Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Commission spéciale sur la lutte contre le système prostitutionnel — Réunion du 11 juin 2014 : 1ère réunion
Présentation du rapport de mme brigitte gonthier-maurin présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes rapporteure sur la proposition de loi n° 207 2013-2014 renforçant la lutte contre le système prostitutionnel

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes :

Il est normal qu'il y ait une confrontation sur ce sujet, particulièrement important. Je suis d'accord avec Esther Benbassa : la prostitution est étroitement liée au milieu social. Elle a d'ailleurs changé de profil depuis une dizaine d'années, avec une proportion liée à la traite qui s'élève aujourd'hui à 80 %. Celle-ci est particulièrement révoltante, quand on songe aux conditions dans lesquelles les personnes sont enlevées ou conduites en France par de fausses promesses d'argent et ensuite contraintes à enchaîner, sous surveillance, les rapports avec les clients. Nous nous sommes interrogés sur l'opportunité d'utiliser le terme « esclavagiste » mais la description de ce système nous a paru correspondre.

La question des moyens financiers et humains est fondamentale, notamment pour ce qui concerne les services publics : policier, hospitalier, d'hébergement, de réinsertion, etc. La confiscation des biens des « prostitueurs » pourra constituer une source de financement. Par ailleurs, il faut accroitre les moyens de coopération et d'investigation : il ne s'agit évidemment pas de demander aux policiers d'être des assistantes sociales.

Nous estimons que l'abrogation du délit de racolage est fondamentale : elle montre que les personnes prostituées sont bien considérées comme des victimes. La prostitution fait en effet partie d'un continuum de violences et la prévention passe par une éducation dès le plus jeune âge. S'agissant des ABCD, il ne s'agit pas de parler de prostitution à des enfants de 3 ans, bien sûr, mais de mieux éduquer à l'égalité entre les sexes.

Nous avons eu des difficultés, pour ce qui concerne les étudiants, à bien appréhender la réalité. Il y a une multiplication des sites « d'escort » sur Internet. Nous avons eu un débat au sein de la Délégation sur l'opportunité de demander une enquête, mais nous avons besoin de connaître les réalités sous-jacentes : souvent les femmes, au départ « libres », sont « rattrapées » par un réseau de proxénètes et peuvent commencer à consommer des produits stupéfiants. Il y a un lien entre la prostitution et la banalisation de la pornographie. Dès l'école primaire les enfants sont soumis à des images violentes.

J'ai moi-même beaucoup de doutes. Mais si je pars du principe que la prostitution s'inscrit dans un continuum de violences, je dois poser un interdit. Cela ne veut pas dire qu'on va mettre les clients en prison, mais que la norme doit permettre aux hommes qui n'ont pas réfléchi à la question de faire un cheminement. Cela permettrait par exemple de remettre en cause l'idée qu'un passage à la Jonquera fait partie des rites obligatoires d'initiation. S'agissant des associations, nous estimons que celles qui seront habilitées doivent être honnêtes : il faudra bien identifier les missions.

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