La profession est féminine dans son immense majorité. En 2010, 98 % des professionnels intervenant au domicile de personnes fragilisées sont des femmes. Leur moyenne d'âge est relativement élevée - 45 ans -, certaines intervenantes ayant eu parfois une autre vie professionnelle avant de s'engager dans le secteur de l'aide à domicile. 62 % d'entre elles ne disposent d'aucun diplôme dans le secteur sanitaire ou social et 70 % travaillent à temps partiel. Il existe d'ailleurs un lien de corrélation entre ces deux indicateurs : plus les intervenantes sont qualifiées, plus leur temps de travail est élevé.
Alors que des efforts importants de revalorisation salariale avaient été réalisés au début des années 2000 pour les salariés des structures privées non lucratives, le gel du point d'indice depuis le mois d'avril 2009 conduit à un tassement des rémunérations au niveau du Smic. Le taux d'évolution de la masse salariale, fixé chaque année par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) pour l'ensemble du secteur médico-social, laisse des marges de manoeuvres quasiment inexistantes aux partenaires sociaux pour envisager des hausses globales de salaires. Il est de 1,1 % pour l'année 2014, un taux qui permet simplement de prendre en compte le glissement vieillesse technicité (GVT). A la faiblesse des rémunérations s'ajoute une prise en compte limitée des frais professionnels, pourtant nombreux chez les intervenants à domicile. Pour prendre le seul exemple des frais de transports, ceux-ci sont indemnisés depuis plusieurs années à hauteur de 0,35 euro par kilomètre. L'avenant à la convention collective de la branche de l'aide à domicile prévoyant une augmentation du montant de ces indemnités kilométriques n'a d'ailleurs jamais été agréé par la DGCS compte tenu de l'impact financier qu'aurait eu son entrée en application.
La précarisation des salariés est d'autant plus forte qu'un grand nombre d'entre eux travaillent à temps partiel. Sur ce point, nous avons à plusieurs reprises échangé avec nos interlocuteurs quant aux conditions de mise en oeuvre de la durée minimale du temps de travail partiel, fixée à 24 heures hebdomadaires par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi. Des appréciations diverses ont été portées. Si certains acteurs, notamment en milieu rural, jugent qu'elle serait difficile à mettre en place, d'autres soulignent que cette durée minimale est d'ores et déjà appliquée dans leurs structures. C'est notamment le cas de l'UNA Haute-Loire, que nous avons rencontrée au mois de février. Le facteur géographique - zone urbaine ou rurale - joue à ce titre un rôle important, notamment sur la dispersion des interventions et la durée des trajets. Il convient cependant de noter que la durée moyenne du travail se situe déjà actuellement autour de 24 heures par semaine. Les négociations en cours au sein de la branche de l'aide à domicile pour prévoir des dérogations globales à la règle des 24 heures, longues et difficiles, n'ont pour le moment pas abouti. Les fédérations d'employeurs ont présenté à la fin de l'année 2013 un premier projet d'avenant qui a été refusé par les syndicats de salariés. Les négociations portent actuellement sur une durée minimale de 16 heures par semaine ou 70 heures par mois, avec des exceptions pour certaines catégories très limitées. La prochaine commission mixte paritaire devrait se réunir le 3 juillet prochain.
Faiblement rémunérés, les salariés de l'aide à domicile sont également confrontés à des facteurs de pénibilité physique et psychologique non négligeables. Beaucoup de difficultés sont liées aux modalités d'organisation de l'activité : les trajets sont nombreux et parfois longs ; bien que le temps partiel soit fréquent, les personnels sont mobilisés sur des plages horaires étendues allant du lever au coucher des personnes accompagnées ; les interventions sont souvent hachées, caractéristique renforcée par le système de tarification horaire et la tendance actuelle à la limitation des plans d'aide. D'autres facteurs de pénibilité tiennent aux caractéristiques mêmes du métier : solitude des interventions ; stations debout fréquentes ; charges lourdes à porter. Enfin, la détérioration de l'état de santé des personnes accompagnées, qu'elle soit physique ou psychologique, peut également jouer sur la pénibilité ressentie par les intervenants. L'ensemble de ces éléments peuvent rapidement conduire à des situations d'épuisement et d'usure prématurée des salariés. Selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) publiée en 2012, un tiers des salariés de l'aide à domicile déclarait un accident du travail au cours des douze mois précédant l'enquête, contre un quart dans le secteur privé.
