Intervention de Virginie Klès

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 11 juin 2014 : 1ère réunion
Création des polices territoriales et dispositions relatives à leur organisation et leur fonctionnement — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès, rapporteur :

Nombre de personnalités éminentes se sont penchées sur le berceau de cette proposition de loi.

Les polices municipales ont été officialisées il y a vingt-cinq ans et continuent de se développer au fil des lois. Ce texte propose la fusion des corps de gardes champêtres et de policiers municipaux. Le nouveau corps serait celui des polices territoriales. La fusion se ferait à droits constants pour chacun des corps, l'ensemble des missions et des pouvoirs des gardes champêtres étant conservé : le texte prévoit bien de faire la somme des attributions des deux cadres d'emplois existants.

Le choix du nom de « policier territorial » répond au souci de créer une nouvelle entité, en allant dans le sens de l'intercommunalité et en ancrant ce corps de fonctionnaires dans les territoires. Il rappelle également que les policiers municipaux sont des fonctionnaires territoriaux, non des fonctionnaires d'État ou des supplétifs de fonctionnaires d'État. Certains ont, à l'inverse, défendu l'extension du titre de « policier municipal » afin de maintenir le lien entre les maires et ces fonctionnaires, et surtout d'éviter les coûts matériels d'un changement d'appellation. Étant pour ma part favorable au changement de dénomination, je vous présenterai les amendements nécessaires.

L'article 13 du texte propose de simplifier la rédaction des articles du code général des collectivités territoriales touchant le pouvoir de police générale des maires. Il est vrai qu'il donne en l'état l'impression d'un inventaire à la Prévert. Je propose toutefois de modifier cet article 13 en y remplaçant l'expression « moralité publique » par « prévention et surveillance du bon ordre », conformément à la rédaction du code de la sécurité intérieure. Il conviendrait également d'ajouter la police des campagnes aux missions générales des polices territoriales, afin de souligner que l'on conserve bien les missions spécifiques des gardes champêtres.

Ce texte comporte aussi un volet important sur les obligations de formation ; je proposerai, avec l'accord des auteurs, un amendement visant à y soumettre particulièrement les agents de surveillance de la voie publique (ASVP), pour lesquels aucune obligation de ce genre n'existe. Le texte prévoit également la formation des policiers municipaux et des gardes champêtres aux fonctions qu'ils n'exercent pas aujourd'hui.

Une école nationale de la police municipale est-elle pour autant nécessaire ? Elle aurait l'inconvénient de singulariser les policiers municipaux par rapport aux autres fonctionnaires territoriaux ; or, le Centre national de la fonction publique territoriale (Cnfpt) a souligné l'importance de formations communes pour développer une histoire et une culture communes, ainsi qu'une bonne connaissance réciproque de fonctionnaires qui seront amenés à travailler ensemble, notamment en matière de voirie, d'urbanisme, d'occupation de la voie publique. La formation commune n'empêche pas le Cnfpt d'améliorer ses formations, ni de passer des conventions avec la police et la gendarmerie nationales pour développer des formations techniques communes. Les policiers territoriaux sont des fonctionnaires territoriaux qui ont en plus une spécialité dans la sécurité.

Malgré des débats nourris avec l'administration, les auteurs du texte ont jugé bon que l'attestation de fin de formation initiale délivrée par le Cnfpt fasse partie intégrante du dossier d'agrément des policiers territoriaux. On a opposé une différence de nature entre l'agrément qui couvrirait le champ moral et l'attestation qui validerait des capacités professionnelles. Cette distinction n'est pas justifiée. Dans la pratique, la prise en compte des capacités professionnelles d'un candidat est plutôt favorable à son recrutement. En tant que maire, j'ai effectué un recrutement sur un poste d'animateur jeunesse. J'ai sélectionné un candidat sur ses capacités professionnelles. L'extrait de casier judiciaire que j'ai reçu plus tard indiquait qu'à 18 ans, ce jeune homme avait été interpellé pour conduite en état d'ivresse ayant provoqué un accident sans victime. Cela n'a pas empêché qu'il se rachète et développe les capacités professionnelles requises pour le poste. Si je n'avais pu considérer cette évolution, je ne l'aurais pas recruté. L'attestation complète le dossier d'agrément par des informations sur les capacités professionnelles et sur la personnalité du candidat. En cas de demande d'armement par le maire, elle jouera un rôle déterminant dans la décision du préfet. Parmi nos interlocuteurs, les procureurs se sont déclarés favorable à l'introduction de l'attestation dans le dossier ; les préfets y sont opposés ; le CNFPT y est favorable malgré un allongement probable du délai de titularisation des officiers territoriaux.

