Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’organisation de ce débat sur les agences régionales de santé est une heureuse initiative, car elle m’offre l’occasion de saluer l’action d’une instance dont je peux apprécier l’efficacité, tout en mettant en exergue les difficultés qu’elle doit surmonter, à divers degrés.
Tout d’abord, il m’apparaît que les missions dévolues aux ARS – mise en œuvre du projet médical de territoire, organisation de la permanence des soins, définition des priorités en matière de prévention et dans le secteur de l’offre médicale – sont assumées par celles-ci avec détermination et efficience, dans un cadre de démocratie participative, en s’appuyant sur des outils et dispositifs innovants.
À ce titre, il faut citer le projet régional de santé, qui planifie et programme les projets au niveau régional, la contractualisation avec les établissements et les professionnels de santé, les appels à projets, qui favorisent la réalisation d’actions en fonction de besoins de santé et médicosociaux identifiés, l’action innovante de l’animation territoriale, consistant à accorder l’action des différents acteurs de terrain, dans une logique de construction des parcours de santé.
Toutefois, ce bilan positif ne doit pas occulter les nombreuses difficultés rencontrées dans l’exercice de leurs compétences par les ARS. Qu’il me soit permis de les évoquer succinctement.
En matière d’hospitalisation sous contrainte, le contrôle de légalité est effectué par les ARS pour le compte des préfets et sans valeur ajoutée, alors qu’il serait plus judicieux que cette fonction soit directement dévolue aux services du contrôle de légalité des préfectures.
La garantie de la couverture médicale n’est pas toujours assurée, en raison de la fermeture des cabinets des médecins libéraux à dix-neuf heures du lundi au vendredi et dès treize heures le samedi.
Des maisons médicales de garde ont donc été mises en place pour répondre aux besoins des patients dans ces créneaux horaires. Toutefois, certains médecins refusent d’assurer ce service. Le préfet a la faculté, mais non l’obligation, de pallier les refus en recourant à des réquisitions. Par souci d’efficacité, ne serait-il pas préférable de transférer au directeur général de l’ARS ce pouvoir de réquisition, puisqu’il agit pour le compte de l’État ?
Pour ce qui concerne la formation dans les secteurs sanitaire, social et médicosocial, on constate qu’il n’y a pas de concordance garantie entre la planification de l’offre de soins médicosociale et la politique de formation mise en place par le conseil régional. Une mise en cohérence s’impose donc !
La gestion des crédits alloués à la politique du handicap, tout comme les autorisations, relève de deux autorités, l’ARS et le conseil général. Ne faudrait-il pas aller au bout de la décentralisation du secteur médicosocial, dans une logique de cohérence institutionnelle ?
Par ailleurs, la fongibilité des crédits entre le sanitaire, le médicosocial et la prévention se révèle très limitée, dans la mesure où certaines dotations sont au préalable fléchées. L’instauration de passerelles administratives et financières plus ambitieuses permettrait d’induire une indispensable souplesse de gestion.
Les ARS sont confrontées à un problème de gouvernance avec la cellule inter-régionale d’épidémiologie, la CIRE. Le personnel de la CIRE, qui dispose d’un statut spécifique, relève de l’autorité scientifique de l’Institut de veille sanitaire, l’INVS, ce qui peut engendrer des problèmes de cohérence dans l’exploitation des données de la veille sanitaire et dans la gouvernance des plateformes de veille et de sécurité sanitaires. Afin de prévenir tout dysfonctionnement, il conviendrait d’intégrer ce personnel à l’ARS, tout en préservant la nécessaire caution scientifique de l’INVS.
L’assurance maladie dispose d’un système d’information autonome, de sorte que ses données ne peuvent être globalement exploitées par les ARS, faute d’interconnexion. Une synergie entre les différents systèmes devra donc être développée.
L’ARS est issue de la fusion de nombreuses institutions, ce qui induit la coexistence de statuts différents au sein du personnel, et partant celle de grilles de rémunération et d’avantages sociaux disparates. Cet élément est un frein à l’engagement de ceux dont les revenus sont moindres. Une harmonisation des statuts s’impose, au nom de l’équité.
Par-delà les difficultés que je viens d’évoquer et qui sont communes à l’ensemble des ARS, l’agence de la Martinique, tout spécialement, est confrontée à des problèmes particuliers. Le contexte économique et social précaire entraîne des conflits sociaux fréquents, anormalement longs, paralysants, qui affectent lourdement la continuité de la politique des soins et fragilisent l’action en direction des publics les plus fragiles : les personnes âgées, dont le nombre croît rapidement, les dialysés, les insuffisants respiratoires.
Le positionnement géographique au sein du bassin caribéen a conduit, du fait de l’attractivité d’une offre de soins de qualité, à développer une politique internationale de soins, propice à la valorisation de nos savoir-faire. Cet atout induit une charge de travail supplémentaire.
En outre, la Martinique enregistre un retard en matière d’infrastructures dédiées aux seniors, ce qui n’est pas sans incidences sur l’évolution des besoins. Le poids de l’aide sociale liée à la précarité – un quart de la population bénéficie de la CMU, la couverture maladie universelle – affecte fortement les budgets des collectivités, qui, de ce fait, disposent de moins de capacités d’investissement pour développer l’offre sanitaire et médicosociale.
Enfin, il faut souligner l’existence d’un déficit de médecins libéraux plus important que celui qui est observé sur le territoire hexagonal.
Ces problématiques multiples méritent un examen attentif, afin de permettre aux ARS de mieux assurer leurs précieuses missions.
En conclusion, je tiens à féliciter à mon tour les rapporteurs pour la qualité de leur travail. §