La réforme se justifie moins par cet enjeu financier que par l'objectif de bâtir des « régions de taille européenne ». Les comparaisons le montrent : en effet, les régions françaises sont en moyenne moins denses que leurs voisines européennes, leur poids économique plus faible. La comparaison avec l'Allemagne est éloquente : son PIB régional moyen est, en valeur absolue, deux fois plus élevé que le nôtre. Le regroupement de nos régions les placera dans le haut du classement en termes de population et de superficie, et rapprochera leur poids économique de celui des Länder.
Ce texte nécessitera des ajustements dans les dotations, les fonds de péréquation et la fiscalité, questions renvoyées à une loi de finances, choix opportun puisqu'il est nécessaire d'avoir fixé les compétences des régions avant de déterminer leurs ressources.
Le projet de loi comprend quatre volets : nouvelle carte régionale, nombre des conseillers régionaux, règlement des dispositions relatives aux vacances de siège de conseiller départemental censurées par le Conseil constitutionnel, report des prochaines élections régionales et départementales.
L'article 1er dessine la carte des nouvelles quatorze régions issues de la fusion des régions existantes. Elle repose sur le principe de non-démembrement des régions existantes : aucun département ne peut être séparé de sa région actuelle, les régions étant fusionnées par bloc. Six régions conservent leur périmètre : Aquitaine, Bretagne, Île-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Pays-de-la-Loire, Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Les quinze autres font l'objet de regroupements avec, pour une minorité d'entre elles, des difficultés : le Poitou-Charentes et le Limousin devraient rejoindre la région Centre mais des revendications se font entendre pour un rattachement à l'Aquitaine ; les Pays-de-la-Loire souhaitent être rattachés à la Bretagne, alors que des élus réclament une fusion de leur collectivité avec la région Centre pour former la région Val-de-Loire ; il a enfin été proposé que la Picardie et la Champagne-Ardenne soient fusionnées avec le Nord-Pas-de-Calais ou avec la Normandie.
L'article 2 prévoit la fixation provisoire du chef-lieu des nouvelles régions par décret pris avant le 31 décembre 2015. Le choix des nouvelles capitales régionales s'effectuerait après consultation du conseil municipal de la commune retenue pour être le siège du nouveau conseil régional, et des conseils régionaux inclus dans la nouvelle région. Dans un deuxième temps, le chef-lieu serait définitivement fixé par un décret en Conseil d'État pris avant le 1er juillet 2016. L'article 3 abroge certaines dispositions rendues inutiles par la nouvelle carte, en particulier la possibilité de fusionner deux régions, tandis que l'article 4 fixe au 1er janvier 2016 la date d'entrée en vigueur de la nouvelle carte.
Le deuxième volet du texte concerne les ajustements pour les élections régionales. Il ne modifie aucunement le mode de scrutin pour l'élection des conseillers régionaux, tel qu'il résulte de la loi du 11 avril 2003. Les conseillers régionaux restent élus par région avec une obligation de présentation de candidatures par section départementale - c'est l'objet de l'article 5. Seul le nombre de conseillers régionaux et de candidats est modifié, pour prendre en compte la nouvelle carte régionale, selon deux règles : l'effectif des conseils régionaux résulterait de l'addition de ceux des anciens conseils régionaux, avec un plafonnement à 150 membres. L'Île-de-France et l'Auvergne-Rhône-Alpes perdraient respectivement 59 et 54 élus. Le nombre de candidatures par département serait actualisé en fonction du dernier recensement de population. Pour assurer un siège à chaque département, ce qui n'est totalement pas garanti par le mode de scrutin existant, il est prévu que si un département n'obtenait pas de conseiller régional après la répartition des sièges, la liste arrivée en tête lui en rétrocéderait un.
Cette solution diffère de celle adoptée à l'unanimité par le Sénat, le 15 mai 2013, dans la discussion de la proposition de loi de M. Alain Bertrand, du groupe RDSE. Nous avions alors choisi d'assurer trois sièges par département et, surtout, d'ajouter ces élus supplémentaires à l'effectif normal. Cela évitait de prélever des élus sur une section départementale pour en satisfaire une autre, au risque de créer des dissensions inutiles entre départements. Je vous proposerai un amendement pour réaffirmer la position du Sénat.
