Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’a souligné Corinne Bouchoux, comment dire des choses intelligentes et ne pas être redondante après les interventions de tous mes éminents collègues ? J’essayerai donc de resituer le débat dans sa globalité et de faire des focus sur quelques points plus particuliers.
On l’a dit, le 13 novembre dernier, notre commission constituait une mission d’information sur les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, deux mois seulement après la mise en place de ces dernières – preuve d’efficacité et de réactivité s’il en est. Il y a une semaine, le rapport conclusif des travaux de la mission a été adopté à l’unanimité. Saluons le travail collectif réalisé par les membres de la mission, plus particulièrement par son rapporteur et par sa présidente.
Il s’agit bien évidemment d’un document d’étape, technique, utile, qui rappelle, d’une part, la complexité des enjeux liés au rétablissement de la formation des maîtres, après l’échec avéré de la masterisation, et, d’autre part, la nécessité d’un suivi sur le long terme, pour une montée en puissance progressive de ces trente structures nouvelles.
Il y a tout juste un an, nous adoptions, ici même, deux lois fondamentales de ce début du quinquennat : la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, un texte que j’ai eu l’honneur de rapporter devant vous et qui comportait un volet important consacré à la restauration de la formation professionnelle et pédagogique des enseignants, chantier essentiel ouvert dès la rentrée 2013, et la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dont Dominique Gillot était la rapporteur et qui a fait évoluer les composantes universitaires dans lesquelles ces ESPE sont justement intégrées.
L’ESPE est donc une structure nouvelle, dont le succès repose assurément sur la convergence effective de deux cultures jusqu’ici bien distinctes : celle de l’enseignement supérieur, qui a vu son rôle renforcé à la suite de l’intégration des IUFM aux universités et de la réforme dite « de la mastérisation », et celle de l’éducation nationale, qui accorde traditionnellement une place importante aux pairs dans la formation, principe encore trop éloigné des universités, malgré le développement des masters professionnels.
Oui, au final, il s’agit bien de notre capacité à changer collectivement le paradigme de notre système de formation. C’est d’ailleurs très justement rappelé dans le rapport : « L’ESPE […] doit devenir un lieu de dépassement des anciennes contradictions idéologiques entre les IUFM et les universités. Pour cela, il faut travailler à bâtir un esprit d’école que chacun partage au-delà des métiers, des cultures et des pratiques administratives. » Au reste, je considère que ce qui vaut pour la formation des enseignants vaut, bien entendu, pour d’autres réformes en cours !
Comme l’avait justement dit ici même votre prédécesseur, monsieur le ministre, lors de l’examen, en première lecture, de la loi pour la refondation de l’école de la République : « Ce qui a coûté très cher au système d’éducation français […], c’est la division permanente entre les uns et les autres : le mépris du professeur du secondaire pour le professeur du primaire, du professeur de l’université pour le professeur du secondaire, sans oublier l’incompréhension à l’égard des éducateurs, comme nous avons pu l’observer à l’occasion de la réforme des rythmes scolaires. Les écoles supérieures du professorat et de l’éducation rassembleront tous ceux qui ont vocation à enseigner et qui […] doivent aussi apprendre à se connaître. »
Oui, apprendre à se connaître et à travailler ensemble prend du temps et passe par des structures de formation repensées. Quels sont les leviers de ces changements profonds ? En lieu et place d’un système hiérarchique, cloisonné et d’une préparation purement académique aux concours, la coopération entre les ESPE et les autres composantes universitaires doit être renforcée.
Afin de conjuguer les dimensions professionnelles et académiques tout en développant les compétences pédagogiques, didactiques et disciplinaires, il faut également sortir de la dichotomie inscrite dans les parcours de formation des enseignants du premier et du second degré, intégrer effectivement au sein des équipes pluricatégorielles des formateurs professionnels venus du terrain, relever le défi majeur que constitue la formation à de nouveaux outils pédagogiques innovants et aux ressources numériques, enfin, élargir les champs de formation auxquels les futurs enseignants doivent être solidement préparés.
Je pense, sur ce point, à la sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la lutte contre les discriminations et à la scolarisation des élèves en situation de handicap. Dans ces différents domaines, qui entrent dans le tronc commun de tous les étudiants, l’apport et le regard particulier des associations culturelles, artistiques et d’éducation populaire sont aussi nécessaires.
Un amendement en ce sens avait d’ailleurs été adopté par notre commission lors de l’examen, en première lecture, du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.