J’ai moi aussi fait pas mal de colos… Celles-ci permettent une appréhension du monde concret, au rythme des transports collectifs, à la sueur de la marche à pied ou pendant les longues soirées enchantées par les veillées.
Les colonies de vacances sont passées d’une création par le secteur associatif à une appropriation par le secteur marchand, de la quasi-gratuité, grâce à l’encadrement par des bénévoles, aux séjours payants, suite à la professionnalisation des personnels. Ces derniers ont d’abord été très mal rémunérés ; peut-être l’avez-vous oublié, mes chers collègues. En 1969, je percevais 10 francs par jour. Sur les vingt-trois jours travaillés, j’ai gagné à peine 300 francs, soit moins du tiers du SMIC, qui s’établissait entre 900 et 1 000 francs par mois. C’était donc presque du bénévolat, d’autant que je dépensais la moitié de mon salaire pendant les journées de repos.
Sur les 12 200 organisateurs de séjours avec hébergement recensés en 2011, 8 300, soit 68 %, sont des associations, et seulement 3 500, soit 29 %, sont des collectivités territoriales.
Le rapport parlementaire sur l’accessibilité des jeunes aux séjours collectifs et de loisirs, déposé le 10 juillet 2013, fait un bilan de la situation actuelle des colonies de vacances. En préambule, il affirme que les colonies de vacances s’inscrivent dorénavant dans un nouveau contexte, la relation entre les jeunes et leur temps de loisirs s’étant considérablement transformée au fil du temps. Il pointe aussi un émiettement de la fréquentation des colonies depuis vingt ans. Le taux de départ des jeunes âgés de cinq à dix-neuf ans en séjours collectifs de vacances de plus de cinq nuits, c’est-à-dire en colonie de vacances, qui avait atteint 14 % en 1995 – cela représentait 28 millions de nuitées –, n’était plus que de 7, 5 % en 2011. En outre, la durée moyenne des séjours a diminué. Cette évolution préoccupante mérite d’être soulignée et doit être mise en lien avec la hausse du prix des colonies. Il faut compter entre 400 et 600 euros par enfant pour une semaine. Le coût journalier est compris entre 63 et 75 euros, selon la distance entre le domicile et le lieu de séjour.
Les vacances devraient être un droit pour tous. La crise actuelle est une menace qui pèse sur les budgets. La preuve, 30 % de nos enfants ne seraient jamais partis en vacances.
Cette situation est grave, car les besoins existent encore plus aujourd’hui qu’hier, du fait de la pauvreté grandissante, de l’extension du chômage de masse et de la précarité qui galope.
Les coûts ayant fortement augmenté, de l’ordre de 63 à 75 euros la journée, comme je l’ai dit précédemment, on assiste à un repli important des familles sur les centres aérés, les centres de loisirs sans hébergement ou les accueils de loisirs sans hébergement. Il faut dire que les communes et les CAF ont beaucoup investi ces dernières années, de même que pour l’accueil de la petite enfance.
Le coût de ces structures est très inférieur, car les communes, lorsqu’elles sont organisatrices, mettent en place un calcul des tarifs basé sur le quotient familial, avec quatre ou cinq tarifs permettant d’y assurer la mixité sociale. Néanmoins, à mon sens, elles n’ont pas la même portée que les colonies de vacances ou les classes de découverte.
Quant aux comités d’entreprise, ils ont peu à peu préféré se tourner vers des opérateurs à but lucratif pour les vacances des enfants de leurs salariés, délaissant la majeure partie des colonies traditionnelles organisées par des associations ou des collectivités territoriales.
Heureusement, certains comités d’entreprise continuent d’y croire et de s’y investir, comme celui de la SNCF, avec 14 000 enfants concernés, ainsi que des organismes tels que les associations de pupilles de l’enseignement public, les PEP. Ainsi, dans le Morbihan, les PEP 56 gèrent six centres de vacances, deux bases de voiles, soit 1 000 lits au total. En un an, ils accueillent 17 000 enfants ou adolescents, dont 13 500 en colos ou en classes de découverte. Malgré cet engagement exceptionnel, madame la ministre, il leur est promis la suppression, au minimum, d’un poste de direction.
Tous ces aléas, conjugués à l’augmentation des coûts, empêchent les jeunes qui en ont le plus besoin d’accéder à ces séjours. La réalisation d’un objectif de mixité sociale est ainsi compromise. C’est extrêmement préjudiciable pour leur avenir, car les centres aérés, malgré leur intérêt et le fait que les deux types de structures soient très complémentaires, sont loin de répondre aux mêmes objectifs que les colonies de vacances.
L’apport éducatif, la construction de l’autonomie, l’apprentissage de la vie en groupe ou en collectivité, l’éducation à la citoyenneté, le tout en dehors ducercle familial, c’est extra ! Il s’agit d’un apport comparable à celui d’une classe de découverte pendant la période scolaire. En effet, les deux formules permettent aux enfants de s’épanouir, car elles les placent en situation de réussite. Malgré mes réticences initiales, j’ai été convaincu, après l’avoir vécu à maintes reprises, que la classe de découverte permet de débloquer la plupart des enfants qui ont des difficultés, lesquels trouveront leur autonomie et seront mis en valeur grâce au sport ou à des activités d’éveil comme le chant.
Tous ces enfants ont besoin d’être valorisés, et rien n’est pire que de les laisser en échec devant une feuille blanche. Je le dis avec mon cœur, car j’ai souvent été très surpris par les changements provoqués par de telles expériences chez des enfants en situation de blocage. De plus, le coût est moins élevé, car, bien souvent, les enseignants, aidés par des parents d’élèves ou des membres de l’amicale de l’école, encadrent les classes de découverte. Parfois, même, le maire est sollicité, ce qui contribue à le rajeunir…