Le troisième volet concerne le remplacement des conseillers départementaux. L'article 15 de la loi du 17 mai 2013 prévoyait qu'en cas d'impossibilité de remplacer un seul des deux sièges du binôme départemental, celui-là resterait vacant jusqu'au prochain renouvellement intégral du conseil départemental. Cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 mai 2013, au motif qu'elle pourrait remettre en cause l'exercice de la libre administration des collectivités territoriales par des conseils élus puisqu'ainsi, plusieurs sièges pourraient rester vacants pendant toute la durée du mandat. En d'autres termes, ces vacances pourraient affecter le fonctionnement normal du conseil départemental.
L'article 9 du projet de loi prévoit en conséquence d'organiser des élections partielles en cas de vacance d'un seul siège ou des deux sièges du même canton. Lorsque l'élection partielle ne concernerait qu'un conseiller, le candidat comme son remplaçant pourraient être du même sexe ou de sexe différent de l'élu sortant. La liberté de candidature est ainsi respectée. Lorsque les deux sièges seraient vacants, l'élection partielle au scrutin binominal majoritaire devrait être organisée dans les trois mois suivant les deux vacances, lorsqu'elles seraient simultanées, et dans les trois mois suivant la dernière vacance si elles sont successives. Dans ce cas, l'élection aurait lieu dans les conditions de droit commun. L'article 10 adapte les règles du contentieux électoral aux cas des élections partielles et l'article 11 en fixe l'entrée en vigueur.
Le dernier volet concerne le report des élections et la fin des mandats. L'article 12 opère plusieurs modifications : en raison du redécoupage de la carte régionale, les élections régionales sont reportées de mars 2015 à décembre 2015 ; pour maintenir la concomitance prévue par la loi du 17 mai 2013, les élections départementales et celles en Corse, en Guyane, en Martinique et à Mayotte, seraient également reportées de mars 2015 à décembre 2015 ; le mandat des conseillers régionaux et départementaux prendrait fin en mars 2020. Tout cela reste dans les bornes fixées par la jurisprudence constitutionnelle.
Deux modifications concernent la métropole de Lyon. La première l'érige en section départementale pour l'élection des conseillers régionaux ; la seconde met fin, par anticipation, aux mandats des conseillers généraux du Rhône sur le territoire de la métropole de Lyon. Cette solution est inédite mais répond, semble-t-il, à un souhait local.
Je me suis efforcé, dans les délais très brefs qui m'étaient impartis, d'entendre l'ensemble des associations nationales d'élus et de recueillir par courrier l'avis de chacun des présidents de conseils généraux et de conseils régionaux sur ce projet de loi qui va affecter notre organisation territoriale pour plusieurs décennies.
J'ai tenté - exercice difficile - d'aller vers une carte idéale, tout en prenant en compte les réalités des territoires. La carte parfaite n'existe pas ; nos choix en satisferont certains, en mécontenteront d'autres. Mais nos travaux doivent être guidés par la recherche d'une action publique locale plus efficace, qui réponde aux attentes de nos concitoyens.
J'entends les critiques de certains d'entre vous. Certains des experts que nous avons entendus nous ont indiqué que la plupart de nos régions s'inscrivent dans la moyenne européenne, en termes de densité, de PIB, de superficie. Mais devons-nous nous contenter d'une simple moyenne ? Je crois qu'il faut chercher à nous hisser parmi les premiers.
J'entends aussi ceux qui estiment - et je suis d'accord avec eux - que la puissance est déterminée surtout par les compétences exercées et les ressources dont on dispose pour les assumer. Ce projet de loi est accompagné d'un second, portant nouvelle organisation territoriale de la République. René Vandierendonck a été nommé rapporteur de ce texte par la commission de lois ; je ne doute pas que son pragmatisme et sa connaissance du terrain nous conduiront à adopter une loi qui donnera à nos régions la puissance dont elles ont besoin. Nous travaillerons également, à l'occasion du prochain projet de loi de finances, à une réforme de la fiscalité locale.
J'ai déposé un nombre limité d'amendements afin que nous puissions avoir un débat constructif, et démontrer que nous sommes capables d'appliquer les conclusions du rapport de MM. Krattinger et Raffarin. J'attire votre attention sur deux amendements : à l'article 3, je vous proposerai d'assouplir les possibilités d'évolution des limites des régions et des départements en supprimant la condition obligatoire de référendum local.