La bonne application des règles fixées par le code du travail et les conventions collectives apparaît en outre problématique lorsque les structures, trop peu professionnalisées, ne disposent pas des moyens d'encadrement suffisants pour accompagner correctement leurs salariés. Certains salariés se plaignent d'une mauvaise application de la modulation du temps de travail à leur détriment, du non-respect des délais de prévenance, des dispositions sur le travail du dimanche et des jours fériés, de la non-rémunération des temps de déplacement entre deux séances consécutives de travail effectif, du non-respect du repos minimum légal et même de harcèlement moral pour leur faire signer des avenants à la baisse sur des contrats de travail. Il faut se garder bien sûr d'en faire une généralité. Mais les contrôles réalisés par l'inspection du travail demeurent peu nombreux, alors même que le fait d'intervenir au domicile d'un particulier n'a pas pour conséquence d'empêcher toute forme de contrôle. De plus, ni les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), dans le cadre de l'agrément, ni les conseils généraux, dans le cadre de l'autorisation, n'assurent un suivi du respect de la réglementation sociale dans la mesure où cette exigence ne figure pas dans les cahiers des charges.
Ces constats posent la question plus fondamentale de l'évolution nécessaire de l'organisation de l'aide à domicile. Traditionnellement peu structurées, largement organisées autour du bénévolat, les structures d'aide à domicile doivent aujourd'hui monter en compétences à tous les niveaux pour fournir des prestations de qualité auprès d'usagers dont les besoins et les exigences se sont renforcés, mais également pour assurer le bien-être de leurs salariés.
Alors même que ces personnels doivent aujourd'hui intervenir auprès de personnes atteintes de pathologies de plus en plus lourdes et complexes, pour lesquelles il est indispensable de disposer d'un savoir-faire et d'un savoir-être suffisants, les métiers de l'aide à domicile demeurent considérés comme une forme d'aide-ménagère améliorée. Cette situation joue bien évidemment sur l'attractivité du secteur ainsi que sur la capacité des structures à fidéliser leurs salariés : les difficultés propres aux métiers sont souvent trop peu connues tandis que l'apport essentiel des intervenants auprès des publics fragiles reste insuffisamment valorisé.
Dans ces conditions, les services d'aide à domicile sont confrontés à un ensemble de paradoxes qui les conduisent à une situation proche de l'impasse. Si le secteur est présenté comme une source d'emplois importante, ceux-ci ne peuvent se développer auprès des publics fragiles qu'à la condition d'un effort financier suffisant de la part de la puissance publique pour solvabiliser la demande. Or le désengagement progressif de l'Etat dans le financement de l'APA et de la PCH empêche les conseils généraux d'assurer une évolution satisfaisante du niveau des plans d'aide. Rappelons que le versement de l'APA, dont près de 60 % des bénéficiaires résident à leur domicile, représentait en 2012 une charge totale de 5,4 milliards d'euros, couverte à hauteur d'un peu plus de 30 % par la CNSA. En 2011, 26 % des plans d'aide APA individuels étaient au maximum des plafonds autorisés. Cette donnée tend à prouver qu'une partie de la demande d'heures d'aide à domicile n'est pas satisfaite, faute de financements publics. Elles-mêmes confrontées à la nécessité de maîtriser leurs dépenses d'aide sociale, les caisses de retraite tendent à réorienter celle-ci vers des mesures de prévention au détriment des interventions directes au domicile.
Autre difficulté, l'exigence de professionnalisation du secteur et d'amélioration de la qualité des interventions ne peut s'envisager que si les services d'aide à domicile ont les moyens financiers d'assurer à leurs salariés des progressions de carrière satisfaisantes. Très nombreuses sont les structures qui ont engagé au cours des dernières années des politiques de formation ambitieuses. Bénéfique pour les personnels, la professionnalisation et l'accès aux diplômes du secteur médico-social s'avèrent également indispensables à la qualité de la prise en charge de personnes dont les niveaux de dépendance sont de plus en plus élevés. Cependant, mises en oeuvre isolément, ces mesures conduisent mécaniquement à une augmentation du coût horaire de l'intervention, parfois difficile à intégrer pour les conseils généraux. S'engage alors un cercle vicieux : le service est mis en difficulté si le coût de la professionnalisation n'est pas intégré dans le tarif horaire ; lorsque celui-ci est pris en compte mais qu'en résulte un reste à charge plus élevé pour le bénéficiaire, le nombre d'heures consommées peut alors diminuer et contribuer à dégrader la situation financière du service.