… cette dernière proposition correspondant également à la position de la commission spéciale ? Pourquoi ne pas réunir la région Franche-Comté avec l’Alsace et la Lorraine, ce qui aurait pour avantage de mettre en valeur l’axe Rhin-Rhône et une cohérence historique ancienne ?
Je pourrais continuer longtemps, mais je ne le ferai pas, ne doutant pas que les choix qui ont été faits procèdent d’une étude approfondie, historique, culturelle et économique, notamment en termes d’infrastructures et de transports. Dommage que celle-ci ne soit pas jointe au projet de loi… Les habitants du Cantal auraient alors certainement découvert comment se rendre facilement à Lyon, leur nouveau chef-lieu régional.
Le seul argument de l’étude d’impact, c’est que les autres pays européens ont déjà fait ce que nous nous apprêtons à faire. Cependant, outre que le territoire français est plus vaste que celui de l’Allemagne, de l’Italie ou de l’Espagne, j’observe que la Révolution française est une spécialité française, que la France est une « République indivisible », comme le dit la Constitution, et qu’il s’agit d’un État unitaire et non pas d’un État fédéral. Détail fâcheux, pour qui rêve d’une Europe des Länder, mais dont il faudra bien tenir compte !
Évoquant la réforme régionale italienne de 2001, l’étude d’impact relève que « ces grands ensembles démographiques et géographiques dotés d’une identité historique forte bénéficient désormais d’importantes ressources financières péréquatrices, de très larges compétences et d’un pouvoir normatif propres à assurer leur libre administration ».
Fort bien, mais quelle est donc « l’identité historique forte », je ne dis pas du « Poichenli », mais des nouvelles régions proposées ? Là où cette identité commence à exister, c’est que trente ans de vie commune, comme en Provence-Alpes-Côte d’Azur ou en Languedoc-Roussillon, l’ont forgée.
Où sont par ailleurs, dans le projet de loi, les « importantes ressources financières péréquatrices dont vont bénéficier les nouvelles régions » ? Où sont les « très larges compétences et le pouvoir normatif » ?
On nous présente aussi comme vérité d’évidence le fait que les mailles territoriales de base de la reconstruction du territoire national doivent avoir une « taille critique sur le plan géographique, démographique et économique ».
Ainsi l’étude d’impact retient-elle que « la population moyenne des régions françaises, Île-de-France comprise, s’élève à 2, 9 millions d’habitants, contre 5, 1 millions d’habitants en moyenne dans les Länder allemands ».
Mais les Länder allemands ont des tailles très disparates ! La Bavière, le plus grand, a une population de 12, 5 millions d’habitants et un PIB de 446 milliards d’euros. Le Land de Brême, le plus petit, compte 600 000 habitants pour un PIB de 28 milliards d’euros, soit seize fois moins. Une telle disparité est inconnue en France ! La Thuringe compte 2, 8 millions d’habitant pour un PIB de 48 milliards d’euros. Le Land de Hambourg a 1, 7 million d’habitants, mais 94 milliards d’euros de PIB, etc. On trouve toutes les tailles et tous les potentiels économiques. .
Visiblement, le succès économique allemand n’est pas lié à une quelconque « taille critique » des collectivités territoriales.
On pourrait aussi s’arrêter sur le niveau d’endettement de ces collectivités allemandes, souvent largement plus calamiteux que celui de nos propres collectivités, ainsi que sur leur faible niveau d’investissement.
En 2011, par exemple, selon les chiffres de la Commission européenne, l’investissement public allemand représentait 1, 6 % du PIB contre 3, 1 % en France, où les trois quarts de cet investissement sont réalisés par les collectivités territoriales.
Et que nous dit l’étude d’impact sur l’effet de la réforme sur l’investissement public ? Rien ! Quel sera l’impact de tous ces bouleversements sur la vie économique régionale et nationale ? Quel sera-t-il en termes d’emploi, non pas à l’horizon 2025, mais dans les mois qui viennent ? Toujours rien !
Cela m’amène au fond de notre affaire, le véritable objet de ce projet de loi, qui, à lui seul, demanderait une étude d’impact approfondie.
Le véritable but de la réforme, chacun l’aura compris, n’est qu’accessoirement l’amélioration du fonctionnement de nos institutions territoriales : c’est – le mot est dans l’étude d’impact – le « redressement » ; sous-entendu : du pays. Autrement dit, une fois de plus, il s’agit de ramener le déficit budgétaire de l’État et la dette publique aux 3 % et 60 % de Maastricht.
Ma troisième remarque est donc la suivante : quelle est la relation de cause à effet entre la création du « Poichenli », la fusion Languedoc-Roussillon-Midi Pyrénées et le redressement des finances de la France ? On aimerait connaître les chaînons manquants entre la cause et l’effet.