Intervention de Marc Drouet

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 11 juin 2014 : 1ère réunion
Archéologie préventive — Table ronde

Marc Drouet, sous-directeur de l'archéologie au ministère de la culture et de la communication :

En complément de ce qui vient d'être dit, je souhaite insister sur les questions auxquelles l'archéologie est aujourd'hui confrontée.

Tout d'abord, l'archéologie englobe deux missions de service public. La première est une mission de conservation. Le rôle fondamental des services régionaux de l'archéologie (SRA) est d'identifier les gisements en vue de leur conservation in situ. La seconde mission de service public est l'étude, mais cette dernière, comme l'a précisé M. Dominique Garcia, reste l'exception : elle doit être motivée, s'inscrire dans la programmation définie par le Conseil national de la recherche archéologique, parce qu'elle doit contribuer au développement des connaissances de l'histoire de l'humanité et de ses rapports avec l'environnement.

Évoquer ces deux missions de service public nous renvoie également à la question des modes de gestion. La gestion peut incomber, bien sûr à l'État, aux collectivités territoriales, mais nous ne sommes pas dans une configuration permettant la délégation de service public. Pour exercer cette mission, il arrive que des prestations soient confiées à des tiers, sans que la mission de service public soit déléguée. La mission de service public reste confiée à l'État et aux collectivités territoriales. On peut même dire que cette mission reste principalement confiée à l'État puisque celui-ci prescrit l'étude qui va permettre à la communauté scientifique de disposer de davantage d'informations et d'améliorer, dans l'intérêt du public, l'état des connaissances sur nos origines. Il est vrai, cependant que, depuis 2003, on confie à des tiers, qui peuvent être des opérateurs privés ou des associations, certaines prestations qui sont contrôlées.

D'un point de vue économique, cependant, l'archéologie préventive ne constitue pas un marché, dans la mesure où l'État est l'opérateur unique qui intervient en la matière. L'État définit l'offre, c'est-à-dire le nombre de prescriptions annuelles. Cette offre est strictement encadrée par la communauté scientifique qui souhaite également participer à cette mission de conservation du patrimoine in situ. Elle régule le nombre de fouilles pour juguler l'inflation d'informations qui seraient inutiles pour améliorer l'état des connaissances. Autrement dit, il n'y a pas de marché, car il n'y a pas de progression. Le nombre de prescriptions annuelles ne varie d'ailleurs pas et se situe autour de cinq cents. Dans la mesure où il n'y a pas de marché et où il est tout de même fait appel à des opérateurs privés, il est naturel que ces derniers aient exercé leur activité selon des logiques économiques d'entrée sur un marché. Pour ces opérateurs, la découverte de l'absence de marché, que je viens d'exposer, a été douloureuse. Nous avons pu le constater lors du dernier conseil national, à l'occasion duquel un opérateur ne s'est pas vu accorder le renouvellement de son agrément, parce que lancé à la recherche de profits, il s'est heurté à une réalité : le nombre de fouilles prescrites n'évoluait pas, d'autres opérateurs étaient présents et fournissaient un service de qualité que cette entreprise n'était pas en mesure de concurrencer. Elle s'est donc effondrée, suite à une accumulation des déficits. Cette situation la conduira, dans les jours à venir, et malheureusement pour les salariés, à une liquidation judiciaire. Il était donc grand temps, dix ans après l'adoption de la loi, et dans le cadre du Livre blanc, d'appeler l'attention des opérateurs sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un marché, même si l'on fera encore appel à la fois aux organismes publics et aux organismes privés.

Par ailleurs, au quotidien, et notamment pour les préfets de région qui disposent de la signature, cette mission de service public doit reposer sur un équilibre, sur un compromis entre la conservation et la recherche patrimoniale, d'une part, et l'aménagement du territoire, d'autre part. Il ne faut pas, bien entendu, que ce compromis se fasse dans l'intérêt ou au détriment systématique de l'une ou de l'autre de ces considérations. À chaque fois, il convient d'établir un dialogue entre les archéologues, la communauté scientifique et les aménageurs. Ce sont les termes de ce dialogue que nous recherchons. Il ne s'agit pas de transformer le pays en musée mais de trouver un équilibre, entre ce qui présente un intérêt pour la recherche et ce qui participe au développement et à l'aménagement du territoire. 36 000 dossiers parviennent chaque année dans les services régionaux de l'archéologie afin de savoir si une prescription est nécessaire. 2 500 prescriptions de diagnostic débouchent généralement sur 500 prescriptions de fouille, ce qui représente un total compris entre 1 et 2 % de fouilles sur l'ensemble des opérations d'aménagements chaque année. Le compromis que nous essayons d'établir est donc réel. Il faut souligner que lorsqu'un aménageur est confronté à une fouille, cette dernière constitue pour lui un événement et nous avons précisément pour mission de l'accompagner. La méthode que le ministère de la culture entend faire prévaloir est celle du dialogue, d'autant que, vous l'avez compris, la communauté archéologique est vaste et diverse. Ce dialogue avait été engagé par messieurs les sénateurs Bordier et Dauge à l'occasion du rapport qu'ils avaient rendu en 2011. Ces derniers avaient d'ailleurs pris part aux rencontres de l'archéologie préventive que nous avions organisées, et au cours desquelles étaient réunis des élus, des aménageurs et des opérateurs de l'archéologie. Il s'agissait de préfigurer cette réflexion, poursuivie par le Livre blanc. La concertation est toujours d'actualité. À ce jour, il existe plusieurs projets de texte, le projet de loi sur les patrimoines ne concernant d'ailleurs pas que l'archéologie, mais tous les types de patrimoine. Le texte est enrichi et évolue au gré du dialogue, qui se poursuit.

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