Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons cet après-midi un dossier très intéressant, celui du sport, qui a pris une place de plus en plus importante dans le quotidien de nos concitoyens. On le constate, le sport est très souvent un sujet de discussions, parfois passionnées, entre amis ou en famille ; quant à la pratique sportive, elle ne cesse de se développer.
Mais le terme générique de « sport » recouvre des réalités très différentes. Il y a d’abord le sport loisir, ouvert à tous, pratiqué par des amateurs qui, par définition, aiment la pratique sportive. Il y a ensuite le sport professionnel, pour ceux qui ont atteint un certain niveau et qui offrent, par conséquent, un spectacle à nos concitoyens. Enfin, depuis quelques années, a émergé le « sport business » : c’est là où le bât blesse, car avant tout les personnes qui organisent ce sport-là sont motivées par le « business », c’est-à-dire l’argent. Après tout, vouloir gagner de l’argent n’est pas en soi condamnable, mais, alors, les choses doivent être claires : si on est libéral, on ne doit pas l’être à moitié et, pour exercer son activité, il ne faut pas solliciter l’argent public !
Je l’ai dit à de nombreuses reprises, aujourd’hui, il y a trop d’argent dans le sport et pas assez d’argent pour le sport. Dans certaines disciplines, les sommes qui circulent sont exorbitantes, faramineuses, et même indécentes, notamment en matière de transferts ou de salaires. Je me demande d’ailleurs si certains joueurs de football savent exactement combien ils gagnent, tellement leurs rémunérations sont déraisonnables…
On comprend bien que l’on ne peut pas demander à l’argent public, donc aux contribuables, de participer à cette inflation galopante. Il est tout de même indécent de demander à des personnes rémunérées au SMIC de payer des impôts pour financer des salaires mensuels de plusieurs centaines de milliers d’euros !
Nous avons donc raison de nous interroger aujourd’hui sur la façon dont doivent réagir les collectivités territoriales. Doivent-elles se désengager ? Non ! Faut-il qu’elles vérifient la hauteur de leurs engagements ? Oui ! Il faut réguler nos interventions ; nous devons les moduler selon les disciplines. Le rapport est très clair sur ce point. Certaines disciplines, mêmes professionnelles, vivent aujourd’hui chichement parce qu’elles ne bénéficient pas de relais médiatiques.
Se pose également le problème des droits de télévision, qui ont augmenté de manière prodigieuse.
Les droits de retransmission des matchs de Ligue 1 et de Ligue 2 pour la période 2016-2020 s’élèveront à 748, 5 millions d’euros, soit une augmentation de 23 %. La Ligue de rugby suit le même chemin, ce qui m’inquiète d’ailleurs un peu, au regard des valeurs traditionnelles de ce sport. Nos communes, qui ne sont parfois pas très importantes, ne pourront plus suivre. Les droits pour Canal+ de la Ligue de rugby s’élèveront à 355 millions d’euros sur quatre ans, soit 71 millions d’euros par an.
Je me rappelle d’une discussion avec Mme Buffet sur le budget des sports : nous avions, sur le coup de minuit, déposé avec mon ami Henri Nayrou un amendement fixant à 5 % la part des droits de télévision réservée au sport amateur. Que n’avons-nous alors entendu ! On allait assassiner le sport de haut niveau et autres cris d’orfraie… Je constate que, depuis lors, il n’a fait que croître et embellir. Monsieur le secrétaire d’État, je n’ai qu’un seul regret – nous pourrons peut-être nous rattraper à l’occasion du prochain budget : ne pas avoir fixé cette part à 15 %, au lieu de 5 %. Nous aurions aidé le sport amateur sans priver le sport professionnel !
Sur ces questions, sachons donc raison garder. Dans le sport, la passion l’emporte souvent sur la raison. Nous n’empêcherons jamais les aléas sportifs. Nous sommes tous, je pense, hostiles à des ligues fermées, comme elles existent aux États-Unis avec la NBA pour le basket ou la NHL pour le hockey. Nous souhaitons que le sport continue à véhiculer des valeurs, ici, celle du dépassement de soi, y compris quand, après avoir gravi bien des échelons, on est rétrogradé et que l’on doit changer de division.
L’opinion publique réclame aux collectivités territoriales toujours plus d’équipements. Malheureusement, lorsque les résultats sportifs ne sont pas au rendez-vous, les communes sont confrontées à d’énormes difficultés. Je citerai Le Mans, qui avait prévu de jouer la Coupe d’Europe et qui évolue maintenant en National, ou Grenoble, ou encore Strasbourg, qui n’a même plus d’équipe professionnelle !
Du fait de tous ces engagements qui ont été pris pour la construction de grands stades, on se retrouve aujourd’hui avec des équipements surdimensionnés. Cela pose problème sur le plan tant financier que sportif. Imaginez un club en National jouant devant 300 spectateurs dans un stade de 50 000 places : ce n’est agréable ni pour les joueurs ni pour le public ; quant aux finances de la commune...
Monsieur le secrétaire d’État, ce rapport va susciter de nombreuses réflexions. Sa très grande qualité en fait un précieux outil de travail. Je souhaite qu’ensemble nous puissions réfléchir à un certain nombre de réformes pour que le sport continue à être un facteur de cohésion sociale et de dynamisme pour nos communes. Mais sachons raison garder : la passion ne doit pas l’emporter sur la raison !