Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 11 juin 2014 à 14h30
Débat sur les conclusions de la mission commune d'information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier, au nom du groupe du RDSE :

Mais je le fais avec une grande joie, aussi, parce que je prends le relais ici de mon ami Stéphane Mazars, mon remplaçant sur ces travées, qui m’a transmis le témoin.

Je vais m’attacher à ce que ce passage de témoin soit aussi réussi que la présentation qui a été faite de ce rapport en conférence de presse par le président Michel Savin, et par mon ami Stéphane Mazars, rapporteur.

Personne n’ignore aujourd’hui le rôle pris par les collectivités territoriales dans le domaine du sport.

Les lois de décentralisation successives n’ont pas fait du sport une compétence exclusive de l’une ou l’autre des collectivités territoriales, laissant ainsi aux régions, aux départements, aux communes et à leurs groupements, la responsabilité d’intervenir dans ce champ qui ne relève pas toujours de l’action publique.

La mission commune d’information, à la suite de nombreux travaux conduits sur la problématique de l’implication financière des collectivités territoriales, s’est interrogée très opportunément sur les voies de rationalisation des relations entre ces collectivités et le monde du sport professionnel, dont l’évolution s’apparente autant à celui de l’industrie et du commerce sous toutes ses formes que du spectacle.

Elle distingue ainsi clairement le sport amateur, dont le développement relève prioritairement des missions dévolues aux collectivités territoriales, du sport professionnel, dont l’évolution est marquée par quatre changements majeurs.

Premièrement, nous assistons à un nouveau dimensionnement du sport professionnel au-delà de nos frontières nationales : celui-ci s’élargit à l’Europe, voire au-delà, et entre en compétition avec des clubs étrangers hautement dynamiques.

Deuxièmement, certains clubs mènent des politiques de recrutement particulièrement ambitieuses et n’hésitent pas à accroître substantiellement les masses salariales, celles-ci pouvant représenter jusqu’à 70 % des dépenses des clubs sportifs.

Troisièmement, nous constatons une croissance particulièrement soutenue des droits de diffusion télévisée, essentiellement pour le football – leur montant annuel va passer de 607 millions d’euros pour la période 2012-2016 à 748 millions d’euros pour la période 2016-2020 – et pour le rugby – s’agissant du Top 14, ces droits passeront de 32 millions d’euros à 71 millions d’euros –, mais aussi, à un niveau moindre, pour des sports individuels comme le tennis ou le cyclisme.

Pour illustrer le montant de ces droits, retenons les chiffres globaux de 500 millions d’euros en 2000 et de 1, 185 milliard d’euros en 2013 ! Vous conviendrez, monsieur le secrétaire d’État, que ces chiffres astronomiques frappent les esprits.

Quatrièmement, nous observons des mutations telles que la valorisation de la marque du club, la commercialisation du nom du stade, l’élargissement de la gamme des services offerts aux supporters ou encore le yield management ou gestion fine des billetteries et des loges, sur le modèle des compagnies aériennes.

Autant de transformations des conditions d’exercice des activités sportives qui ont entraîné avec elles une forme de dérive des modes de financement, qui a conduit nos deux missionnaires, le président Michel Savin et le rapporteur Stéphane Mazars, à s’interroger sur les moyens de desserrer progressivement les liens de dépendance réciproque tissés entre les collectivités territoriales et les clubs, tout en favorisant une certaine régulation du secteur. En la matière, il a été fort opportunément rappelé que notre territoire se caractérisait par une exception culturelle et sportive.

Le soutien des collectivités prend deux formes essentielles : un abondement direct par les subventions, qui ont représenté un total de 157 millions d’euros pour la saison 2011-2012 pour les cinq disciplines majeures – football, rugby, basket-ball, hand-ball et volley-ball – et un soutien indirect par la mise à disposition auprès des associations sportives de personnel ou d’infrastructures. C’est un domaine dont nous mesurons beaucoup moins l’amplitude, et il serait opportun de pouvoir commanditer une étude sur cet apport des associations en personnel et en infrastructures.

Dans ce cadre, se pose avec une acuité majeure le problème du financement des équipements du sport professionnel.

Au plan quantitatif comme au plan qualitatif, les résultats ne sont pas à la hauteur des ambitions légitimes, tant des sportifs que des collectivités elles-mêmes : absence ou insuffisance de certains équipements ; installations vieillissantes ne répondant plus, trop souvent, au cahier des charges des fédérations internationales pour l’accueil des grandes compétitions ; absence de locaux techniques adaptés, notamment pour répondre aux nouvelles exigences de l’audiovisuel.

Il en découle deux conséquences opposées : soit la désaffection pure et simple du public pour les clubs pratiquant sur ces espaces inadaptés, soit, à l’inverse, des investissements « surdimensionnés » dans une « course au gigantisme », pour reprendre les termes de votre rapport.

Le bon sens implique la mesure en toute chose, et il est essentiel, au moment où nos collectivités territoriales vont se trouver contraintes à des efforts financiers significatifs, de trouver la voie de l’équilibre entre ces deux maux.

