Intervention de Stéphane Gicquel

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 4 juin 2014 : 1ère réunion
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Audition de Mme Sabrina Bellucci directrice et M. Sébastien Brach administrateur de l'institut national d'aide aux victimes et de médiation inavem M. Alain Boulay président de l'association d'aide aux parents d'enfants victimes apev ainsi que M. Stéphane Gicquel secrétaire général et Mme Marie-Alexia Banakas juriste de la fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs fenvac

Stéphane Gicquel, secrétaire général de la fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs (FENVAC) :

La FENVAC est une fédération qui regroupe des victimes du terrorisme. Nous avons pris la continuité de l'association Sos Attentats crée par Mme Françoise Rudetzki. Cette association a été dissoute en 2008, et Mme Rudetzki a intégré notre fédération. Nous nous occupons aussi des accidents collectifs : catastrophes naturelles, accidents aériens, incendies...

Nous aidons et défendons les victimes ; même si nous sommes une association de victimes, j'ai la faiblesse de penser que nous pouvons aussi être professionnels. Nous sommes aussi partie civile au nom de la fédération dans une cinquantaine de procédures judiciaires. Nous participons enfin à de nombreux colloques, groupes de réflexion et à des formations.

Notre conseil d'administration est composé de trente membres qui chacun a été victime ou a perdu un de ses proches. En France, nous avons du mal à avoir un débat serein lorsqu'il s'agit de faire évoluer le droit pénal. Souvent la caricature l'emporte sur le consensus et la parole des victimes est parfois instrumentalisée ou détournée.

Ce projet de loi a l'intérêt de rappeler l'importance de la justice pour les victimes. Peut-être les attentes de ces dernières sont-elles trop importantes, d'où de fréquentes déceptions. Ce texte traite du sens de la sanction et de la peine. Pour les accidents collectifs, les conséquences sont le plus souvent dramatiques et pourtant l'emprisonnement reste l'exception. Depuis longtemps, nous travaillons sur le sens de ce recours à la justice. La victime ne doit pas faire de la peine le seul référent. La qualité de la réponse judicaire va au-delà de la sanction.

L'objectif de ce texte est louable : la lutte contre la récidive devrait faire consensus et la prison a parfois une dimension désocialisante. Il ne faut pas non plus s'interdire d'expérimenter ou d'innover.

Nous sommes favorables à l'individualisation des peines et à la suppression des peines planchers. Par principe, notre fédération est opposée à toutes les mesures à caractère automatique, qui portent atteinte à l'acceptation et à la compréhension de la sanction. Le pendant de l'individualisation des peines est l'individualisation de la réparation de la victime. Mais individualiser, c'est prendre du temps. Or, les magistrats n'ont pas le temps d'organiser des audiences où se déroulent de véritables débats sur les faits. Alors que l'instruction dure des années, la victime n'a la parole que le jour du procès. Quand son affaire est expédiée en moins d'une heure, sa déception est grande. Il faut donc prendre le temps d'écouter le prévenu et les victimes. Pour les catastrophes, nous avons des audiences qui durent des semaines et les magistrats connaissent parfaitement le dossier, si bien que l'oeuvre de justice et de réparation est bien réelle alors que les peines sont souvent très faibles. Ne fondons pas la réparation exclusivement sur la sanction !

Nous sommes a priori favorables à l'instauration de la contrainte pénale, mais les victimes auront du mal à comprendre cette nouvelle sanction : il faudra faire oeuvre de pédagogie, car certains craignent que l'on veuille supprimer la prison. Il faudra avancer progressivement et éviter d'étendre cette mesure à tous les délits.

Cette loi devra faire ses preuves et nous la jugerons à l'aune de l'efficacité de la sanction. Le « match retour » de cette loi se jouera lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015 : si les moyens sont insuffisants, cette loi pénale n'aura été qu'une coquille vide.

Je regrette que ce texte se borne à rappeler des grands principes pour ce qui concerne les victimes : ces droits existent et ils doivent être appliqués.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion