Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui fait suite au rapport d’information de 2012 de nos collègues François Pillet et René Vandierendonck, dont la plupart des recommandations ont été intégrées dans ce texte.
Faisant le bilan des vingt-cinq ans de la police municipale, ce rapport mettait en avant les difficultés qu’elle rencontre aujourd’hui encore : une confusion des compétences entre les forces de police municipale et les forces de police nationale, qui amène nos concitoyens à exiger beaucoup des premières ; une judiciarisation des polices municipales, parfois réquisitionnées par le procureur de la République pour certaines interventions ; un désengagement étatique qui conduit la police municipale à s’éloigner de ses missions de prévention et de proximité ; enfin, un accroissement des inégalités en matière de sécurité selon les moyens de chaque collectivité.
Pour donner un nouveau souffle à la police locale et remédier à toutes ces difficultés, vous proposez deux axes de réforme : une homogénéisation des polices locales, d’une part, une mutualisation de ces nouvelles forces de police au niveau intercommunal, d’autre part, le tout afin de favoriser l’émergence d’une véritable « police territoriale ».
L’objectif, comme vous l’avez rappelé, est de fusionner dans un même cadre d’emplois les agents de police municipale et les gardes champêtres. S’ensuivrait alors, dans une logique de clarté, un regroupement de l’ensemble des compétences exercées par l’une et l’autre de ces deux forces de police.
De plus, puisque la police territoriale disposera des compétences actuellement exercées par les gardes champêtres, il est évident que les régions, les départements ou les établissements publics chargés de la gestion d’un parc naturel régional garderont la faculté de recrutement de policiers territoriaux dans ce domaine.
Il est certain qu’en redonnant de la lisibilité à la police « locale », nous faciliterons un regroupement des forces de police au niveau de l’intercommunalité.
Du reste, cette mutualisation est indispensable, et d’abord pour éviter l’abandon de certaines zones rurales parfois très vastes, où les municipalités n’ont pas les moyens d’assumer la charge d’une force de police de quelque ampleur, dont elles ont pourtant absolument besoin. Pour cela, vous proposez très justement d’améliorer les dispositifs existants : les conseils locaux de sécurité et les conventions de coordination.
L’article 18 renverse en effet l’ordre de création des conseils de sécurité et de prévention de la délinquance dans les communes de plus de 10 000 habitants ou comprenant une zone urbaine sensible. Actuellement, lorsqu’il existe un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, ou CLSPD, la création d’un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance, ou CISPD, est facultative. Vous proposez que la création d’un CLSPD ne soit plus possible si un CISPD est créé, ce qui constitue une modification cohérente avec l’évolution de notre droit des collectivités ; il s’agit de favoriser l’essor d’une politique de prévention de la délinquance à l’échelle intercommunale.
L’article 19, quant à lui, prévoit que le procureur de la République sera signataire de la convention de coordination, également signée par le maire et le préfet, alors qu’il n’émettait jusqu’alors qu’un avis sur cette convention. Dès lors que la police municipale connaît un accroissement important de ses pouvoirs judiciaires, il est indispensable de donner à l’autorité judiciaire les moyens de mieux contrôler l’exercice de ces pouvoirs. Mais ce n’est pas tout : le texte tend également à reconnaître le travail décisif mené par les policiers, en leur conférant une véritable initiative dans la rédaction de cette convention de coordination. Nous nous satisfaisons de ces avancées.
Par ailleurs, la commission des lois a judicieusement abaissé le seuil rendant obligatoire la conclusion de la convention de coordination à partir de quatre emplois d’agent de police territoriale, au lieu de cinq, et prévu une période transitoire de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi lorsque les services de police territoriale de plus de quatre agents ont été créés avant l’entrée en vigueur de la disposition. Durant cette période, ces services pourront poursuivre leur activité.
Au-delà de ces deux outils juridiques, dont le fonctionnement est amélioré, le texte renforce le rôle joué par les établissements publics de coopération intercommunale dans la coordination des politiques de sécurité.
L’article 16 fait ainsi du président d’un EPCI à fiscalité propre un officier de police judiciaire.
Quant à l’article 17, il prévoit qu’en cas de transfert de compétences en matière de transports urbains à un EPCI, celui-ci endosse aussi la responsabilité de la police des transports, sous réserve de l’accord de l’ensemble des communes concernées et du président de l’EPCI. Si cet accord peut, en théorie, présenter certaines difficultés, le texte prévoit une contrepartie pour les présidents d’EPCI, puisque l’intercommunalité pourra refuser le transfert des compétences considérées.
En somme, rationalisation et mutualisation sont les mots d’ordre de cette réforme, qui doit donc être approuvée.
Avant de conclure, je tiens à intervenir sur l’une des particularités du Haut-Rhin, celle du syndicat mixte des gardes champêtres intercommunaux du Haut-Rhin, plus communément appelé la « brigade verte ».
C’est la loi d’amélioration de la décentralisation du 5 janvier 1988 qui a repris, dans son article 44, un amendement proposé par le sénateur Goetschy, auquel s’étaient alors associés les sénateurs Schielé et Haenel. Cet amendement permet à des collectivités réunies dans un syndicat mixte d’avoir en commun des gardes champêtres compétents sur l’ensemble des territoires des communes constituant ce groupement.
Depuis l’entrée en vigueur de cette disposition, les gardes champêtres du Haut-Rhin ont constitué un véritable corps, placé sous l’autorité juridique des maires. Ils ont pour cadre de gestion un syndicat mixte regroupant des communes, le département du Haut-Rhin ainsi que, le cas échéant, des syndicats de communes ou des districts.
Une soixantaine de gardes champêtres, répartis sur dix postes, sont ainsi déployés sur le territoire de 313 des 377 communes que compte le département. Les patrouilles sont effectuées sept jours sur sept, 365 jours par an.
La brigade verte travaille en partenariat avec toutes les autres institutions du territoire, notamment la région Alsace, le conseil général, la gendarmerie et la police. C’est, pour les habitants du Haut-Rhin, l’un des piliers de leur sécurité et de leur tranquillité.
Cette organisation fonctionne très bien et répond parfaitement, en particulier, aux besoins des petites communes en répartissant les coûts entre les communes, les intercommunalités et le département.
La brigade verte étant unique en France au regard de la dimension du territoire couvert par le syndicat mixte et de son financement, il est certain que le projet de « police territoriale » remet en cause son mode de fonctionnement. Pourrait donc se trouver ainsi remise en cause l’existence même d’une structure qui a su répondre aux attentes de nos concitoyens du Haut-Rhin et des élus des collectivités participantes.
Compte tenu de ces éléments, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’ai cessé de plaider pour la prise en compte du maintien de cette spécificité du Haut-Rhin.
Mes chers collègues, il existe un véritable consensus sur ce texte, qu’il s’agisse des limites actuellement rencontrées par la police municipale ou des moyens propres à lui donner un nouveau souffle. Le rapport d’information de nos collègues François Pillet et René Vandierendonck n’est certainement pas étranger à la formation de ce consensus et je tiens, au nom du groupe UMP, à les saluer. §