Intervention de Maurice Vincent

Réunion du 11 juin 2014 à 14h30
Débat sur les conclusions de la mission commune d'information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales

Photo de Maurice VincentMaurice Vincent :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le sport tient une place de plus en plus importante dans notre société et porte des enjeux majeurs en termes de santé publique, de cohésion sociale, d’épanouissement personnel et de développement économique.

Dans ce cadre, le sport professionnel, avec sa visibilité parfois mondiale – la Coupe du monde de football qui débute au Brésil en est un bon exemple – et ses dimensions économique, financière et politique, justifie parfaitement qu’une mission d’information ait été consacrée à la question spécifique de ses relations avec les collectivités territoriales.

Je veux, à mon tour, saluer la qualité du travail réalisé par Michel Savin et Stéphane Mazars, et de leurs nombreuses propositions, en insistant sur deux d’entre elles qui ont particulièrement retenu mon attention.

J’évoquerai d’abord la nécessité de repenser, en considération de l’intérêt public local, le soutien des collectivités territoriales au sport professionnel. La mission commune d’information a mis en évidence l’ampleur des sommes engagées : 157 millions d’euros pour la saison 2011-2012 ! Je souscris naturellement à l’idée qu’il faut clarifier et mieux maîtriser l’ensemble des aides, tout en s’assurant qu’elles sont la contrepartie de réelles retombées locales.

Tous les élus locaux, singulièrement les maires, ont fait l’expérience de demandes, parfois de pressions, jugées excessives et auxquelles ils doivent résister. Nous ne pouvons que les encourager ! Je souhaite cependant souligner que, pour la plupart des disciplines sportives, il est objectivement difficile de mesurer ce qui est derrière cet intérêt public local, ce que peut apporter une équipe professionnelle de basket, de handball, par exemple.

Sans forcément jouer les premiers rôles dans les compétitions nationales ou internationales, la présence dans une commune d’un club comportant un certain nombre de joueurs professionnels insuffle sans nul doute un certain dynamisme dans le développement local de cette discipline sportive, en incitant les jeunes à la pratiquer. Elle contribue aussi à l’image de la collectivité et peut, dans certains cas, renforcer tel ou tel aspect de l’économie locale, en particulier avec l’accueil des équipes visiteuses et de leurs supporters.

Pour ces raisons, il me semble difficile de contester de façon générale la légitimité des aides accordées, qu’elles soient de fonctionnement ou d’investissement. En revanche, nous devons inciter les élus à mesurer leur engagement et à adapter le plus objectivement possible le montant de ces aides au bénéfice collectif escompté.

Il va de soi que le segment particulier du « sport business », à l’image de la Ligue 1 de football ou du Top 14 en rugby, relève d’une situation différente en raison de ses capacités à mobiliser d’importantes ressources privées. Pour ces disciplines, il est logique de remettre en cause, comme le préconise la mission commune d’information, l’attribution sans contrepartie de subventions de fonctionnement.

La deuxième partie de mon intervention portera sur la construction et la gestion des grands stades utilisés par le « sport business ».

Pour ce qui concerne les grands stades construits depuis de nombreuses années, la mission commune d’information fait apparaître dans son rapport une grande hétérogénéité dans le montant des redevances ou droits d’utilisation actuellement acquittés par les clubs professionnels. Ce point devrait faire sans délai l’objet d’une remise en ordre, par une évaluation objective – ce n’est pas forcément difficile à faire ! – des coûts de fonctionnement et de mise à disposition que représente pour la collectivité la gestion des équipements. Les chambres régionales des comptes s’y emploient régulièrement.

Il faut insister sur ce point, car le coût public objectivement évalué doit être « facturé », si vous me passez cette expression, à tous les clubs professionnels pour qu’il soit compensé. Cela permettrait, à la fois, de protéger le contribuable local et de garantir l’équité de traitement entre les clubs professionnels, qui sont par ailleurs en compétition sur le plan sportif.

Pour ce qui concerne la construction ou la rénovation en cours de dix stades en vue de l’Euro 2016, d’autres questions se posent en raison des sommes considérables engagées – 1, 7 milliard d’euros, dont la plus grande partie est apportée par les collectivités territoriales – et de la diversité des modes de financement – financement purement privé, public, public et privé dans le cadre d’un partenariat public-privé ou encore maîtrise d’ouvrage publique. Nos collègues Dominique Bailly et Jean-Marc Todeschini ayant consacré un autre rapport très intéressant à ce sujet, il n’est donc pas nécessaire que j’y revienne longuement.

Je souhaiterais simplement souligner à mon tour, après la mission commune d’information, le risque inhérent à un financement par un partenariat public-privé. Chacun constate en effet le coût élevé de ce système, pour les collectivités comme pour les clubs, ce qui a pu ou pourra engendrer des conflits pour fixer le curseur lorsque le loyer annuel s’élève à plusieurs millions d’euros, et ce sur une longue durée. De nouveaux désagréments nous attendent certainement encore.

En revanche, je serai plus dubitatif sur la question de la transmission aux clubs sportifs de la gestion directe et de l’exploitation des grands stades, qui deviendraient alors assez rapidement « privés ». Ce système fonctionne dans un certain nombre de pays, notamment en Allemagne, comme l’a relevé la mission commune d’information. Néanmoins, l’écosystème actuel du sport en France est assez différent. Dominique Bailly l’a dit, de nombreux équipements restent encore la propriété de collectivités publiques.

Je suis certain que la plupart des grands clubs de football ou de rugby ne pourraient pas, brutalement, prendre la propriété ni même assurer la gestion directe de leurs enceintes.

C’est la raison pour laquelle, si l’on veut aller en ce sens, ce qui est certainement souhaitable, il faudra d’abord remettre à plat l’ensemble de la régulation du sport professionnel et du « sport business » pour en garantir l’équilibre.

Pour conclure, j’évoquerai un point important qui a été abordé non par la mission commune d’information, mais à l’Assemblée nationale : c’est la nécessité de renforcer, ou de recréer, les liens, y compris financiers, entre sport professionnel et sport amateur, par un accroissement de la contribution du premier au bénéfice du second.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion