Intervention de Dominique Watrin

Commission des affaires sociales — Réunion du 4 juin 2014 : 1ère réunion
Aide à domicile — Examen du rapport d'information

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin, rapporteur :

Dernier volet de nos préconisations : l'amélioration du cadre juridique et tarifaire applicable aux services d'aide à domicile.

Depuis 2012, l'assemblée des départements de France (ADF), en partenariat avec les fédérations du secteur, pilote dans une dizaine de départements l'expérimentation d'une tarification sous la forme d'une dotation globale dans le cadre de contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (Cpom). En pratique, le bénéficiaire achète un certain nombre d'heures d'aide à domicile et acquitte un ticket modérateur forfaitisé, lissé sur l'ensemble de l'année, qui correspond à une partie du coût global de l'enveloppe.

En première analyse, un tel dispositif présente des avantages certains. Il permet en premier lieu de sécuriser les relations entre les services et le conseil général en garantissant plus de visibilité dans l'évolution des financements. Les services doivent disposer de davantage de souplesse dans leurs interventions et les risques de pertes de recettes en raison de la sous-consommation des plans d'aide sont normalement évités. Le cahier des charges de l'expérimentation prévoit par ailleurs la valorisation d'un certain nombre de missions d'intérêt général, par exemple de prévention ou de lutte contre l'isolement, sur le modèle du dispositif existant pour les établissements sanitaires. Derrière la volonté de sécuriser les modalités de financement des services d'aide à domicile réside donc également le souci d'améliorer la qualité des interventions réalisées auprès des usagers en confiant aux structures des missions de service public définies dans un cadre contractuel. Comme le laissent entendre les premiers retours sur l'expérimentation, c'est une relation d'un type plus partenarial qui doit pouvoir se construire entre conseils généraux et services.

Certains éléments de l'expérimentation nous semblent cependant devoir faire l'objet d'une analyse plus approfondie. Ainsi, la forfaitisation du reste à charge, qui peut rassurer l'usager dans une certaine mesure, risque également de susciter de l'incompréhension dans les situations où l'ensemble du plan n'a pas été consommé pendant un mois donné.

Le cahier des charges de l'expérimentation prévoit le versement, par douzième, de 90 % du montant de la dotation globale, les 10 % restants étant gelés en début d'exercice puis libérés, le cas échéant, à l'issue d'un dialogue de gestion entre le service et le conseil général. Si ce mécanisme permet d'assurer une certaine sécurité en cas d'évolution à la hausse ou à la baisse de l'activité, le niveau des financements est construit sur les bases tarifaires actuelles dans le cadre d'une enveloppe fermée. Que fait le service pour répondre à une nouvelle demande d'usager lorsqu'il a dépassé son forfait ?

Si les missions d'intérêt général sont énumérées dans le cahier des charges de l'expérimentation, les retours des fédérations d'aide à domicile montrent qu'elles n'ont pas été systématiquement déclinées dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (Cpom), sans doute parce qu'aucune méthodologie n'a encore été définie pour parvenir à les valoriser. De la même façon, les cofinancements prévus par le cahier des charges entre l'assurance maladie et les conseils généraux n'ont pas été mis en oeuvre pour le moment.

Toutes ces interrogations montrent combien il est nécessaire d'assurer un suivi précis de l'expérimentation et de procéder à son évaluation. Or le comité de pilotage ne s'est réuni qu'une fois, le 3 juillet 2013. Parallèlement, le projet de loi vieillissement propose de prolonger l'expérimentation pour une année supplémentaire. Il nous semble qu'il faut agir tout autrement en confiant dès à présent à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) l'évaluation de l'expérimentation afin d'en tirer le plus tôt possible les conclusions qui s'imposent. Nul n'est besoin de prolonger indéfiniment une expérimentation si aucun suivi n'est assuré en parallèle ! Les conclusions qui seront rendues à l'issue de cette évaluation devront par ailleurs s'appuyer sur l'étude nationale de coûts, qui permettra de disposer d'éléments objectifs pour envisager la mise en oeuvre de la réforme.

Autre réforme structurelle indispensable : mettre fin au système du droit d'option entre autorisation et agrément. Le dispositif actuel n'est pas satisfaisant. Par cohérence avec les évolutions envisagées dans le domaine de la tarification, nous estimons souhaitable de s'orienter vers un système unique d'autorisation, fondé sur une contractualisation entre le financeur et le service permettant la définition d'un certain nombre de missions de service public. Les services seraient soumis à des critères de qualité communs et les dispositifs d'évaluation seraient uniformisés. Une telle évolution constituera très certainement un bouleversement pour le secteur. Mais elle est cohérente avec l'idée que nous nous faisons du service public et du rôle des services d'aide à domicile auprès des plus fragiles.

Enfin, il est indispensable d'assurer une coordination accrue entre les structures qui interviennent au domicile des personnes fragiles, condition nécessaire au renforcement de la qualité des interventions.

Depuis 2004 peuvent être créés des services polyvalents d'aide et de soins à domicile (Spasad), qui regroupent des services d'aide à domicile et des services de soins infirmiers à domicile. Le rapprochement entre ces deux types de services emporte de véritables opportunités en termes de mutualisation. Il peut également avoir un impact positif sur les salariés des services d'aide à domicile, davantage associés à des missions de prévention et en quelque sorte tirés vers le haut au contact des personnels soignants. Pourtant, il n'existe aujourd'hui que 91 structures et aucune évaluation globale n'a encore été menée pour comprendre les freins à leur développement. Nous recommandons par conséquent que soit confiée au plus vite à l'Igas une évaluation du fonctionnement des Spasad afin que puissent être clairement établies les pistes d'amélioration du dispositif. Parmi celles-ci nous semble devoir être étudiée celle d'une fongibilité complète entre les enveloppes de financement - assurance maladie et conseils généraux -. Nous estimons également qu'une généralisation du modèle des Spasad ne pourra être obtenue qu'au prix d'un renforcement des liens entre ARS et conseils généraux, afin que ceux-ci deviennent pleinement partenaires dans la structuration d'une offre de services et de soins permettant d'éviter les ruptures de prise en charge.

Le décloisonnement des prises en charge est sans cesse présenté comme indispensable à l'amélioration du parcours de santé. Les tentatives de rapprochement entre secteur médico-social et sanitaire continuent pourtant de revêtir un caractère largement expérimental, notamment dans le cadre du parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d'autonomie (Paerpa). Or il est plus que nécessaire de dépasser les expérimentations pour développer des dispositifs pérennes de coordination entre les structures sanitaires et médico-sociales dans lesquels les services d'aide à domicile puissent trouver toute leur place.

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