Intervention de Roger Karoutchi

Commission spéciale sur la délimitation des régions — Réunion du 26 juin 2014 : 1ère réunion
Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Roger KaroutchiRoger Karoutchi :

Après ce réquisitoire, est-il encore utile d'intervenir pour montrer que ce projet est infondé ? J'ai toujours défendu la réalité régionale, mais on ne peut avoir de grandes régions que si l'on maintient la force de proximité du département. Ici, on veut faire l'inverse, ce qui est absurde, aberrant, dangereux. On reprochera une fois de plus au Sénat d'avoir fait preuve d'immobilisme, comme si le mouvement brownien qui s'est emparé du Gouvernement lui conférait une légitimité.

L'Île-de-France, avec 12 millions d'habitants, n'est pas touchée, mais vous mettez l'Eure-et-Loir et le Loiret avec la Corrèze : c'est d'une logique implacable ! Il est absurde de faire passer ce texte avant le second : le découpage régional doit suivre, et non précéder, la définition des compétences. Le département d'Eure-et-Loir a une logique de transports publics par rapport à l'Île-de France : 27 % de ses déplacements quotidiens vont vers l'Île-de-France ; entre l'Eure-et-Loir et la Corrèze, ils sont proches de 0 %.

Quant au développement économique, les intérêts convergents de l'Île-de-France, du Loiret, de l'Oise et de l'Eure-et-Loir représentent plus de 35 % des investissements de l'ensemble des entreprises de ces départements. Si vous cherchez la même logique économique avec la Corrèze, le résultat sera inférieur à 1 %.

En fait de grandes régions, on nous présente des monstres illusoires, sans logique ni unité économique, sans cohérence quant à leur démographie, à leurs transports, à leurs logements... Si vous tuez les régions actuelles, quelle légitimité auront les nouvelles ? Elles seront contestées en permanence. Dans une période où les hommes politiques de droite comme de gauche se voient reprocher par la population d'être coupés du terrain, vous vous apprêtez à faire preuve d'une totale méconnaissance de ses réalités.

Si vous n'ouvrez pas le dialogue, les régions demanderont leur libération de ce carcan au premier renversement politique : vous aurez fait une réforme pour quelques mois. Si les départements disparaissent et que les régions perdent leur légitimité, on en viendra finalement à une recentralisation rampante...

Quant au changement de calendrier qui repousserait les élections à décembre 2015, il ne changera rien à l'évolution des états d'esprit et des réalités régionales ou départementales. L'Île-de-France compte 12 millions d'habitants : quel sens y a-t-il à réduire ses conseillers régionaux de 209 à 150, soit à un élu pour 80 000 habitants ? Vous nous expliquiez en 2010 qu'un conseiller territorial pour 40 000 habitants était insuffisant.

Dans cette inversion des logiques entre compétences et découpage, vous tuez les régions. C'est beaucoup de bruit pour un bouleversement qui sera remis en cause sous deux ans. Je m'y oppose naturellement.

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