Je vous remercie Madame la présidente. Je vais vous exposer le préalable de nos travaux, Martin Malvy vous présentera ensuite leur contenu, puis je terminerai sur quelques outils auxquels nous avons pensé et sur lesquels nous aimerions recueillir votre point de vue.
Nous sommes partis du constat que vous venez de rappeler, et qui est double : d'une part, la dégradation des finances publiques de la France, avec un déficit public systématique depuis quatre décennies et une dette proche des 2 milliards d'euros, ce qui représente 30 000 € par habitant et, d'autre part, l'attachement de nos concitoyens au maintien d'un service public de qualité.
Pour élaborer nos analyses et nos propositions, nous avons rencontré près de 250 personnes, nous nous sommes appuyés sur une comparaison internationale et nous avons étudié plus en détail un certain nombre d'enjeux spécifiques, tels que les aides économiques, la problématique des personnes âgées, les transports, la culture et les ressources humaines.
En fonction de ces entretiens et de ces analyses préalables, nous avons articulé notre démarche en trois temps : la restauration préalable de la confiance, la conclusion d'un nouveau « deal territorial » pour clarifier les rôles, et le besoin d'outils individuels et collectifs pour maîtriser les finances publiques. Je vais évoquer le premier de ces points.
La restauration de la confiance nous est apparue en effet comme un préalable indispensable à un nouveau départ. Tout d'abord, nous avons dû faire le constat de la défiance qui s'est peu à peu instaurée entre l'État et les collectivités territoriales. Les deux partenaires, au fond, se connaissent mal. Il est évident que les administrations centrales de l'État connaissent mal la réalité locale. Par ailleurs, il faut bien faire le constat de ce que chacun tient un double discours : l'État veut réaliser des économies mais sollicite financièrement les collectivités pour investir et financer de multiples actions, et les collectivités demandent l'intervention de l'État, par exemple pour faire face au problème des emprunts toxiques, ou s'étonnent au contraire de son retrait dans des secteurs qui pourraient être décentralisés.
La défiance est aussi entretenue par le fait que l'État territorial s'affaiblit sans que ce processus ait été accompagné d'une clarification de son rôle au regard de celui des collectivités, ce qui a contribué à déstabiliser la relation entre les deux partenaires.
La prégnance du flux et du stock de normes étatiques asphyxiantes et des décisions gouvernementales peu ou pas concertées est la troisième cause du climat de défiance dont nous avons fait le constat. Je rappelle à cet égard que les coûts associés à la réforme des rythmes scolaires représentent une dépense de 600 millions d'euros pour les communes au titre des activités périscolaires et de 60 millions d'euros pour les départements au titre des transports scolaires, en année pleine. Autre exemple, la revalorisation du point d'indice de 1 % pour tous les fonctionnaires territoriaux a un impact de près de 547 millions d'euros sur les collectivités. Je mentionne pour mémoire le coût résultant des dépenses engagées pour faciliter le passage des tritons ou des crapauds sous la voirie... Toutes ces obligations d'origine étatique sont rédigées jusqu'à un niveau de détail qui interdit toute application intelligente.
Dans ces conditions, l'instauration de la confiance suppose que les responsabilités respectives de l'État et des collectivités territoriales soient clairement identifiées en fonction d'un principe : qui décide paye.
Dans cette perspective, il s'agit en particulier de reconnaître le rôle des collectivités territoriales dans la modernisation des services publics. Aujourd'hui, l'action publique repose en partie sur les collectivités. Celles-ci doivent trouver toute leur place dans la gouvernance des politiques publiques. Il faut, par ailleurs, associer les collectivités territoriales aux décisions qui les concernent. De ce point de vue, les multiples lieux d'échange qui permettent d'aborder telle ou telle thématique entre l'État et les collectivités territoriales ne sont pas des lieux de gouvernance partagée, et la discussion intervient trop souvent en aval de la décision. Il faut, enfin, alléger les contraintes normatives qui pèsent sur les collectivités territoriales. Celles-ci, comme d'autres acteurs économiques, demandent des normes moins nombreuses et plus stables afin d'agir plus vite aux services des Français et de diminuer les coûts.
C'est pourquoi la mission a proposé de refonder une gouvernance aujourd'hui inexistante, en créant « dialogue national des territoires », instance devant constituer un espace de travail régulier entre responsables politiques de l'État et des collectivités territoriales. Les réunions de cette instance seraient préparées par des discussions entre administrations. En vue du même objectif, il s'agirait, deuxièmement, de partager les données et les analyses au sein d'un observatoire des collectivités territoriales qui réunirait les associations d'élus et les principales administrations de l'État, afin de nourrir le dialogue entre l'État et les collectivités. Aujourd'hui, ce partage n'existe pas.
Une seconde proposition consiste à limiter le niveau de détail des lois et des prescriptions réglementaires. Dans cet esprit, il s'agirait de laisser plus d'initiative aux collectivités afin de conforter la responsabilité des acteurs locaux et de donner tout son sens au caractère décentralisé de l'organisation des pouvoirs publics. Cela ne suppose pas une réforme de la Constitution, mais implique que l'État accepte de légiférer moins et de façon différente, en adoptant des lois et des textes réglementaires fixant uniquement des objectifs et laissant les moyens à l'appréciation des collectivités responsables. Ainsi seraient conciliées l'universalité de la norme et son adéquation aux territoires, sans pour autant aller jusqu'au pouvoir réglementaire autonome.
Il faut enfin mieux mesurer l'impact financier des nouvelles normes sur les collectivités, en amont de la prise de décision. Pour cela, il s'agirait de communiquer en amont, selon une procédure formalisée, les projets de textes ayant un impact sur les collectivités, de prévoir la saisine des instances d'évaluation avant la finalisation des textes, et d'assurer une représentation collégiale des employeurs publics lors des discussions en matière salariale et de ressources humaines ayant un impact sur l'ensemble des fonctions publiques.
Telles sont les conditions de la confiance. Martin Malvy va maintenant vous parler des perspectives pour chaque échelon territorial.