Merci pour votre accueil. C'est en effet la première fois que j'ai l'honneur de vous présenter un projet de loi. Souvent, le passé éclaire l'avenir. Il est donc utile de bien connaître les résultats comptables et budgétaires de l'année 2013. Cette étape est la première d'une série de rendez-vous qui nous attendent : le débat d'orientation des finances publiques, le projet de loi de finances rectificative, qui doit être délibéré par le Conseil des ministres le 11 juin et le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, prévu au conseil des ministres du 18 juin.
Nous pouvons nous accorder sur quelques constats. Les efforts consentis par nos concitoyens produisent des résultats : le déficit public est passé de 4,9 % du PIB en 2012 à 4,3 % en 2013. Alors qu'il était de 148 milliards d'euros en 2010, il est passé de 87,1 milliards d'euros en 2012 à 74,9 milliards d'euros en 2013, soit une diminution de 12,2 milliards d'euros : ainsi, par rapport à 2010, nous l'aurons divisé par deux ! Nous suivons donc une trajectoire de réduction du déficit. Certains pourraient souhaiter que sa pente soit plus forte, mais nous devons veiller à ce qu'elle soit soutenable.
La croissance ayant été limitée à 0,3 %, ces chiffres signifient que la réduction du déficit structurel est de 1,1 % du PIB. Fin 2013, celui-ci s'établit à 3,1 % du PIB, ce qui est le plus bas niveau, avec l'année 2006, constaté depuis 2002 : ainsi, au 31 décembre 2013, les déséquilibres budgétaires accumulés pendant une décennie ont été nettement asséchés.
La dépense a été tenue grâce à un effort très important. La croissance de la dépense publique en valeur a été limitée à 2 %, soit le plus bas niveau depuis 1998. Les dépenses nettes du budget général de l'État sur le périmètre dit « zéro valeur », c'est-à-dire y compris prélèvements sur recettes et hors charge de la dette et pensions, ont été inférieures de 144 millions d'euros au niveau fixé par l'autorisation parlementaire. Si l'on y ajoute la charge de la dette et les pensions, la sous-exécution s'établit à 3,5 milliards d'euros sur le champ dit « zéro volume ».
Sur le périmètre le plus large, qui inclut les dépenses exceptionnelles et couvre donc toutes les charges du budget général, la dépense augmente seulement de 2,2 milliards d'euros en 2013. Cette hausse est intégralement due à la forte croissance, de 3,4 milliards d'euros, du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, dont 1,8 milliard d'euros d'apurement de dettes accumulées sur le budget communautaire depuis 2007. Sans cette forte hausse du prélèvement sur recettes, les dépenses de l'État auraient diminué en valeur en 2013 par rapport à 2012. On nous objectera que ces résultats découlent de la modération des taux d'intérêt, historiquement bas, auxquels l'État emprunte. Incontestablement, la charge de la dette a été inférieure de 2 milliards d'euros à la prévision. Toutefois, cette évolution des taux n'est pas un facteur exogène : il est le signe de la confiance des créanciers de l'État dans sa signature et donc dans la politique économique et budgétaire menée par le Gouvernement et la majorité. Sur le périmètre des dépenses « zéro valeur », c'est-à-dire sans prendre en compte la charge de la dette et les pensions, la dépense a également été maintenue en-deçà de l'autorisation parlementaire.
Ainsi, la dépense publique en général et la dépense de l'État en particulier ont été maîtrisées en 2013 : la Cour des comptes ne dit pas autre chose dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire.
Les recettes fiscales nettes de l'État ont augmenté de 15,6 milliards d'euros en 2013 par rapport à 2012, grâce aux mesures adoptées dans la loi de finances rectificative de juillet 2012 et la loi de finances pour 2013, qui étaient justifiées non seulement par des considérations budgétaires, mais aussi par la volonté de rétablir la progressivité du système fiscal, fortement entamée pendant dix ans : rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), des droits de successions et des donations, instauration de la tranche d'impôt sur le revenu à 45 %, imposition des revenus du capital au barème de l'impôt sur le revenu et, pour les grandes entreprises, limitation des reports de déficit et de la déductibilité des charges financières.
Certes, cette amélioration n'est pas aussi nette que ce que nous escomptions. L'écart entre la prévision et l'exécution des recettes fiscales s'explique d'abord par une croissance moins forte qu'anticipé. La prévision de recettes fiscales nettes de la loi de finances pour 2013 était de 298,6 milliards d'euros. Au moment du programme de stabilité, en avril, la prévision fut revue à 290,4 milliards d'euros. Lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2014, l'estimation est revue à 287,8 milliards d'euros et demeure quasiment inchangée en LFR de fin d'année, à 287,5 milliards d'euros. Finalement, l'exécution ressort à 284 milliards d'euros, soit un écart de 14,6 milliards d'euros par rapport à la LFI, et de 3,7 milliards par rapport à la dernière prévision de loi de finances. Le Parlement a donc régulièrement été informé. Parler de dissimulation de notre part est donc mensonger.
