Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, comme il n’y a pas d’urgence, vous répondrez à celles qui vous conviendront.
Premièrement, les écologistes sont bien évidemment extrêmement satisfaits de la mise en place des ESPE, à tel point que nous avions souhaité faire un bilan de leur mise en place, de leurs points forts et de leurs points faibles.
Néanmoins, les trente ESPE créées dans cinq registres particuliers, avec des structurations intenses menées au pas de charge, ne sont pas forcément d’une intelligibilité folle pour qui ne connaît pas le système éducatif français – je pense par exemple aux universitaires étrangers ! Les ESPE sont structurantes, mais elles sont inintelligibles pour le non-initié. Que comptez-vous faire pour rendre la chose plus pédagogique ou plus parlante pour le grand public ?
Deuxièmement, à l’approche de la rentrée, a-t-on fait le point sur les PFA, les professeurs formateurs académiques, dont les établissements auront besoin ? À ce propos, il me vient une question : si le rôle des ESPE est fondamental, a-t-on pour autant pris soin d’insister auprès de chacun sur le rôle fondamental des EPLE, les établissements publics locaux d’enseignement, qui accueilleront les enseignants en formation ? N’y a-t-il pas un risque de distorsion entre l’évolution positive des ESPE et la perception peut-être encore quelque peu désuète des établissements d’accueil, qui ont aussi une mission de formation, notamment au travers des chefs d’établissement ?
Troisièmement, après avoir lu le rapport avec attention, nous nous interrogeons sur le rôle des inspections. Les inspecteurs sont présents et importants partout ; néanmoins, ils ne sont fléchés nulle part. J’aurais voulu savoir si l’on comptait préciser leur rôle dans la mise en place des ESPE.
Quatrièmement – vous allez peut-être penser que ce sont des lubies, mais nous tenons à attirer votre attention sur ces points –, lors des discussions menées sur la loi de refondation de l’école, mais aussi sur la loi relative l’enseignement supérieur, nous avons souhaité insister sur des aspects qui nous semblaient innovants et non marginaux.
Je rappelle l’importance des opérations « La main à la pâte » et de gestion non violente des conflits. Récemment, j’ai vu passer un texte où le terme « non violent » avait disparu. Pourtant, la gestion non violente des conflits, ce n’est pas la même chose que la gestion des conflits !
Nous avons aussi attiré l’attention sur l’importance d’avoir des intervenants issus du monde associatif, des non-professionnels, particulièrement dans le contexte de la mise en place, avec les difficultés qui ont été signalées, des rythmes scolaires. Il nous semble nécessaire qu’il y ait un continuum entre le temps périscolaire dans les projets éducatifs territoriaux, les PEDT, et ce qui se passe dans les ESPE. Les différents acteurs doivent donc pouvoir se côtoyer.
Cinquième élément : quid de l’ESEN, l'École supérieure de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, cet établissement de formation un peu particulier qui fait coexister des formateurs sans formation dédiée ? Quelle est l’articulation entre l’ESEN, que nous avons visitée l’an dernier avec la commission de la culture, et les ESPE ? Il y a là, me semble-t-il, un angle mort, qui gagnerait peut-être à être réduit.
Sixièmement, j’aborderai la question des formations. Notre pays est encore extrêmement marqué par une formation disciplinaire – le dernier orateur l’évoquera certainement – et par la liberté pédagogique des enseignants, ce qui est heureux.
Il faudrait, tant dans l’enseignement supérieur que dans les ESPE, cesser de diffuser l’enseignement en silos de disciplines différentes, et amorcer une réflexion problématisée sur notre monde qui est de plus en plus complexe – je vous renvoie aux thématiques développées par Edgar Morin. Mme Gillot l’a bien dit, il faut développer une pédagogie par problèmes, comme elle se pratique notamment à l’université de Louvain : elle gagnerait utilement à être diffusée dans les ESPE françaises. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire en ce sens ?
Septièmement – et ce n’est pas le moindre des points que je souhaite aborder –, nous devons évoquer ici, entre personnes de bonne compagnie, un sujet abordé de façon allusive par Mme Gonthier-Maurin, celui de l’éducation à l’égalité entre les garçons et les filles et des stéréotypes de genre. Lors de la discussion du texte, le mot « genre » était supprimé dès qu’il apparaissait. Pour notre part, nous avons essayé d’être vigilants et de le réintroduire, car ce terme a un sens et une portée.
Comment pouvons-nous être certains que, dans les ESPE, un enseignement à l’égalité entre les garçons et les filles est bien dispensé ? Nous aimerions attirer votre attention sur le fait qu’un certain nombre d’associations professionnelles tout à fait sérieuses, universitaires, sont capables de mener des audits pour vérifier que ce qui figure dans les maquettes est bien mis en pratique et s’assurer que, sur cette question extrêmement importante, voire sensible, pour l’opinion, il y a un minimum d’harmonie.
Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, voilà les sept questions que nous souhaitions vous poser. Nous le rappelons, les ESPE sont non seulement structurelles, mais également structurantes. À cet égard, elles sont extrêmement importantes pour l’avenir de l’enseignement en France.