Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, je me réjouis que nous soyons réunis aujourd’hui pour discuter de l’avenir des polices municipales. Ce débat prolonge la réflexion que j’ai pu moi-même mener, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, sur le budget de la police et de la gendarmerie au sein de la mission « Sécurités ».
Je salue le travail de nos collègues François Pillet et René Vandierendonck, qui ont su œuvrer de concert, loin des querelles partisanes – cela les honore –, une première fois en 2012 lors de la rédaction de leur rapport d’information sur la police municipale, une deuxième fois avec cette proposition de loi qui découle dudit rapport.
À titre liminaire, monsieur le ministre, je précise que notre souci principal, largement partagé sur ces travées, me semble-t-il, reste que les moyens soient prioritairement alloués à la police et à la gendarmerie, qui assument la fonction régalienne d’assurer la sécurité des biens et des personnes sur l’ensemble du territoire national.
On se souvient de la polémique à laquelle a donné lieu l’évolution des effectifs de la police et de la gendarmerie sous le précédent quinquennat. La situation s’est améliorée depuis deux ans, et je sais que, conformément à l’objectif quinquennal du Président de la République François Hollande, vous poursuivrez, monsieur le ministre, le travail de restauration des effectifs de la police et de la gendarmerie engagé par votre prédécesseur, afin de garantir une présence normale et équitable des forces de l’ordre sur l’ensemble de nos territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux.
Je vois Louis Nègre sourire, mais je suis sûr que notre collègue apprécie qu’il y ait davantage de policiers et de gendarmes dans les Alpes-Maritimes depuis deux ans ! §
Cette police municipale ne doit donc pas servir de palliatif et ses fonctions, ses objectifs et ses activités ne doivent pas se substituer à celles et ceux de la police nationale et de la gendarmerie. Elle doit avoir une mission propre : assurer la sécurité et le « vivre ensemble », sans prétendre remplacer la police nationale ou de la gendarmerie et n’être en fait qu’un outil moins efficace. Par rapport à ces forces nationales, son rôle doit être complémentaire, et non subsidiaire. Sa mission, notamment de prévention et de dissuasion, doit s’inscrire dans une perspective de préservation de la tranquillité et de la salubrité publiques, comme le précise d’ailleurs fort opportunément l’article 13 de cette proposition de loi.
Dans ces conditions, je le dis au passage, la mission de la police municipale ne me semble en aucun cas imposer que celle-ci soit dotée d’armes de quatrième catégorie. Je reviendrai bien évidemment sur ce point qui fait débat, mais je tenais à apporter cette précision à ce stade de la discussion.
Bien sûr, j’ai conscience que, avec cette proposition de loi, le débat porte essentiellement sur la coopération entre les acteurs publics de la sécurité, et non sur le rôle même de la police municipale, qui est acté de longue date. Je me permets toutefois de rappeler que la fusion qui est proposée ici entre les agents de police municipale et les gardes champêtres ne change en rien notre position de fond sur le rôle des agents de police municipale, ou territoriale, et notre opposition à ce qu’ils soient armés dans leur mission de proximité auprès des citoyens.
Je souhaite également saluer l’effort des auteurs de cette proposition de loi pour redonner toute sa place au garde champêtre.
Dans les circonstances actuelles de déclin du nombre de gardes champêtres, il est intéressant d’envisager une fusion des deux statuts, accompagnée d’une formation de tous les agents aux enjeux de protection des espaces naturels, de biodiversité et de lutte contre les délits environnementaux. Je veux voir là un signe de ce renforcement de la police environnementale que j’appelle de mes vœux.
Le volet « formation » de ce texte prend ici tout son sens. Nous insistons, pour notre part, sur la formation aux enjeux environnementaux, en particulier ceux qui touchent le littoral, le monde rural et la forêt.
Quant à la formation à l’usage des armes, je ne le répéterai jamais assez, elle devrait surtout s’accompagner d’une formation à leur non-usage, afin de se concentrer sur le rôle préventif de la police territoriale.
Jusqu’alors, les polices municipales, instaurées à la discrétion des maires, étaient trop souvent le reflet des inégalités entre communes pauvres et communes riches. Les communes pauvres subissaient ainsi une double peine : celle de ne pouvoir ni financer une police municipale ni bénéficier du soutien de la police nationale dans les mêmes conditions que les communes riches, comme le voudrait pourtant le principe d’égalité. §
J’apprécie le soutien de l’ancien maire de Clichy-sous-Bois ! On a en effet l’impression que les commissariats sont plutôt implantés dans les zones riches, alors même que les communes pauvres peuvent difficilement assumer la dépense que représente une police municipale.
C’est pourquoi je considère de façon extrêmement positive le volet « mutualisation » de ce texte, qui permettra aux communes de gagner en efficacité. Pour cela, il faut toutefois que la mutualisation ne soit pas seulement entendue comme un transfert de compétences, mais plutôt comme une optimisation des moyens. Et la mutualisation ne doit pas s’accompagner non plus d’une extension des pouvoirs des agents de police territoriale.
Nous saluons à cet égard l’ambition de mettre en place une police territorialisée, qui s’appuierait sur une grande connaissance des quartiers et sur une relation de confiance et de proximité avec les habitants. Nous avons déjà eu ce débat à propos de la police de proximité, supprimée par nos prédécesseurs.
La mutualisation des moyens de police à l’échelle intercommunale permettra, je l’espère, de développer une réflexion sur la cohésion territoriale et sur l’aménagement des missions de sécurité à l’échelle des territoires. Il s’agit là d’un noble débat.
Néanmoins, vous l’aurez compris, mes chers collègues, les écologistes, en raison de leur position historique sur la question des polices municipales, ou territoriales, ont choisi de ne pas voter en faveur de cette proposition de loi.
Nous nous abstiendrons cependant au regard de l’indéniable cohérence du texte et des éléments extrêmement intéressants qui y ont été ajoutés pour ancrer davantage la question de la sécurité au plus près des territoires et faire en sorte que nous puissions collectivement œuvrer pour l’intérêt général. C’est l’avantage du bicamérisme, avec un Sénat qui peut, plus facilement que l’Assemblée nationale, s’éloigner des querelles partisanes.
Je tiens d’ailleurs, pour finir, à saluer les deux coauteurs de ce texte, qui va plus dans le bon sens que dans le mauvais !