Intervention de Michel Sapin

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 11 juin 2014 : 3ème réunion
Loi de finances rectificative pour 2014 — Audition de Mm. Michel Sapin ministre des finances et des comptes publics et christian eckert secrétaire d'état au budget

Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics :

Le projet de loi de finances rectificative, qui exauce l'un de vos voeux, constitue l'acte I de la mise en oeuvre du pacte de responsabilité et de solidarité. L'acte II sera le PLFRSS, délibéré en Conseil des ministres la semaine prochaine, puis débattu par les assemblées, le projet de loi de finances pour 2015 marquant l'acte III. Cet ensemble construit la logique du pacte de responsabilité et des décisions du Gouvernement.

Nous sommes également dans la première phase d'un programme d'économies qui commence par des économies supplémentaires cette année et qui se poursuivra par les 50 milliards d'euros d'économies indispensables à la mise en oeuvre du pacte de responsabilité. Ce programme financera la baisse des impôts et des cotisations au profit des entreprises et des ménages et permettra de poursuivre la diminution du déficit et la maîtrise de la dette. Il représente 4 milliards d'euros d'économies, dont 1,6 milliard d'euros d'annulation de crédits budgétaires. Telle est notre réponse à la demande de la Commission européenne. Cet effort additionnel est nécessaire. En 2013, nous avons respecté nos objectifs de dépenses, sans pouvoir atteindre nos objectifs de recettes à cause d'une croissance faible.

Dans le PLFRSS qui sera déposé mercredi, nous nous engageons à mettre en oeuvre les annonces faites par le président de la République en début d'année, et confirmées par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale et dans le pacte de responsabilité. L'objectif est de renforcer notre politique en faveur de la croissance et de l'emploi, par des mesures de soutien à la compétitivité et par un allègement de la pression fiscale et sociale sur les ménages aux revenus les plus modestes, en donnant de la visibilité à ces mesures à l'horizon 2017 et en inscrivant dans la loi dès maintenant les mesures du pacte 2014-2015.

Le dossier de presse met en perspective sur quatre ans l'ensemble des mesures du pacte de responsabilité, avec le quantum, année par année, des diminutions de cotisations ou d'impôts dont bénéficient les entreprises. C'est une première et c'est indispensable car les entreprises ont besoin de cette visibilité sur la stratégie du Gouvernement. Nous avons fait le choix de proposer dans les deux textes des mesures applicables en 2014, mais aussi en 2015. Ainsi, dès le mois de juillet, les entreprises et les ménages auront les éléments nécessaires pour prendre leurs décisions en matière d'investissement ou d'embauche.

Le projet de loi de finances rectificative prévoit, dès l'automne prochain, un allègement de l'impôt sur le revenu pour les ménages les plus modestes. La réduction est de 350 euros et 700 euros pour un couple au bénéfice des contribuables dont le revenu fiscal est inférieur à 1,1 SMIC. Cette mesure concerne 3,7 millions de foyers fiscaux, dont 1,9 million ne verseront aucun impôt au Trésor public. Cet allègement sera automatiquement intégré au solde de l'impôt sur le revenu qui sera adressée aux contribuables à la mi-septembre. Il corrige l'injustice de mesures dont les effets se font parfois sentir avec retard - certaines datent de 2011 ; 1,2 million de foyers avaient été intégrés dans l'impôt sur le revenu sans que leurs revenus aient augmenté ; ils sortiront de l'impôt et l'on évitera à 600 000 ou 700 000 autres d'y entrer à l'automne prochain. Le montant de l'allègement se chiffre à 1,1 milliard d'euros. Nous avons tenu compte de l'avis du Conseil d'État pour éviter un effet de seuil trop important. Le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale complètera cette mesure par un allègement des cotisations salariales pour les personnes ayant un salaire compris entre 1 et 1,3 SMIC. Il représentera 500 euros par an à compter du 1er janvier 2015, soit un allègement de 2,5 milliards d'euros.

La suppression de la contribution exceptionnelle d'impôt sur les sociétés à la charge des très grandes entreprises interviendra en 2016 et non en 2015. Cette prorogation maximisera les effets du pacte ciblé en 2015 sur l'emploi et l'investissement, au travers d'allègements sur les bas salaires dans les TPE, les PME et les ETI. L'année 2015 sera celle des petites entreprises, car l'effet en termes d'emploi y est le plus rapide. Nous inscrirons dans la durée - 2016-1017 - la fin de la surtaxe sur l'impôt sur les sociétés pour les très grandes entreprises et des baisses de cotisations allant de 1,6 à 3,5 SMIC.