Au nombre de ses propositions, la mission commune d’information avance plusieurs pistes, qui concourent toutes à la nécessité de supprimer progressivement les subventions sans contrepartie ou ne correspondant pas clairement à un objectif d’intérêt général.

Ainsi, la mise à disposition d’infrastructures doit donner lieu à une redevance d’occupation en rapport avec l’avantage tiré par le bénéficiaire.

Ainsi encore faut-il privilégier avec détermination les subventions correspondant à des investissements, au détriment de celles qui ne contribuent qu’au fonctionnement de ces installations. On ne saurait douter de l’intérêt d’une telle préconisation face au fréquent désarroi – je mesure mes mots – de villes moyennes de 10 000, 20 000 ou 30 000 habitants qui n’ont absolument pas les moyens financiers d’offrir des équipements adaptés à des clubs dont la qualité est pourtant incontestable.

Il faut en effet garder à l’esprit que peu de clubs ont un profil financier suffisamment solide pour s’autofinancer sans appoint public en dehors – cela a été dit à l’instant – de la Ligue 1 de football masculin, du Top 14 de rugby et de quelques manifestations importantes comme Roland-Garros, le Tour de France ou le Vendée Globe.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la mission préconise un retrait progressif des aides, d’abord pour les clubs bénéficiant des concours de partenaires privés - et à des niveaux presque incommensurables. Elle évoque la possibilité de mettre en œuvre cette mesure dès la saison 2016-2017 pour les clubs de Ligue 1 de football et du Top 14 de rugby, avant de l’élargir en 2020 aux clubs de sport professionnel venus à maturité.

Il va de soi que, si ces hypothèses étaient retenues, elles devraient impérativement s’accompagner d’outils permettant d’amortir ces changements et de répondre à l’aléa sportif et à ses conséquences économiques : baisse de recettes et surdimensionnement des infrastructures ayant vocation à s’ouvrir à une multifonctionnalité opportune.

Au nombre de ces outils, on peut compter la détermination du nombre de clubs par ligue, les matches de barrage, la diminution du nombre des accessions et des relégations... Autant de mesures qui nécessitent de mener des réflexions en amont avec les clubs et les fédérations sportives.

Sur ce dernier point, je ne peux d’ailleurs omettre de souligner la constante attention portée tant par notre Haute Assemblée que par le Gouvernement sur l’impérieux besoin de tordre le cou à l’inflation normative des fédérations sportives et des ligues professionnelles. Combien de fois n’a-t-on pas cité, dans cet hémicycle, les dépenses importantes, voire insupportables, nées d’un changement de normes affectant la largeur d’un terrain, la distance au filet, la hauteur des paniers ! La loi, née ici, portant création du Conseil national d’évaluation des normes s’est attachée à réduire ce problème.

Je ne voudrais pas revenir sur chacune des trente mesures préconisées dans ce rapport, toutes de bon sens et tendant à répondre de façon proportionnée au problème de la privatisation des bénéfices par la masse salariale et de la socialisation des pertes par le soutien financier des collectivités territoriales sur lequel, monsieur Savin, vous avez insisté.

J’insisterai en revanche volontiers sur celles de ces propositions qui tendent à conférer aux collectivités territoriales des responsabilités particulières. À l’heure où l’on s’interroge sur la clause de compétence générale, où l’on effectue des allers et retours entre sa suppression et son maintien, je crois utile de s’interroger sur les niveaux de responsabilité les plus adaptés pour soutenir, s’il le faut, le sport professionnel dans toutes ses dimensions et dans toute sa richesse.

Le bloc communal – et souvent, d’ailleurs, l’intercommunalité – paraît être – je reprends les mots de M. Michel Savin, président de la mission commune d’information – le « partenaire de référence » utile pour les clubs professionnels. Les métropoles, mais pas n’importe lesquelles, celles qui sont définies dans la loi du 27 janvier 2014, auraient effectivement, comme suggéré, la capacité de faire émerger de grands clubs « omnisports ».

Le département, aujourd’hui soutien aux événements sportifs, ne manquera pas, à terme, de voir cette compétence déplacée au profit d’un autre niveau, probablement régional, si tant est que la réforme territoriale aboutisse et se mette en place…

Quant à la région, une place privilégiée lui est due, en cohérence avec ses compétences premières en matière de formation professionnelle dans le domaine du sport professionnel.

Enfin, et je rejoins en cela les conclusions du rapport de la mission commune d’information, comment ne pas faire de la métropole du Grand Paris le lieu privilégié de réflexion sur la construction et la rénovation des équipements nécessaires dans la perspective d’une candidature aux prochains jeux Olympiques ?

Monsieur le secrétaire d’État, vous me pardonnerez de ne pas aller plus avant s’agissant des transferts de compétence. Le paysage me paraît tellement incertain à l’heure actuelle que seul me semble raisonnable le principe de réduction des subventions des collectivités locales aux clubs de sport professionnel, afin que nos collectivités territoriales puissent retrouver la juste liberté d’utilisation de leurs crédits pour des opérations correspondant à leurs compétences premières.

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