Les expériences réussies doivent être connues et partagées avec les structures qui connaissent des difficultés alimentant leurs doutes et leurs craintes. Ce rapport y contribue.
Cependant, ayons toujours en tête que, non, tout ne sera pas parfait à la rentrée, que les prochains mois seront cruciaux pour régler les tensions budgétaires et avancer sur chaque pan de la réforme et qu’il faudra une montée en puissance sur plusieurs années. Si la mise en place des ESPE nécessite du temps et de la continuité, la formation des enseignants elle-même nécessite du temps et de la continuité, afin de pérenniser et de diversifier les viviers de recrutement.
L’auteur du rapport propose ainsi d’engager le processus d’acculturation en licence, en prenant soin d’articuler dès l’origine l’académique et le professionnel. Est également préconisée une montée en puissance du dispositif des emplois d’avenir professeur, les EAP, pilier important de la réforme de la formation initiale des enseignants, notamment par une meilleure association des ESPE à la gestion de ces EAP, laquelle relève actuellement plutôt des seules UFR. Pour l’heure, sur les 10 000 emplois offerts entre janvier 2013 et mars 2014, quelque 8 000 ont été pourvus. L’objectif est de recruter 18 000 étudiants boursiers via ce dispositif, entre 2013 et 2016.
Derrière ce résultat global se cachent, là encore, d’importantes disparités régionales. Des académies attractives, comme celle de Bordeaux, ont dépassé le nombre de contrats qui leur étaient initialement assignés, quand d’autres ne sont pas parvenues à pourvoir tous les postes. Le dispositif des EAP mérite d’être redynamisé, nos politiques devant favoriser la mixité sociale non seulement au sein des classes, mais également au sein du corps professoral.
Au bout d’un an de ce qui s’apparente à une reconstruction totale et ambitieuse de la formation des enseignants, le chantier n’est bien entendu pas achevé et mérite d’être progressivement ajusté. Soyons patients, constructifs et force de propositions !
En effet, il est évident que le succès de la refondation entreprise il y a deux ans sera conditionné, à terme, par la capacité de notre pays à offrir une formation initiale et continue performante, ainsi que des perspectives de carrière stimulantes aux jeunes qui se destinent aux métiers de l’enseignement et de l’éducation.
Cela dit, je souhaite revenir sur un autre point, qui me paraît fondamental. Nous l’avons vu, la formation des personnels de l’éducation doit nécessairement s’appuyer sur un continuum entre la formation initiale, la formation en alternance et la formation continue, afin de garantir l’acquisition, tout au long de la carrière, des savoirs théoriques et pratiques et des compétences professionnelles en matière de pédagogie.
Or la formation des personnels de direction et d’inspection demeure l’angle mort de la réforme. Pourtant, comme l’ont montré les difficultés d’application des lois d’orientation de 1989 et de 2005, les échelons administratifs locaux sont essentiels pour prolonger l’impulsion initiale.
C’est pourquoi, depuis deux ans, dans mes rapports successifs, j’ai appelé à une profonde réforme de l’École supérieure de l’éducation nationale, l’ESEN, qui ne donne pas satisfaction – les étudiants eux-mêmes le disent avec force – et dont l’articulation avec les services académiques de formation se révèle déficiente.
La rigidité et la faiblesse de l’accompagnement qui ont été relevées par endroits peuvent s’expliquer par l’alourdissement général des tâches administratives dévolues aux cadres de l’éducation nationale. Ces derniers sont contraints de privilégier le contrôle d’application des textes à l’accompagnement du changement et à la rénovation pédagogique. Il me semble donc aujourd’hui nécessaire de réformer l’ESEN, chargée d’une partie de la formation des chefs d’établissements et des inspecteurs. Monsieur le ministre, quelle est votre position sur ce point ?
En conclusion, vous étiez, il y a quelques semaines, à Melun, sur le site de l’école supérieure du professorat et de l’éducation de l’académie de Créteil. Avez-vous pu recueillir le « ressenti » des premiers concernés, à savoir les étudiants qui bénéficient des nouveaux masters MEEF ?
Le cas échéant, il me paraît important de le relayer, car, aujourd'hui, au-delà des aspects purement techniques que nous avons évoqués, nous devons rendre aux jeunes l’envie de s’engager dans ce beau métier d’enseignant, en les accompagnant, en les rassurant, mais aussi en reconnaissant la place essentielle qui sera la leur dans notre société.