Intervention de Xavier Turion

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 29 avril 2014 : 1ère réunion
Stéréotypes dans les manuels scolaires — Table ronde

Xavier Turion, chef de service à la Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) :

Mme Marie-Christine Blandin a résumé de manière complète les bases législatives sur lesquelles s'appuie le CSP dans la matière qui nous intéresse ainsi que les recommandations qui figurent dans les deux lettres de commandes adressées par le ministre de l'Éducation nationale au CSP.

Le ministère, une fois saisi des propositions du CSP, sera appelé à vérifier la conformité de celles-ci aux commandes passées par le ministre.

Le ministère s'en tient aux principes de liberté et de responsabilité pour la conception des programmes et des manuels : liberté et indépendance totale du CSP tout d'abord, ainsi qu'en dispose la loi, mais aussi liberté et responsabilité des éditeurs qui ont la charge de concevoir les manuels, d'en choisir les auteurs, d'en vérifier la rédaction, toutes tâches qui sont de leur seul ressort ; liberté enfin dans le choix des manuels par les enseignants.

Ce jeu de liberté et de responsabilité induit des mécanismes d'autorégulation qui, certes, n'ont pas suffi aujourd'hui à réduire les stéréotypes dans le milieu scolaire, mais peuvent y concourir. L'autorégulation peut provenir du jeu du marché dans l'offre éditoriale et de la diversité de cette offre qui induit un traitement différencié ; la liberté de choix des enseignants peut elle-même avoir des vertus de régulation puisqu'ils peuvent ne pas sélectionner les manuels qui comporteraient des stéréotypes.

Enfin, j'admets que ces mécanismes ne sont guère maîtrisables et n'ont encore guère porté leurs fruits.

Faut-il cependant aller jusqu'à instituer des dispositifs d'habilitation ? Nous ne le croyons pas, les expériences qui ont pu être menées dans d'autres pays n'ayant pas donné de résultats probants. Le ministère ne souhaite pas développer de solutions dirigistes consistant à vérifier la conformité des manuels aux principes républicains, et notamment à celui de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Néanmoins, on pourrait concevoir, sous forme de « documents conseils » n'ayant pas de force juridique par eux-mêmes, que soit élaborée une charte précisant les attentes de l'institution et clarifiant par là même l'articulation entre les programmes d'enseignement et leur déclinaison dans les manuels. Un tel dispositif devrait certainement permettre d'améliorer la conformité des manuels à la lettre et à l'esprit des programmes, de veiller précisément à la question qui nous occupe, celle des stéréotypes, et donc d'atténuer les risques liés à certains choix éditoriaux qui peuvent donner lieu à contestation et à polémique.

Une expérience a été engagée en ce sens pour les manuels de cycle 2 : le ministère a tenu dans ce contexte une importante réunion qui a donné lieu à de vifs débats avec le Syndicat national de l'édition (SNE) et un grand nombre d'éditeurs. Un document de synthèse, que l'on avait appelé à tort « cahier des charges pour l'élaboration des manuels de français et de mathématiques » avait été proposé. Ce terme de « cahier des charges » a été très mal reçu par les éditeurs et catégoriquement rejeté par eux. Cependant, lors de cette réunion s'est fait jour une convergence possible si l'on considérait ce document d'orientation non pas comme un cahier des charges s'imposant formellement aux éditeurs, comme c'est le cas dans le cadre d'un appel d'offres, mais plutôt comme un document de référence dont les auteurs et les éditeurs sont susceptibles de s'inspirer, de même que les enseignants et les corps d'inspection lorsqu'ils procèdent aux choix des manuels.

Nous ne sommes pas allés plus loin pour le moment. Cette idée fait peut-être partie des pistes à explorer pour l'avenir.

Pour améliorer la prise en compte par les manuels des principes fondamentaux de la République, et notamment de l'égalité, il nous semble important de respecter des dispositions du code de l'éducation et, en particulier, l'article D. 311-5 qui fait obligation aux ministres de l'Éducation nationale de ne pas mettre en oeuvre des programmes avant un an après la date de publication desdits programmes. Cette période entre la publication des programmes et leur mise en oeuvre effective, et donc la date à partir de laquelle le manuel sera proposé au choix des enseignants, donne du temps à la réflexion, à l'appropriation des programmes et à leur bonne compréhension.

Par ailleurs, le contact qui a toujours existé entre les concepteurs de programmes et les éditeurs dans toutes les différentes phases d'élaboration de ces programmes peut incontestablement concourir à la bonne compréhension de ceux-ci.

Nous n'avons pas encore étudié cette question avec le CSP. Le ministère est prêt à prendre contact avec les éditeurs une fois que les propositions du conseil lui auront été transmises ; un tel contact nous apparaît en effet capital.

Enfin, au moment où s'élaborent les nouveaux programmes qui aboutiront à un renouvellement complet des contenus d'enseignement pour la scolarité obligatoire, on peut considérer que le moment est opportun pour renouveler le stock de manuels dont certains comportent beaucoup de stéréotypes. Nous pouvons raisonnablement espérer que cette nouvelle génération de manuels, prenant appui sur de nouveaux programmes qui intègrent mieux l'impératif d'égalité, permettra d'atteindre les objectifs que nous nous fixons.

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