Intervention de Mireille Delmas-Marty

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 4 juin 2014 : 1ère réunion
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Audition de Mme Mireille delMas-marty professeur honoraire au collège de france

Mireille Delmas-Marty, professeur honoraire au Collège de France :

Je ne promets pas de tenir ce programme ! La quatrième partie de l'étude d'impact contient une évaluation très claire des moyens nécessaires. Oui, madame Tasca, il faut affirmer l'obligation de donner ces moyens. La pédagogie de la loi en fait partie. La réponse consistant à procéder par étapes peut être valable, à condition que l'horizon soit déjà indiqué : que la contrainte pénale ait vocation à devenir peine principale pour les délits, quitte à commencer plus modestement. Si elle l'est au moins pour certains d'entre eux, le juge sera obligé de réfléchir à sa mise en oeuvre avec les moyens dont il dispose.

Le choix de délits spécifiques est sans doute la meilleure solution, à condition de ne pas se restreindre aux délits routiers pour lesquels l'incarcération est la moins utilisée. Le moment est venu de rompre avec la dualité de la prison et des peines alternatives, ce que nous n'avions pas réussi en 1994.

La césure du procès pénal vient du droit anglo-américain, qui pose une séparation absolue entre la culpabilité et la personnalité. Toute notre théorie de la preuve en serait transformée. L'on n'a sans doute pas suffisamment expliqué ce changement de culture.

Rupture ou pas rupture ? À demi-mesure, comme le titrait un journal, demi-rupture... Si l'on ne veut pas supprimer la rétention de sûreté, il n'en faut pas moins tenir compte de la jurisprudence de la CEDH et aller vers une solution moniste : cette rétention à durée indéterminée (dans l'affaire soumise à la Cour, la personne avait été retenue pendant 24 ans pour une condamnation à cinq ans !) est bien une peine. Elle nécessite aussi des moyens considérables, si l'on veut qu'elle contribue effectivement à réduire la dangerosité du condamné.

La rétention de sûreté implique bien un changement de philosophie, puisqu'elle s'appuie sur un constat de dangerosité qui n'a rien à voir avec l'idée de faute commise dans le passé. D'un individu que l'on étiquette dangereux, on considère qu'il récidivera quoi qu'il arrive : c'est la négation du principe de responsabilité, fondamental dans notre conception de la sanction pénale.

Condamnée par la CEDH, l'Allemagne cherche des alternatives qu'il conviendra d'observer. Le système néerlandais du TBS combine quant à lui sanction et traitement des troubles mentaux.

Il est essentiel de marquer l'horizon, même si vous n'y allez pas tout de suite.

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