Intervention de Jacques Legendre

Réunion du 11 juin 2014 à 21h30
Débat sur les écoles supérieures du professorat et de l'éducation

Photo de Jacques LegendreJacques Legendre :

Malgré ces difficultés administratives et la complexité de la constitution des organes de gouvernance, la mise en place structurelle des ESPE s’est globalement bien passée et la continuité du service public a été assurée.

Le principal problème rencontré par les ESPE réside maintenant dans la nouvelle configuration mise en place, puisqu’il faut intégrer ces structures dans le paysage universitaire, lui-même en pleine recomposition. Ces rigidités sont liées à la place occupée précédemment par les IUFM et les universités, ainsi qu’à leurs forces respectives.

Le rapport de la mission commune d’information dresse un tableau varié : la prédominance de l’une ou l’autre instance demeure dans certaines académies, alors que certains IUFM travaillaient en bonne intelligence avec les universités. À Clermont-Ferrand, exemple souvent cité, l’antériorité de bonnes relations de travail facilite l’application de la réforme.

L’enjeu est important : l’inclusion des ESPE dans les universités ne doit pas se résumer à une simple préparation académique des étudiants aux concours. Une participation aux modules transversaux à vocation professionnalisante et aux travaux de recherche des UFR, serait une valeur ajoutée souhaitée par la réforme, qui manifestement n’est pas encore réalisée partout. Le rapport relève que le conservatisme dominant en l’espèce puise en partie son origine dans la différence de parcours de formation des étudiants, selon que ceux-ci se destinent au premier ou au second degré.

Aussi la mission recommande-t-elle la généralisation de troncs communs de formation des étudiants se destinant au professorat, que celui-ci vise le primaire ou le secondaire. Cette symbiose, réalisée actuellement dans les deux tiers des écoles, devrait être étendue et généralisée, participant ainsi à l’apparition d’une « culture d’école ».

J’en viens au contenu de la formation dispensée et je formulerai quelques remarques sur les prescriptions établies par la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.

De nouveaux champs de formation sont prévus par la loi. Ils correspondent, d’une part, à l’évolution de notre société – ce qui explique, par exemple, une préparation à la gestion des conflits ou à la lutte contre les discriminations –, et, d’autre part, aux contenus pédagogiques.

Le rapport rappelle que ces prescriptions ne sont pas limitatives. Il faudra en effet veiller à ce que les maquettes respectent le « cadre national des formations liées aux métiers du professorat du premier et du second degré et de l’éducation », qui comprend la connaissance des processus d’apprentissage des élèves, les méthodes de différenciation pédagogique et de soutien aux élèves en difficulté, la connaissance du socle commun – celui-ci donne quelques soucis actuellement au Conseil supérieur des programmes... – et les méthodes d’évaluation des élèves.

La présidente de la mission commune d’information, Colette Mélot, a veillé à ce que la dimension européenne de l’enseignement soit précisée dans le rapport. En effet, l’Union européenne représente un enjeu central, car elle est une possibilité de soutien mutuel dans un monde en perpétuelle tension économique. Au-delà d’une coopération économique, la conscience d’une véritable citoyenneté européenne doit être inculquée aux enseignants, qui forment eux-mêmes les citoyens français et européens de demain.

La maîtrise totale de l’outil informatique me semble elle aussi incontournable. Les enseignants seront de plus en plus confrontés à des générations d’élèves imprégnés de culture numérique. Si certaines ESPE ont intégré cet enjeu et ont déjà mis en place de bonnes pratiques en ce sens, ces dernières sont cependant loin d’être généralisées. Il s’agit d’un investissement coûteux, mais indispensable, dans lequel l’État doit avoir sa part, puisqu’il s’agit d’un domaine de formation essentiel des agents de l’éducation nationale.

Concernant les méthodes de travail, la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a accordé une large place au travail en équipe, au regard d’intervenants extérieurs, ainsi qu’à l’interdisciplinarité. Bien que des échanges soient souhaitables, je pense, comme je l’ai affirmé en commission, qu’il faudra veiller à ce que cette démarche se fasse dans le respect absolu du principe de liberté pédagogique de l’enseignant. §

Je tiens également à souligner, car j’y attache beaucoup d’importance, qu’il n’y a pas une seule bonne méthode dans le domaine de la pédagogie. Les ESPE ne doivent pas formater a priori les enseignants dans un seul moule. Le succès de l’enseignement dépend aussi de notre capacité à disposer de plusieurs pédagogies. Il faut rappeler qu’il n’y a pas qu’une seule pédagogie.

Enfin, toujours en matière de formation dispensée aux futurs enseignants, afin de ne pas retomber dans les travers des IUFM, il faudra assurer des retours périodiques des formateurs sur le terrain, pour éviter qu’ils ne se trouvent déconnectés de leur métier au fil du temps. Leur témoignage direct sur le métier qu’ils enseignent me semble aussi important que la professionnalisation qui est favorisée par cette réforme. C’est en effet du contact avec le terrain que nos étudiants pourront acquérir de bonnes pratiques. On vante les bienfaits de l’alternance dans beaucoup de secteurs ; il doit en être de même dans l’éducation nationale.

Au lendemain de l’enquête PISA qui a classé la France à un rang très inférieur à ce que l’on doit attendre d’elle, l’avenir de notre système d’enseignement ne peut s’envisager sans la mise en place de nouvelles stratégies de lutte contre l’échec scolaire. Je suis convaincu que l’une d’elles passe par l’excellence de la formation des enseignants, mais également par la revalorisation de leur statut. Cette revalorisation n’est malheureusement pas à l’ordre du jour, le Gouvernement privilégiant l’augmentation du nombre de postes. Il faudra se pencher sur ce problème.

L’exemple de la Finlande, déjà cité, est particulièrement révélateur à cet égard. Il confirme que c’est non seulement dans la quantité des postes créés, mais aussi dans la qualité de l’enseignement dispensé à nos enfants par des professionnels ayant une véritable reconnaissance sociale que se construit la valeur du système éducatif d’un pays.

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