Le projet de loi de financement rectificative propose un allègement des cotisations patronales entre 1 et 1,6 SMIC, soit 4,5 milliards d'euros, avec zéro charge Urssaf au niveau du SMIC - une mesure spectaculaire que les entreprises sauront apprécier. Il prévoit également un allègement des cotisations des indépendants pour un milliard d'euros et un premier abattement pour un milliard d'euros de la contribution sociale de solidarité (C3S) qui profitera particulièrement aux PME et aux ETI puisque deux tiers des entreprises ne la paieront plus.

À l'horizon 2017, le Gouvernement complètera ces mesures par un allègement des cotisations patronales entre 1,6 et 3,5 SMIC, par la suppression complète de la C3S et par l'amorce d'une diminution du taux d'impôt sur les sociétés, qui atteindrait progressivement 28 % en 2020.

L'assainissement des finances publiques est une autre priorité. Depuis 2012, les déficits effectif et structurel ont diminué régulièrement. À compter de 2015, l'amélioration des finances publiques s'opèrera uniquement par des économies sur la dépense, avec la mise en oeuvre du plan d'économies de 50 milliards d'euros. Le projet de loi de finances rectificative apporte une première traduction de ce plan avec le report de la revalorisation des aides au logement financées par l'État. L'effort demandé sera compensé par le maintien de la revalorisation de 2 % du RSA et par l'allègement des cotisations salariales pour les ménages les plus modestes. Le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) proposera le report de la revalorisation d'autres prestations sociales - les pensions de base pour les retraités touchant de petites retraites dont le montant est inférieur à 1 200 euros et les minima sociaux resteront indexés sur l'inflation. Les économies attendues de ces mesures seront constatées pour leur plus grande part dès 2015.

Les 4 milliards d'économies supplémentaires prévues par le Gouvernement dès 2014 sécuriseront le montant du déficit à 3,8 % du PIB, en 2014. Elles constituent une première réponse à l'enclenchement de la procédure de la correction des écarts prévue par la loi organique du 17 décembre 2012. Juridiquement, cette prise en compte aurait dû être faite dans le projet de loi de finances pour 2015 ; toutefois, le Gouvernement l'anticipe dès ce projet de loi de finances rectificative : l'assainissement des finances publiques est une priorité qui doit être amplifiée dès maintenant.

Le projet de loi de finances rectificative prévoit un montant d'annulation de crédits de 1,6 milliard d'euros dont un milliard de crédits « frais ». D'autres mesures d'économie en gestion concernent le report de la revalorisation d'un certain nombre de prestations sociales. Des moindres dépenses à hauteur de 1,1 milliard d'euros sur la sécurité sociale découlent de dépenses moins élevées que prévu en 2013 et seront pérennisées dans le cadre du PLFRSS. Il en va de même pour les dépenses de l'Unedic, à hauteur de 600 millions d'euros.

Les prévisions d'inflation et de croissance sont toujours difficiles. L'avis du Haut Conseil des finances publiques indique que la prévision de croissance à 1 % est ambitieuse mais pas hors d'atteinte. La même remarque vaut pour le niveau de l'inflation. La période est incertaine pour l'économie européenne. Les entreprises sont certes sorties d'une trop longue période où leur niveau de richesse est resté inférieur à celui de 2008, mais sont dans une forme d'hésitation et doivent surmonter leur scepticisme. La semaine dernière, la Banque centrale européenne a pris des décisions d'une ampleur considérable pour favoriser la fluidité et la simplicité du financement des entreprises, à des coûts moins élevés. Elle entend lutter contre la trop faible inflation pour retrouver son objectif européen, aux alentours de 2 %. Le nôtre étant inférieur, si la Banque centrale européenne a pris les bonnes décisions, la petite élévation des prix qui en résultera dans les prochains mois nous portera à la hauteur de nos prévisions.

La croissance ne se décrète pas d'en haut, mais se constate et se crée dans le tissu économique. Le cumul des décisions de la Banque centrale européenne et du pacte de responsabilité, s'il est voté avec détermination pourra enclencher la reprise de la croissance et provoquer un déclic dans les entreprises. La cohérence de notre stratégie consiste à allumer les deux moteurs européen et français pour retrouver la croissance indispensable à notre économie.

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