Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de la discussion générale, je tiens à remercier l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés et ont apporté une contribution extrêmement utile, positive et pondérée à ce débat. Je rends également hommage aux travaux conduits par les deux coauteurs de la proposition de loi et par Mme la rapporteur.
J’en profiterai pour apporter quelques réponses les plus argumentées possible aux interrogations qui ont été soulevées, en reprenant les arguments évoqués de façon transversale, au-delà les sensibilités politiques.
La première préoccupation que vous avez exprimée est claire : il ne faut pas que ce que nous faisons pour les polices municipales serve de prétexte à l’État pour se désengager de ses missions. J’ai senti que cette préoccupation était d’autant plus forte que les orateurs appartenaient à l’opposition, ce qui est classique. Il est en effet assez normal, quand on est dans l’opposition, d’interpeller le Gouvernement sur sa capacité à maintenir des moyens.
Je veux donc rassurer les sénateurs et sénatrices de l’opposition sur nos intentions, en rappelant, sans esprit polémique, la réalité : les forces de police et de gendarmerie ont perdu, au cours des sept dernières années, 13 720 emplois. Depuis 2012, il a été mis fin à cette hémorragie, 500 emplois ayant été créés par an, dont bénéficient simultanément les forces de police et de gendarmerie. Je conviens que, compte tenu des réductions d’effectifs passées et de l’effort que nous consentons, il faudra attendre de nombreuses années avant que ce qui a été détruit soit réparé. Cela dit, convenez que la création de 500 emplois supplémentaires par an représente une orientation très différente de celle qui consistait à supprimer plusieurs milliers d’emplois par an.
Je tiens donc à insister sur ce point : nous n’avons aucune intention de nous désengager, nous avons même entrepris une démarche de réparation des suppressions d’emplois qui sont intervenues en nombre au cours des précédentes années.
Nous souhaitons réparer les dégâts non seulement en créant des emplois, mais aussi en accordant aux forces les moyens nécessaires pour intervenir dans de bonnes conditions sur le terrain. J’insiste sur ce point à l’intention de Mme Assassi, qui s’interrogeait sur le désengagement de l’État et sur sa capacité à assurer des moyens suffisants. Nous créons des postes et nous faisons en sorte que les moyens suivent.
Sans trahir ce que sera la suite de la discussion budgétaire, car je ne dispose pas de tous les éléments pour savoir comment elle aboutira, je puis vous dire que, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2014, j’ai essayé d’obtenir que les moyens « hors titre II » – c’est-à-dire hors dépenses de personnels de la police et de la gendarmerie – soient maintenus, en faisant en sorte que les efforts portent sur la réserve et non sur les crédits disponibles. Nous aurons ainsi la garantie de ne pas nous trouver privés des moyens qui nous ont été alloués pour l’exercice budgétaire 2014. Les crédits qui seront gelés le seront par augmentation de la réserve, ce qui n’obérera pas notre capacité à bénéficier du dégel, à l’instar de ce qui s’est passé l’an dernier.
En effet, l’an dernier, alors que j’exerçais les responsabilités de ministre délégué au budget, j’avais accepté, à la demande du ministre de l’intérieur de l’époque et des directeurs généraux de la gendarmerie et de la police, que l’on dégelât des crédits dont les forces de sécurité avaient besoin pour assumer correctement leurs missions.
J’insiste donc sur ce point : quand les emplois diminuent et quand les crédits sont rabotés, il faut le dire et l’assumer – en tant que ministre délégué au budget, j’ai eu à le faire devant vous à plusieurs reprises au cours des derniers mois –, mais quand les effectifs augmentent et quand les crédits sont maintenus, il faut le reconnaître.
Mme Assassi s’est également interrogée sur le fait de savoir si nous consentirions les efforts catégoriels nécessaires pour donner à la police municipale la motivation dont elle a besoin pour bien exercer ses missions – c’était le deuxième volet de ses interrogations, après celui portant sur la substitution de la police municipale à la police nationale. Eh bien, oui ! Nous avons pris des mesures en faveur de la catégorie C dont vous savez qu’elles se traduisent, en 2014 et en 2015, par des augmentations comprises entre 400 euros et 700 euros.
Il n’y a donc pas de désengagement de l’État ni de substitution de la police municipale à la police nationale. Il n’y a pas non plus de dévalorisation de la police municipale ni de sacrifices demandés à ses agents. Au contraire, nous avons la volonté de bien faire les choses.