Les écarts entre prévision et exécution, qui ne sont pas contestables, ne sont pas sans précédent. En 2008, l'écart entre la prévision de recettes fiscales nettes de la LFI et l'exécution a été de 11,8 milliards d'euros. En 2009, cet écart a atteint 45,2 milliards d'euros, soit trois fois plus que ce que l'on a constaté en 2013. Ces écarts ont tous pour cause le retournement de la conjoncture économique : la croissance est passée de 2,4 % en 2007 à 0,2 % en 2008, et de 2,1 % en 2011 à 0,3 % en 2012. Le référé de la Cour des comptes sur les prévisions de recettes fiscales publié en février dernier confirme que c'est quand la croissance ralentit ou accélère que l'on constate des écarts, à la baisse ou à la hausse, entre prévisions et exécution de recettes.
La Cour des comptes a elle-même sous-estimé les moins-values de recettes dans ses prévisions. Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2013, elle estimait que, sur la base d'une croissance du PIB de 0,1 %, les risques de moins-values de recettes étaient compris entre zéro et quatre milliards d'euros. La croissance a finalement atteint 0,3 % et la moins-value constatée 6 milliards d'euros, soit moitié plus que la prévision la plus pessimiste de la Cour.
Je conteste donc formellement, j'y insiste, les interrogations sur la sincérité de la prévision. La sincérité ne s'apprécie pas au regard de l'écart entre la prévision et l'exécution : sans quoi le budget 2009 serait sans doute le plus insincère de notre histoire ! La sincérité est une notion définie précisément par l'article 32 de la LOLF, qui dispose qu'elle s'apprécie « compte tenu des informations disponibles ». La prévision de la loi de finances initiale a été fixée compte tenu des informations disponibles à l'automne 2012, et a été actualisée au long de l'année pour prendre en compte les nouvelles informations. Le Conseil constitutionnel, saisi du grief d'insincérité par l'opposition sénatoriale, l'avait d'ailleurs rejeté.
J'en viens aux comptes de l'État pour l'année 2013, qu'il vous est proposé d'approuver par la loi de règlement. La trajectoire d'amélioration de la qualité de nos comptes, engagée depuis la mise en oeuvre de la LOLF, s'est poursuivie, la certification des comptes de l'État n'ayant donné lieu qu'à cinq réserves cette année, soit deux de moins que l'année précédente : la réserve sur l'évaluation du patrimoine immobilier de l'État a été levée, ainsi que celle qui portait sur les passifs non financiers. Ainsi, nous sommes parvenus, grâce à un gros effort de l'ensemble des administrations concernées, à un suivi fiable des engagements hors bilan de l'État, sujet auquel votre commission s'est beaucoup intéressée. C'est un apport majeur de la comptabilité patrimoniale de l'État, qui nous permettra de piloter efficacement nos engagements dans les années à venir. La France est le seul État de la zone euro dont les comptes sont certifiés, ce qui est un gage de crédibilité pour les investisseurs internationaux.
L'assainissement des finances publiques s'est donc poursuivi en 2013 : le déficit public a continué à se réduire, le déficit structurel a retrouvé son plus bas niveau, la dépense a été strictement maîtrisée. Pourtant, compte tenu de la dégradation de la conjoncture économique et de son impact sur les recettes, le déficit structurel a été, en 2013, supérieur de plus de 0,5 % à la prévision de la loi de programmation des finances publiques. Cela nous conduit à enclencher la procédure de correction des écarts : la loi organique impose au Gouvernement de tenir compte de cet écart dans le projet de loi de finances pour 2015. Dès les textes financiers rectificatifs qui seront prochainement déposés, le Gouvernement vous proposera un ensemble de mesures d'économies pour un montant de 4 milliards d'euros dès 2014, dont 1,6 milliard d'euros pour le budget de l'État - un milliard d'euros d'annulations de crédits et 600 millions d'euros de ponction de la réserve de précaution - afin d'entamer la résorption de l'écart constaté en 2013. Cet effort, qui porte sur l'ensemble des administrations publiques, sera complété dans les textes financiers pour 2015 qui, selon la trajectoire du programme de stabilité, doivent prévoir 21 des 50 milliards d'euros d'économies annoncées.