J’arrête tout de suite ceux qui verraient encore dans cette procédure l’ombre du bonapartisme ou du césarisme qui, un temps, avait fait du référendum le véritable plébiscite d’un individu, ce qui a retardé l’accommodation de cette procédure dans notre pays.
C'est un constat, le référendum est le parent pauvre de notre droit constitutionnel. Il doit sortir de l’ambiguïté qui est la sienne depuis toujours pour recouvrer son aura de symbole du lien inextricable des représentants de la nation avec le peuple tout entier.
Aux termes de l’article 3 de la Constitution, « la souveraineté appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » Aujourd’hui, l’article 11 et le référendum d’initiative partagée nous offrent l’occasion de donner voix à la souveraineté du peuple.
Condorcet justifiait le référendum d’initiative populaire par l’idée que tout citoyen est capable de décider « de ce qui intéresse immédiatement le maintien de la liberté, de la sûreté, de la propriété ; objets sur lesquels un intérêt personnel direct peut suffisamment éclairer tous les esprits ». Je ferai miens les mots de notre ancien collègue Robert Badinter : « Aussi longtemps que les libertés seront vivantes dans le cœur des citoyens, la liberté n’a rien à craindre dans la cité ; c’est en enracinant le respect des libertés dans le cœur des citoyens que l’on fortifie la liberté et la démocratie. »
Mes chers collègues, mon groupe critique surtout la méthode qui a été jusque-là celle du Gouvernement : l’engagement de la procédure accélérée, en dépit de tout bon sens et au nom de considérations parfois bassement électoralistes, le calendrier prétendument serré, le refus d’écouter et d’entendre les remarques des élus locaux, la bataille médiatique dans laquelle le Gouvernement s’est engagé et qu’il est pourtant en passe de perdre et, enfin, l’étude d’impact, qui aurait pu être un véritable outil d’aide à la décision, débouchant sur une véritable concertation, mais qui est bâclée au point qu’elle s’apparente plutôt à une paraphrase quelque peu bavarde de l’exposé des motifs.
Nous ne mesurons pas encore le poids du chèque en blanc que le Conseil constitutionnel vient de signer au bénéfice de tous les gouvernements – je parle de ceux qui viendront après –, en permettant que l’étude d’impact ne soit qu’une formalité parmi d’autres. En tout cas, le montant sera élevé ! Ce sont des années d’efforts pour tendre vers une meilleure qualité de la loi qui se trouvent anéanties ! L’occasion était belle ; elle a été manquée.
Monsieur le ministre, la méthode que vous avez employée n’est pas la bonne. L’avenir de la France vous dépasse, comme il dépasse aussi bien les querelles partisanes que les considérations électoralistes. Le référendum doit pouvoir permettre de dégager un consensus. Je reprendrai une phrase de Montesquieu, qui avait été citée par notre actuel Premier ministre quand il n’était encore que député : « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. [...] Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »
Vous nous dites que le temps de la réflexion est déjà passé et que de nombreux rapports, depuis des années, ont préconisé cette réforme. Je vous affirme, au contraire, que nous devons prendre le temps de la réflexion si nous voulons aujourd’hui engager une réforme qui vienne en aide à nos territoires.
N’avez-vous donc aucune crainte que cette réforme des territoires, imposée d’en haut, ne vienne renforcer le sentiment d’incompréhension et d’abandon de nombre de nos concitoyens ? Dans la région que j’ai l’honneur de présider, le Languedoc-Roussillon, les conseillers régionaux ont adopté à deux reprises une motion contre la fusion de leur région avec Midi-Pyrénées, prévue dans le projet de loi initial. Cette motion a été votée à la quasi-unanimité : par soixante-cinq voix contre une.
Cette préoccupation a été relayée par l’opinion publique puisque quelque 4 000 personnes ont déjà signé le manifeste mis en ligne sur le site du conseil régional, intitulé « Languedoc-Roussillon, notre avenir commun ». Dans le texte de la pétition, il est indiqué : « La réforme ne doit pas se résumer à des calculs arithmétiques et faire l’économie d’un débat de fond. […] Le Languedoc-Roussillon, dans son intégralité, a toute sa place sur la future carte de France. »
Ce n’est d’ailleurs pas la seule région à avoir vu poindre les manifestations d’inquiétudes, de la part des élus comme des citoyens. L’Auvergne, l’Aquitaine, le Nord-Pas-de-Calais et d’autres ont entrepris la même démarche.
Vous nous dites, monsieur le ministre, que la réforme a un triple objectif : clarté, compétitivité, proximité.
La clarté, nous ne la voyons nulle part.