Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 2 juillet 2014 à 15h00
Projet de loi relatif à la délimitation des régions aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral — Adoption d'une motion référendaire

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette motion, sur laquelle nous aurons à nous prononcer à l’issue de nos débats, tend en effet à « proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi relatif à la délimitation de régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. »

Nous avons conscience qu’il s’agit d’un acte grave, mais vu l’enjeu de la réforme proposée et le caractère peu probant des arguments censés la justifier, voire l’absence d’arguments, quoi de plus normal que de demander aux premiers concernés, à savoir les Français, de trancher ?

Si le Gouvernement se trompe, et avec lui les oracles et experts qui n’ont pas vu venir la crise et ne savent toujours pas comment nous en sortir, qui paiera au final les pots cassés, sinon les Français ?

L’exposé des motifs du projet de loi en question commence ainsi : « Le présent projet de loi se fonde sur la nécessité d’améliorer la gouvernance territoriale ainsi que l’efficacité et l’efficience des politiques publiques mises en œuvre dans les territoires. Cette volonté se traduit par un renforcement de l’échelon régional en clarifiant les compétences des régions mais aussi en donnant à ces dernières une taille critique sur le plan géographique, démographique et économique. Ainsi ce projet de loi redéfinit la délimitation des régions actuelles et en tire les conséquences sur le plan électoral. »

Selon l’étude d’impact, « ce texte traduit l’engagement du Président de la République à l’occasion de sa conférence de presse du 14 janvier, que le Premier ministre a précisé lors de sa déclaration de politique générale du 8 avril dernier : un redressement appuyé sur une réforme structurelle renforçant l’efficacité de l’action des collectivités territoriales. »

L’étude précise que « plusieurs régions seront fusionnées pour mieux coordonner les politiques publiques menées au niveau territorial, dans le respect des modes de scrutin en vigueur et de la sincérité des scrutins ». C’est bien la moindre des choses !

On peut y lire également que « le Gouvernement propose de renforcer les compétences stratégiques des régions, que ce soit en termes de planification et d’aménagement de l’espace ou de développement économique ». Il s’agit d’en faire « l’un des principaux outils budgétaires pour aménager les territoires, accroître la compétitivité et renforcer la cohésion sociale ».

Pour exercer ces compétences accrues de façon efficace et pouvoir se comparer avec les échelons administratifs de nos voisins européens, il conviendra d’atteindre, nous dit-on, « une taille régionale critique suffisante. »

Première remarque : j’aimerais savoir quelles études, quels travaux, garantissent que la suppression du département et le renforcement de l’échelon régional rendra notre gouvernance territoriale plus efficiente ? Mis à part des arguments d’autorité –- Balladur dixit, Attali dixit –, aucune preuve, aucun fait !

Autorité pour autorité, je préfère celle de Jean-Pierre Chevènement, à qui l’on doit une réforme qui, elle, a transformé positivement notre pays. Permettez-moi de citer les propos qu’il a tenus il n’y a pas si longtemps devant les représentants de l’Association des maires ruraux : « La critique du “millefeuille” ne tient pas compte d’un fait pourtant essentiel : dans tous les pays d’Europe, il y a au moins trois niveaux d’administration. Partout, la commune, ensuite le département – provinces en Italie et en Espagne, Bezirke et Kreise en Allemagne –, enfin la région, dont la consistance est variable selon les pays : les vingt-deux régions françaises se rapprochent des vingt-huit counties d’Angleterre et des vingt régions italiennes ; les seize Länder allemands et les dix-sept communautés autonomes espagnoles ont une consistance historique, identitaire et pratique plus forte. Chaque pays a son histoire, qu’on ne peut violenter sans porter atteinte à l’exercice même de la démocratie. Celle-ci va partout de pair avec le sentiment d’appartenance. Car, et c’est le point essentiel, seul le sentiment d’appartenance peut faire accepter aux minorités la loi de la majorité. »

Nous touchons là à un enjeu essentiel, pourtant ignoré par le Conseil constitutionnel : l’enjeu démocratique et politique, que la sous-représentation encore plus évidente des départements ruraux dans les nouvelles régions ne fait que souligner.

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