Intervention de Isabelle Pasquet

Réunion du 10 juin 2014 à 14h45
Débat : « quel avenir pour les colonies de vacances ? »

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les séjours de vacances appelés communément « colonies de vacances » ont incontestablement marqué notre mémoire collective. Des souvenirs nous renvoient à nos propres expériences, à celles de nos enfants – Pierre Perret en apporte un certain témoignage, certes très personnel, dans sa chanson.

Mais les « colos », ce n’est pas simplement « youkaïdi youkaïda », c’est surtout une démarche qui a permis aux jeunes de nos villes, de nos départements, de nos entreprises, de partir en vacances et d’avoir accès à une forme d’éducation qui revendique son caractère populaire. En effet, si les premières colonies de vacances, en France comme ailleurs en Europe, ont été le fait de patronages tant religieux que laïques, elles avaient déjà, outre une vocation sanitaire évidente, une dimension sociale indéniable. Elles s’adressaient alors essentiellement aux enfants d’ouvriers, qui devaient faire face à des conditions de vie précaires, résultant notamment d’une urbanisation rapide, désordonnée, dont la finalité résidait plus dans la satisfaction des besoins industriels nouveaux que dans l’amélioration de la vie des ouvriers et de leur famille.

La Ligue de l’enseignement, créée en 1866 et fervent défenseur de l’école laïque, a largement contribué à l’organisation de séjours à destination des enfants et à vocation sanitaire, sociale, mais aussi éducative. La période de l’entre-deux-guerres, marquée par l’émergence de revendications nouvelles et par la volonté d’acteurs associatifs, mutualistes, syndicaux et politiques de construire une société plus juste et plus solidaire, participera à l’amplification de ce mouvement. On peut même parler d’un basculement, car il s’agit non plus seulement de permettre aux enfants d’ouvriers d’accéder à des loisirs et à un environnement sain, mais de favoriser le développement personnel des jeunes. Pour cela, on avait besoin d’un encadrement formé. C’est ainsi qu’ont été créés les premiers centres d’entraînement, puis le réseau des CEMEA, les centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active, chargés notamment de former les animateurs.

Puisque les colonies ne sont pas seulement des lieux où les jeunes passent du temps, puisque les colonies sont des lieux d’éducation et de construction, alors il faut, comme à l’école, des règles de fonctionnement, et le personnel encadrant doit être formé. L’idée majeure est que les jeunes s’approprient des savoirs, dans un contexte qui n’est ni familial ni scolaire, dans le but de construire les citoyens de demain. Cet objectif explique pourquoi la mixité sociale est particulièrement importante.

Souhaitées par des structures non gouvernementales, les colonies de vacances et le mouvement d’éducation populaire auquel elles se rattachent recevront dès 1936 l’appui du Front populaire, avec la création du premier secrétariat aux loisirs et aux sports dirigé par Léo Lagrange. Les municipalités, essentiellement de gauche, s’engageront activement pour assurer les besoins de leurs populations, faisant des colonies un élément de leur politique en direction des jeunes, basée sur des valeurs de solidarité et de partage. Dans ce cadre, le mouvement d’éducation populaire est précurseur pour ce qui est de l’enseignement en faveur de la protection de l’environnement.

Le monde salarié n’est pas en reste et, progressivement, les comités d’entreprise dotés de budgets pour les activités sociales vont, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, participer eux aussi au développement des colonies de vacances.

Je profite de cette intervention pour dire combien la mesure envisagée par le ministre du travail de geler pendant trois ans les seuils sociaux serait dramatique. Vous n’êtes pas sans savoir, mes chers collègues, que les comités d’entreprise participent au financement des activités de loisir des salariés et de leurs enfants. Cette mesure, si elle devait être appliquée, se traduirait immanquablement par une perte de pouvoir d’achat des salariés.

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