Nous sommes convaincus que les comportements peuvent évoluer sans utiliser de « carotte ». La dernière lettre d'INAVEM renvoie d'ailleurs à la médiation. Les rencontres que nous organisons entre victimes et condamnés n'octroient aucun bénéfice à ces derniers dans leur parcours carcéral. Elles relèvent d'une approche humaniste, fondée sur la prise en considération du parcours de chacun. Lorsque les auteurs de violence prennent conscience que leur victime est enfermée, si l'on peut dire, dans son préjudice pour le restant de ses jours, je vous assure que les comportements évoluent. Il n'y a là aucun angélisme.
Reste que ces rencontres doivent être clairement encadrées par le droit. Ce dont manque la justice aujourd'hui, c'est de temps. Les acteurs du système judiciaire doivent d'abord rendre la justice au quotidien, c'est-à-dire promptement. Les réponses ne sont donc guère adaptées à la souffrance des victimes et des auteurs de violences. Réintroduisons dans la réforme le temps nécessaire aux questions, à la compréhension par chacun des situations.
En vingt ans d'expérience professionnelle, j'ai rencontré de nombreuses victimes. Passé un premier temps de colère, le seul que l'opinion retient, les victimes abandonnent tout sentiment vindicatif. Elles font preuve, il faut le dire, d'une remarquable dignité. Il faudra en effet faire preuve de pédagogie pour faire accepter la contrainte pénale à l'opinion.
Sur la prescription, un gros travail reste à faire. Gardons-nous de viser des situations trop spécifiques - l'inceste par exemple. Élaborons une réforme de long terme, en pensant aux générations futures.
La sanction ne concerne pas que le délinquant, elle a aussi un écho sur les victimes. Une proposition de loi pourrait venir rééquilibrer les choses, en transposant véritablement la directive européenne relative aux droits des victimes. La dernière loi courageuse en la matière, celle d'Élisabeth Guigou renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, remonte à 15 ans... C'est par là que passe une oeuvre de justice pleine et entière.