Intervention de Michelle Meunier

Commission des affaires sociales — Réunion du 25 juin 2014 : 2ème réunion
Protection de l'enfance — Examen du rapport d'information

Photo de Michelle MeunierMichelle Meunier, rapporteure :

L'enjeu de la sécurisation des parcours nous a, par ailleurs, conduites à approfondir deux sujets qui ne relèvent pas exclusivement de la protection de l'enfance : la prise en charge des jeunes majeurs protégés et l'accueil des mineurs isolés étrangers (MIE).

Au moment où ils sortent du dispositif de l'ASE, les jeunes majeurs sont confrontés à la fois brutalement et précocement à une forte exigence d'autonomisation à laquelle ils sont souvent peu préparés. Le passage d'un statut d'enfant protégé à une logique d'insertion et de responsabilité, en particulier pour des jeunes ayant déjà connu des ruptures et eu des parcours chaotiques, correspond souvent à une période critique qui conditionne fortement les parcours de vie ultérieurs. C'est toute la question de l'effet couperet des fins de prises en charge.

Malgré leur caractère facultatif, des dispositifs d'accompagnement spécifiques aux jeunes majeurs ont été mis en place dans de nombreux départements. Leur déploiement reste toutefois très inégal. Globalement, les conseils généraux alertent sur leurs difficultés à renouveler les contrats jeunes majeurs en raison d'un contexte budgétaire et financier très contraint. D'autres ont cependant pu mettre en place des mesures plus ambitieuses visant à soutenir ces jeunes dans leur démarche d'insertion.

A cet égard, notre attention a été portée sur plusieurs dispositifs innovants comme ceux mis en place dans le Val-de-Marne. Il s'agit de favoriser, au-delà de l'âge de 21 ans, une accession progressive des jeunes majeurs à l'autonomie, en s'appuyant sur un projet personnalisé. Celui-ci repose d'une part, sur un accompagnement conjoint par des professionnels issus des secteurs de l'insertion et de l'ASE, d'autre part, sur un soutien matériel, notamment financier, modulable selon les besoins du jeune. Ces initiatives, dont la généralisation mériterait d'être encouragée, montrent que la collaboration entre les acteurs de la protection de l'enfance et les professionnels de l'insertion constitue un véritable atout. Elles nous ont également convaincues que la prise en charge des jeunes à l'ASE doit être envisagée comme un parcours qui nécessite de préparer, dès l'âge de 16 ans, les modalités de sortie du dispositif et de réfléchir à leur projet d'insertion.

S'agissant des MIE, leur accueil et leur prise en charge relèvent, comme vous le savez, de la responsabilité des départements au titre de la protection de l'enfance. La forte augmentation du nombre de ces jeunes arrivant sur le territoire français dans un contexte géopolitique marqué par la multiplication des conflits, notamment interethniques, est une nouvelle donne qui s'est imposée depuis quelques années. Des phénomènes d'engorgement de l'accès au dispositif de la protection de l'enfance ont fait leur apparition, certains départements étant néanmoins plus concernés que d'autres en fonction des lieux d'arrivée de ces jeunes.

En 2013, le ministère de la justice a cherché à répondre à cette situation par la mise en place d'un appui financier de l'Etat et la définition d'une clef de répartition des MIE sur le territoire national. Ce dispositif ne semble cependant pas remédier au problème. Qui plus est, de nombreux conseils généraux continuent d'alerter sur l'inadaptation des modalités d'accueil « classique » à la problématique très particulière des MIE et sur l'absence de formation spécifique des professionnels de la protection de l'enfance à l'accompagnement de ce public. Dans ce contexte, nous plaidons pour qu'une réflexion nationale soit lancée sur les moyens de mettre en place des modes de prise en charge spécifiques aux MIE, distincts de ceux prévus pour le dispositif de protection de l'enfance.

Madame la Présidente, mes chers collègues, vous nous pardonnerez la longueur inhabituelle de notre intervention, qui était malheureusement inévitable compte tenu de l'ampleur de notre sujet. Comme vous le voyez, un grand nombre de nos recommandations, qui impliquent une évolution des pratiques, ne nécessitent pas forcément une modification des dispositions de la loi de 2007, mais plutôt leur pleine application. Les suites qui y seront données dépendent en outre fortement des conséquences de la future réforme territoriale sur l'avenir de la politique de protection de l'enfance, dont les départements constituent la pierre angulaire. Il s'agit pour nous d'une source de grande inquiétude.

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