Un amendement prévoit que les agents de surveillance de la voie publique (ASVP) soient soumis à une formation avant d'assumer leurs fonctions sur le terrain.

Le texte favorise l'intercommunalité dans la mise en oeuvre des procédures. Il propose d'attribuer le titre d'officier de police judiciaire aux présidents d'EPCI. La fonction d'OPJ est peu utilisée par les maires ; il n'est pas utile de la généraliser.

La création d'un conseil intercommunal de sécurisation et de prévention de la délinquance n'empêchera pas la création de sous-commissions travaillant dans un cadre à géométrie variable : elles s'adapteront plus facilement aux évolutions de la délinquance.

Les conventions de coordination définiront les rapports de l'État avec les collectivités. Pratiquement tous les acteurs auditionnés se sont déclarés favorables à ce que ces conventions de coordination soient cosignées par le procureur, car son implication améliorera leur fonctionnement. La création d'un comité de suivi des conventions de coordination garantira qu'elles ne resteront pas une coquille vide. Les collectivités territoriales et leurs interlocuteurs étatiques sont remis sur un pied d'égalité de droits et de décisions, pour favoriser une action en partenariat. Si la généralisation des conventions de coordination est une bonne chose, les rendre obligatoires reste plus difficile, car cela représente beaucoup de changements en peu de temps pour les petites communes rurales. Les conventions de coordination préciseront les possibilités de consultation des fichiers administratifs et les modalités de communication entre les forces de sécurité étatiques et territoriales ; elles sont obligatoires pour le travail de nuit des policiers territoriaux ainsi que pour leur armement, et elles détermineront leur doctrine d'emploi. Avant de les rendre obligatoires, il serait bon que les maires des petites communes aient eu suffisamment de temps pour définir les missions de leurs agents territoriaux.

Un amendement propose d'encadrer les centres de surveillance urbains, d'y définir clairement les missions des différents agents qui y travaillent et d'introduire une obligation de formation pour certaines missions. Le texte n'aborde pas le volet social ; des négociations sont néanmoins en cours sur le sujet. On a constaté un mouvement de détachement d'un certain nombre de fonctionnaires de la sécurité - policiers ou gendarmes nationaux - vers les collectivités territoriales. À l'inverse, les policiers municipaux ont peu l'occasion de migrer vers les corps étatiques. Les fonctionnaires d'État qui intègrent la police municipale font souvent valoir leur statut et leur ancienneté pour obtenir des postes d'encadrement au détriment de leurs collègues locaux. Un sentiment d'injustice légitime se développe chez les policiers municipaux qui craignent que les contraintes budgétaires favorisent un mouvement de contingentement du nombre de chefs de service de police municipale pouvant se voir attribuer l'échelon sommital dans les communes de plus de 10 000 habitants. Le maire ou le président de l'Epci sait le niveau de responsabilité qu'il confie à ses agents territoriaux. Ce niveau n'a rien à voir avec le nombre d'habitants de la commune. La notion de contingentement n'apparaît pas légitime, même si cela ne relève pas de la loi.

Je laisserai Catherine Troendlé vous présenter ses amendements sur les brigades vertes et sur les mesures transitoires concernant les policiers municipaux recrutés dans le cadre des parcs naturels régionaux.

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