Intervention de Philippe Kaltenbach

Réunion du 16 juin 2014 à 15h00
Polices territoriales — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, en 2012, nos collègues René Vandierendonck et François Pillet rendaient publiques les recommandations de leur mission d’information sur les polices municipales. Plusieurs de ces recommandations, et non des moindres, ont été reprises dans la proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise. Nous ne pouvons que nous féliciter une nouvelle fois que les travaux conduits par le Sénat trouvent rapidement une traduction législative. Cela montre à ceux qui en doutent que le Sénat travaille et qu’il est utile à notre République.

Commençons par faire un rapide état des lieux. Les effectifs des polices municipales représentent aujourd’hui un peu moins de 10 % des effectifs cumulés de la police – 113 000 – et de la gendarmerie – 94 000 – nationales. Aujourd’hui, 18 000 policiers municipaux exercent leurs missions dans plus de 3 000 communes. Ils étaient quatre fois moins il y a trente ans. Ces quelques chiffres montrent que la police municipale correspond aujourd'hui à une réalité concrète et qu’elle est très différente suivant les communes. En effet, moins d’une dizaine de communes ont des effectifs supérieurs à cent agents, et la moitié des villes possédant une police municipale ne disposent que d’un seul agent.

Cette grande hétérogénéité se retrouve également au niveau des équipements, et notamment du type d’armement dont sont dotés les agents. Elle s’observe aussi concernant les missions confiées aux polices municipales. Dans de nombreuses communes, les agents de police municipale exercent, de jour uniquement, une activité de police administrative qui inclut par exemple la surveillance des marchés. Dans d’autres communes, ils effectuent de véritables missions de sécurité publique, éventuellement de nuit, en complément et même parfois – trop souvent, peut-être – à la place des services de l’État.

C’est en raison de ces importants contrastes qu’il convient de ne pas déroger au principe selon lequel les polices municipales interviennent en complément de la police ou de la gendarmerie nationales. En effet, pour les socialistes, seules les forces régaliennes sont à même d’assurer sur l’ensemble du territoire l’égalité de tous les citoyens en matière de sécurité et d’œuvrer efficacement contre les agissements des criminels et des délinquants, qui, nous le savons tous, ne s’arrêtent pas aux frontières des communes.

Malheureusement, les effectifs de police et de gendarmerie nationales ont connu une très forte érosion durant les deux précédents quinquennats. Même si ce mouvement a été stoppé avec le changement de majorité, qui a entraîné l’arrivée de renforts – ils étaient très attendus – dans les commissariats et les gendarmeries, nous savons tous que les maires de France ont été confrontés à des diminutions importantes d’effectifs. À cet égard, je tiens à remercier l’actuel ministre de l’intérieur, comme le précédent, d’avoir érigé en priorité le renforcement des effectifs des forces régaliennes.

À titre d’exemple, lorsque j’ai été élu maire de Clamart en 2001, 130 agents étaient affectés au commissariat municipal, alors qu’ils n’étaient plus que 97 en 2011. Force est donc de constater que la diminution a été très forte.

Pour autant, il ne faut pas que la police municipale se substitue à l’État. Elle a en effet vocation à accompagner les forces régaliennes et, dans la mesure où les effectifs de celles-ci se révèlent souvent insuffisants, à les décharger de tâches annexes afin qu’elles puissent se concentrer sur les missions qui ne sauraient incomber à des services municipaux.

Il y a dans notre pays un droit à la sécurité, et nos concitoyens sont extrêmement sensibles à cette question. L’augmentation de la délinquance, notamment celle qui touche les personnes, renforce le besoin de sécurité. Nous devons donc préserver le principe d’égalité républicaine, qui est essentiel.

Si l’État venait un jour à s’en remettre très largement aux communes pour assurer la sécurité de nos concitoyens, nous serions immédiatement confrontés, selon les territoires, à une inadéquation entre les besoins et les moyens et, partant, à de grandes inégalités. Les villes ayant d’importantes ressources fiscales pourraient se doter d’effectifs adaptés. C’est d’ailleurs déjà le cas, comme on peut parfois le constater. En revanche, les communes ayant peu de moyens seraient bien sûr démunies.

L’égalité républicaine est donc susceptible d’être rompue sur un point pourtant primordial : le droit à la sécurité des personnes et des biens.

À titre d’exemple, permettez-moi d’évoquer un cas que je connais bien, à savoir celui de l’Île-de-France. Cette région très urbanisée concentre une importante proportion des crimes et délits commis en France du fait même de cette urbanisation. Il se trouve justement que les quatre communes franciliennes les mieux dotées en termes de police municipale font partie de mon département, à savoir Rueil-Malmaison, Levallois-Perret, Puteaux et Courbevoie.

Or il ne vous aura pas échappé, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que ces communes ne sont pas celles où se concentre fortement l’insécurité, même si elles connaissent, comme partout, des difficultés. En revanche, elles sont riches grâce notamment à l’activité économique du site de La Défense. Cet exemple est très parlant : lorsque les villes disposent de ressources fiscales importantes, elles ont les moyens d’avoir des polices municipales nombreuses et plus efficaces dans la lutte contre la délinquance. C’est injuste bien sûr. Nous devons donc faire en sorte de ne pas accroître ces inégalités territoriales.

Si nous ne devons pas hésiter à rappeler le principe d’égalité – j’ai d’ailleurs entendu que nos amis du groupe écologiste et du groupe CRC avaient également insisté sur ce point –, nous devons également avoir pleinement conscience de l’utilité et du rôle essentiel que jouent aujourd’hui les polices municipales en matière de service public à l’échelon communal, voire, demain, de plus en plus, à l’échelon intercommunal.

Les policiers municipaux sont aujourd’hui des acteurs bien identifiés par nos citoyens, proches des habitants, ce qui en fait une « police du quotidien », pour reprendre l’expression de Mme Assassi. C’est avant tout à cette qualité de la police municipale que nos concitoyens sont attachés. Certes, il y a, et il y aura toujours, malheureusement, quelques cow-boys engendrant des dérives, mais ils ne doivent pas nuire à l’image des 18 000 policiers municipaux qui remplissent leur mission avec un très grand professionnalisme.

Mes chers collègues, nous devons renforcer ce lien en organisant mieux le fonctionnement des polices municipales. Tel est justement l’objet de ce texte. Ses auteurs proposent de créer des polices territoriales en intégrant dans le même cadre d’emplois les agents de police municipale et les gardes champêtres. Les missions de ces derniers seront préservées, l’objectif étant que toutes les missions puissent demain être exercées par l’ensemble des agents de ce nouveau cadre d’emplois, grâce à des avancées en matière de formation. M. le ministre a ainsi indiqué que la durée de la formation des gardes champêtres allait passer de trois mois à six mois, ce qui, à mes yeux, est extrêmement positif. Il en va de même des futures évolutions de carrière qui leur seront ouvertes.

Le débat sur le nom a été largement engagé : doit-on parler de police « territoriale », de police « municipale » ou même, comme je l’ai entendu, de police « locale » ? Certes, ce débat est intéressant, mais je ne pense pas qu’il nous faille concentrer toutes nos énergies sur cette question. Ce qui compte, c’est le contenu et le fait de mieux organiser les polices municipales.

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