion du 4 juin 2014 : 1ère réunion
Aide à domicile — Examen du rapport d'information

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur :

Dans quel environnement légal et réglementaire évoluent aujourd'hui ces structures ? Un seul mot suffirait à le décrire : la complexité.

Historiquement, ce sont les associations qui, dans le contexte de reconstruction de l'après Seconde Guerre mondiale, ont porté les premiers services d'aide à domicile, principalement à destination des familles en difficulté, de façon plus ponctuelle auprès des personnes âgées malades ou isolées. C'est aujourd'hui ce public qui concentre l'essentiel des interventions. Les principales fédérations regroupant ces associations, qu'il s'agisse notamment de l'UNA ou, en milieu rural, de l'ADMR, nous sont bien connues. Les centres communaux et intercommunaux d'action sociale (CCAS/CIAS) ont également créé leurs propres services. Depuis près de vingt ans, les entreprises privées sont elles aussi en mesure de développer des activités de service au domicile des publics fragiles. La loi du 29 janvier 1996 en faveur du développement des emplois de services aux particuliers ouvre en effet aux entreprises qui se consacrent exclusivement à des tâches ménagères ou familiales la possibilité de bénéficier d'un agrément jusque-là réservé aux seules associations. La loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne, dite loi « Borloo », a opéré un changement profond en faisant de l'aide au domicile des publics fragiles une catégorie d'un champ plus vaste regroupant l'ensemble des services à la personne.

Derrière la volonté d'ouvrir ce secteur à l'initiative privée réside la conviction selon laquelle les services à la personne représentent un gisement considérable d'emplois non délocalisables pour des publics a priori éloignés du marché du travail car souvent peu ou non qualifiés. Le plan Borloo, défini en février 2005, s'était ainsi fixé l'objectif d'aboutir à la création de 500 000 emplois en trois ans. En 2012, les organismes prestataires de services à la personne employaient environ 430 000 salariés dont un peu moins de 250 000 au sein d'associations. Particulièrement affectées par la crise de l'aide à domicile, ces dernières ont perdu près de 10 000 emplois en 2011 puis 2012.

La double injonction assignée aux services d'aide à domicile - favoriser la cohésion sociale et soutenir le développement de l'emploi - explique en grande partie la complexité de l'environnement juridique dans lequel évoluent aujourd'hui ces structures.

Depuis 2005, coexistent en effet deux modalités de création. En premier lieu, les services peuvent être autorisés pour une durée de quinze ans par le président du conseil général. Depuis la loi « HPST » du 21 juillet 2009, l'autorisation est subordonnée à la mise en place d'un appel à projets, procédure applicable dans l'ensemble du secteur médico-social. Mais les services peuvent également faire le choix de l'agrément, délivré pour cinq ans après avis du conseil général, par les directions du ministère du travail présentes dans le département. Si la délivrance de l'autorisation vaut agrément, l'équivalence n'est pas totale et l'agrément ne vaut pas autorisation. Ces deux procédures correspondent à des logiques différentes : soutien à l'emploi pour l'agrément ; construction d'une offre de services médico-sociaux en fonction des besoins identifiés sur les territoires départementaux pour l'autorisation. Si la loi pose le principe d'exigences de qualité équivalentes pour les services autorisés et agréés, la fréquence et les modalités selon lesquelles celle-ci est évaluée varient.

Le droit d'option entre autorisation et agrément emporte également des conséquences en termes de tarification. Lorsqu'une structure est agréée, elle fixe librement le tarif horaire de la prestation avec l'usager au moment de la signature du contrat. L'évolution du tarif est ensuite encadrée dans une limite fixée chaque année par arrêté ministériel. Si l'intervention s'effectue dans le cadre de l'APA ou de la PCH, une partie de son coût est prise en charge par le conseil général sur la base d'un tarif de référence qu'il a lui-même défini. La délivrance de l'autorisation conduit, quant à elle, à la mise en place d'une tarification administrée, définie dans le cadre d'une négociation budgétaire annuelle entre le conseil général et chaque structure concernée. A ces deux types de financements s'ajoutent ceux apportés par les caisses d'assurance vieillesse dans le cadre de leur action sociale auprès des retraités les moins dépendants, c'est-à-dire relevant des GIR 5 et 6. L'heure d'aide à domicile est alors financée sur la base d'un tarif défini au niveau national et par conséquent identique sur l'ensemble du territoire. En 2013, le tarif horaire fixé par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) s'élevait à 19,40 euros.

Les tarifs appliqués aux structures autorisées sont extrêmement variables selon les territoires. Ils sont compris en moyenne entre 17 et 25 euros de l'heure. Une étude de la Cnav pour l'année 2010 indique par ailleurs que près de 60 % des conseils généraux appliquaient cette année-là une tarification moyenne inférieure à celle de la Cnav. Or ce tarif est jugé largement insuffisant par la plupart des acteurs. S'agissant des services agréés, le tarif de référence qui leur est appliqué est lui aussi souvent inférieur au tarif national fixé par la Cnav. Bien qu'aucune étude nationale de coûts ne permette, pour le moment, d'avoir une appréciation précise des charges supportées par les structures d'aide à domicile, toutes les auditions que nous avons menées nous conduisent à estimer que le tarif permettant d'assurer l'équilibre financier, la qualité des services et le bien-être des salariés est beaucoup plus élevé que celui appliqué par la Cnav. Au final, si la variabilité des tarifs entre les départements pose question en termes de couverture équitable des besoins, leur faible niveau général nuit aussi bien à la qualité du service rendu qu'aux salariés, notamment en décourageant les efforts de formation et de professionnalisation réalisés par les services.

Dernier élément de complexité, l'intervention au domicile peut s'effectuer selon trois modes distincts. On parle de gré à gré lorsque l'intervenant est directement salarié par la personne chez qui il vient travailler. L'activité est exercée en mode prestataire lorsque le bénéficiaire n'est pas employeur mais simple usager d'un service délivré par une personne salariée d'une association, d'une entreprise ou d'un CCAS. Il existe enfin un dispositif intermédiaire dans lequel le bénéficiaire emploie l'intervenant mais se voit déchargé d'un certain nombre de formalités administratives par la structure d'aide à domicile : c'est le mode mandataire. La coexistence de ces trois modes d'intervention n'est pas sans conséquences. Une heure de gré à gré étant moins onéreuse qu'une heure en mode prestataire, cette modalité d'intervention est parfois privilégiée par les personnes les plus dépendantes qui, dans le cadre d'un plan d'aide par définition fermé, ont besoin d'un grand nombre d'heures d'intervention. Mais le gré à gré emporte pour le bénéficiaire, du fait de son statut d'employeur, des responsabilités que n'impose pas le fait d'être simple usager d'un service d'aide à domicile. Les salariés sont également placés dans des situations différentes. Outre qu'ils sont régis par des conventions collectives distinctes, leur environnement de travail varie considérablement : si le gré à gré permet probablement une plus grande liberté d'organisation, l'encadrement qu'apporte une structure d'aide à domicile peut être appréciable s'agissant de métiers caractérisés par une grande solitude d'exercice et par la confrontation à des situations humaines difficiles.

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