Intervention de Laurent Fabius

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 10 juin 2014 : 3ème réunion
Loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2013 — Audition de M. Laurent Fabius ministre des affaires étrangères et du développement international

Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international :

Me souvenant des temps anciens où je m'occupais des finances publiques, je me réjouis de vous retrouver... d'autant que vous n'avez pas tous changé... Ce que vous avez dit est parfaitement juste. Me voici pourtant dans une situation un peu difficile : s'il est vrai qu'on ne peut « racler l'os deux fois », en tant que membre du Gouvernement, je comprends qu'on demande au ministère des affaires étrangères de réduire ses dépenses, sous peine de tomber dans le paradoxe des trains à grande vitesse, qui ne doivent passer nulle part, mais s'arrêter partout. Le principe de non-contradiction doit s'appliquer au Gouvernement : je ne pourrai pas faire de réponses aussi enthousiasmantes que nous le souhaiterions.

Notre contribution aux organisations internationales représente des sommes colossales qui reviennent chaque année : nos efforts tendent à ce qu'elles n'augmentent pas, malgré des marges faibles. En premier lieu, lorsque nous en discutons le budget, nous nous opposons au sein des organisations à ce que les dépenses augmentent de manière inconsidérée. D'autre part, en 2013, notre quote-part à l'ONU - obéissant à des calculs très complexes - a pu être réduite de 9 %, ce qui dégage des économies en 2014. Pour 2016-2018, nous plaidons avec nos partenaires européens pour une révision des barèmes, afin de corriger la distorsion entre le poids réel des économies dans le monde et leur contribution. Soyons honnêtes : cela se fera au détriment d'autres pays. Les opérations de maintien de la paix, en nombre constant, devront coûter moins cher ; à cet égard nous devrons porter notre attention sur la demande américaine de plafonner leur propre contribution.

Cependant ces réductions ne sont pas infinies : si elle veut conserver sa place dans le monde, la France doit contribuer à sa juste part. Une étude conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires étrangères nous donnera une image complète des contributions, au-delà de celles versées à l'ONU, afin de savoir si l'investissement consenti correspond bien à nos priorités.

Quant à l'évolution du réseau, les représentants du personnel avec qui nous en parlons savent que les temps sont difficiles. Le principe de l'universalité du réseau reste intangible. Ce n'est pas jouer les casuistes que de ne pas le confondre avec l'exhaustivité et l'uniformité : nous devons être présents dans toutes les zones du monde, mais pas forcément dans toutes les capitales ni partout de la même façon. Autant nous pouvons dans certains cas « battre arrière », comme disent les marins, autant notre réseau, encore largement façonné durant les années 1960 à 1970, nous incite à faire mieux dans certaines zones appelées à se développer énormément. Les prévisions donnent au Nigeria 950 millions d'habitants à la fin du siècle. En outre, contre la représentation habituelle, la francophonie est aussi vivante dans des États non francophones : comme me le disait le président du Gabon, son pays compte numériquement moins de locuteurs du français que le Nigeria.

Il conviendra par conséquent d'être sélectif. Nous en parlons avec les ambassadeurs, les organisations syndicales, le Conseil des affaires étrangères, les commissions compétentes. Pour certains postes, nous avons décidé d'évoluer vers un format extrêmement allégé ; c'est le cas au Cap-Vert, en Guinée-Bissau, au Honduras, en Papouasie-Nouvelle Guinée ou au Tadjikistan... D'autres, parmi ceux qu'on appelle les « grands postes », en Allemagne, en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni ou aux États-Unis sont soumis à une certaine rationalisation ; j'ai demandé aux ambassadeurs eux-mêmes de réfléchir, ouvrant la voie à un exercice d'itération. Nous revoyons la carte des implantations, sur le plan culturel, notamment. Nous continuerons cette démarche de rationalisation dans le domaine de l'expertise technique, trop fragmentée en France dans les différents ministères si on la compare au cas allemand, conformément aux dispositions d'un amendement voté à l'initiative de votre collègue Jacques Berthou lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

La réforme des bourses a donné ses premiers résultats, malgré quelques erreurs...

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