Notre première recommandation, sans doute difficile à faire entendre dans une période de contraintes budgétaires, mais pourtant indispensable, vise à augmenter substantiellement le soutien financier de l'Etat vis-à-vis des services d'aide à domicile.
Un premier effort a été réalisé avec les deux fonds de restructuration créés en 2012 puis 2013. Au total, 100 millions d'euros doivent être versés en plusieurs tranches sur la période 2012-2014. Selon un bilan provisoire réalisé à la fin de l'année 2013, 601 services ont été aidés par le premier fond et 528 l'ont été par le second, dont près d'un tiers avait déjà bénéficié d'un soutien en 2012. Ces aides ponctuelles apportent une respiration qui était indispensable aux structures qui en ont bénéficié. Mais elles doivent être confortées par des mesures plus durables.
Le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement entame une avancée encore trop timide par rapport aux attentes. Au sein du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa), 25 millions d'euros devront être fléchés vers la revalorisation des indemnités kilométriques de 0,35 à 0,37 centimes par kilomètre et l'augmentation d'un point d'indice dans la branche de l'aide à domicile. 350 millions d'euros seront par ailleurs destinés aux départements pour permettre une augmentation des plafonds de certains plans d'aide ainsi que la diminution d'une partie des restes à charge. Toutefois, ces efforts ne permettront pas de rééquilibrer le financement de l'APA entre l'Etat et les départements.
Nous proposons donc que l'étude nationale des coûts qui a été confiée en février dernier par la DGCS à un cabinet extérieur permette de fixer un tarif national de référence de l'APA, modulable suivant certaines caractéristiques, notamment géographiques. Celui-ci prendrait en compte les différents coûts supportés par les services mais aussi l'exigence de montée en qualité des prestations rendues aux usagers et d'amélioration des conditions de vie et de travail des personnels. L'augmentation des tarifs qui en résulterait serait prise en charge à 100 % par l'Etat, au moins pour la partie supérieure à la moyenne actuelle des services. Le coût de cette mesure pourrait être, en première estimation, compris entre 300 et 500 millions d'euros.
Notre appel à un engagement plus fort de l'Etat ne nous conduit pas non plus à nier les efforts qui doivent être fournis par les services d'aide à domicile eux-mêmes. Des marges de manoeuvre existent pour améliorer l'organisation des structures et procéder aux mutualisations et regroupements nécessaires. Nous en avons eu la preuve dans le Val-de-Marne où s'est constitué un groupement de coopération sociale et médico-sociale à partir de plusieurs services préexistants, dont certains connaissaient des difficultés financières importantes avant leur intégration dans la structure nouvelle. La mise en commun de fonctions supports, de personnels d'encadrement ou de certains personnels d'intervention, tels que les ergothérapeutes ou les psychologues, peut en outre constituer un vecteur important d'amélioration de la qualité du service rendu aux usagers. D'autres expériences analogues sont tentées dans certaines fédérations ou organisations du secteur.
D'autres mesures passent également par la modernisation des structures, avec la généralisation des dispositifs de télégestion, qui permettent un meilleur suivi de la consommation des plans d'aide, ou l'amélioration des systèmes d'information utilisés par les structures. Sur ces points, la CNSA apporte déjà un soutien technique et financier non négligeable, notamment à travers les conventions qu'elle a nouées avec des départements ainsi qu'avec les principales fédérations du secteur. Au 1er janvier 2014, 46 départements et 8 fédérations étaient accompagnés par la CNSA pour des montants de subventions respectifs de 40 et 45 millions d'euros, versés sur plusieurs années. La CNSA travaille également au développement d'un système d'information qui permette de standardiser les échanges de données relatives aux plans d'aide, à la facturation et à la télégestion, entre les structures et leurs financeurs. L'ensemble de ces efforts doivent être poursuivis et renforcés.
Autre axe de recommandations : l'amélioration des conditions de travail, des rémunérations et des opportunités de carrière des salariés de l'aide à domicile. Le renforcement de l'effort financier en faveur du secteur de l'aide à domicile devrait contribuer à rendre soutenables les efforts de formation que réalisent depuis de longues années les structures d'aide à domicile au bénéfice de leurs personnels. Le soutien qu'apporte la CNSA dans le cadre des conventions qu'elle signe avec les organismes de formation du secteur devrait également pouvoir être renforcé.
Nous estimons par ailleurs nécessaire de rendre plus simple et plus lisible le paysage des différents diplômes et certifications applicables dans le secteur. Les diplômes d'Etat d'auxiliaire de vie sociale (DEAVS) et d'aide médico-psychologique (DEAMP) sont par exemple très proches sans que les spécificités de chaque métier soient clairement comprises par les personnels concernés. Envisager la création d'un socle de compétences commun au plus grande nombre et pouvant ensuite ouvrir la voie vers des spécialisations différentes serait une piste intéressante.
Ces réflexions devraient permettre d'améliorer les possibilités d'évolution des personnels, que ce soit au sein des services d'aide à domicile, par exemple vers des postes de responsables de secteur, ou vers d'autres structures, notamment des établissements. Elles doivent également contribuer au renforcement des capacités d'encadrement dans les services, qui demeurent aujourd'hui l'une des grandes faiblesses du secteur de l'aide à domicile.
Par ailleurs, la prévention de la pénibilité constitue un enjeu essentiel dans un secteur où le personnel, relativement âgé et fortement sollicité physiquement dans ses interventions, ne doit pas se retrouver prématurément usé par l'exercice de son métier. Au-delà des initiatives individuelles, la structuration et le pilotage d'une véritable politique de prévention pourraient être assurés par la CNSA, en lien avec les fédérations, au titre de ses missions d'accompagnement des services d'aide à domicile.
Enfin, le respect des règles fixées par le droit du travail et les conventions collectives nous semble devoir faire l'objet d'un suivi renforcé. La direction générale du travail devrait pouvoir suivre l'évolution des contentieux dans ce secteur d'activité. L'inspection du travail, qui doit rester indépendante, devrait être sensibilisée à la nécessité d'effectuer des contrôles ciblés systématiques auprès des structures d'aide à domicile. Les cahiers des charges imposés aux acteurs par les financeurs et les organismes de certification pourraient comporter un volet sur les conditions de travail.