M. Placé m’a interrogé sur les effets du rapprochement des gardes champêtres et des polices municipales sur les missions environnementales précédemment exercées par les gardes champêtres. Je tiens à le rassurer immédiatement : il n’est pas question pour nous, compte tenu de ce que représentent les enjeux environnementaux, de profiter de ce rapprochement pour minorer l’intervention de ces acteurs dans le champ de la police environnementale. Ce serait une erreur et une faute. Tel n’est pas l’objectif des auteurs de la proposition de loi. Soyez donc tout à fait rassuré, monsieur le sénateur.
Mme la sénatrice Escoffier et d’autres sénateurs ont évoqué la question de l’appellation de la police qui intervient dans les territoires. Je comprends les préoccupations formulées par ceux d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui souhaitent procéder à une telle modification. Cependant, par tempérament autant que par sens des réalités, j’estime qu’il n’est pas indiqué de consacrer beaucoup de temps à envisager des modifications qui vont entraîner des coûts significatifs. En effet, le coût du changement des tenues, des écussons, des plaques, des signalisations, etc. a été évalué par mes services à plus de 15 millions d’euros. Cette évaluation n’est pas destinée à faire peur ; au contraire, elle a été établie de manière assez scrupuleuse. Il me semble préférable de faire œuvre utile en utilisant cette somme pour améliorer les équipements, changer les véhicules et organiser des opérations de prévention.
Je ne suis donc pas favorable à ce changement d’appellation, non seulement pour des raisons symboliques, mais surtout, dans un contexte où l’argent public est rare, parce qu’il entraînerait des coûts alors que nous ne disposons pas toujours des moyens permettant d’assurer nos missions premières.
J’ajouterai un mot, enfin, sur l’importance de la coproduction dans le domaine de la sécurité. Après avoir rappelé la volonté du Gouvernement de ne pas substituer ni opposer une force à une autre, j’insiste sur le fait que la coproduction garantit que, sur les territoires, l’objectif de maîtrise et de neutralisation des délinquants sera atteint, y compris dans les zones où la délinquance prend parfois des formes spectaculaires ou est enracinée depuis longtemps.
Je ne veux stigmatiser aucune ville, mais j’ai pu constater avec un vif intérêt, lors d’un récent déplacement à Marseille, les effets de la parfaite articulation entre l’action de la mairie, qui a recruté plusieurs centaines de policiers municipaux et mis en place un centre de vidéoprotection, et celle de l’État. Cette politique, menée sous l’impulsion du sénateur-maire Jean-Claude Gaudin, dans un esprit exemplaire de collaboration entre police municipale et police nationale, donne des résultats que nous n’atteindrions jamais sans cette coproduction.
La sécurité est donc le fruit d’une coproduction des forces de police nationale, de gendarmerie et de police municipale. La sécurité suppose la capacité de mettre en place des forces de sécurité pour enquêter sur les infractions, arrêter et neutraliser les délinquants. Elle exige également que les collectivités locales, en liaison avec l’État, aient la capacité d’engager des actions de prévention, qui sont aussi très importantes.
La coproduction est le vecteur des politiques de sécurité lorsque celles-ci donnent des résultats efficaces.
C'est la raison pour laquelle la proposition de loi – j’en remercie d’ailleurs les auteurs, ainsi que Mme la rapporteur – prévoit une convention, laquelle est hautement souhaitable et absolument indispensable. La signature de cette convention sera précédée d’un travail de collaboration entre l’ensemble des acteurs locaux de sécurité afin d’obtenir des résultats grâce à la mise en œuvre de dispositifs opérationnels et efficaces. Nous avons grandement besoin de ce diagnostic. Sur ce point, j’attire là aussi votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le fait qu’il est préférable que la signature de ces conventions ne se fasse pas dans la confusion.
À cet égard, il est indispensable, je le répète, d’associer les procureurs au dispositif de pilotage, sans aller toutefois jusqu’à leur demander de signer le projet de convention ou de donner leur accord au préalable.
Enfin, je ne clôturerai pas ma réponse sans vous rassurer, madame Troendlé, sur le devenir des brigades vertes, dont vous nous avez convaincus de l’efficacité en matière environnementale.
Vous le comprendrez, je ne propose bien entendu pas d’étendre le droit local alsacien-mosellan à tout le territoire national…