Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 2 juillet 2014 à 15h00
Projet de loi relatif à la délimitation des régions aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral — Adoption d'une motion référendaire

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Je considère en tout cas que cette réforme n’est pas tenable parce que ses auteurs raisonnent sur de vieux schémas. Aujourd'hui, une réforme utile consisterait à mettre en réseau les collectivités, à les articuler entre elles. C’est là, à mon avis, la vraie force d’une action territoriale. En tant qu’élus locaux, nous le savons bien : lorsque nous parvenons à faire des clusters en termes territoriaux, je puis vous assurer que nous avançons, quels que soient les échelons.

Encore faudrait-il partir avec un certain nombre d’objectifs clairs qui ne soient ni liés à des calendriers électoraux ni dictés par tel ou tel baron, par tel ou tel « éléphant ». Les objectifs doivent être de répondre aux défis qui sont devant nous et qui caractérisent nos territoires. Pour ma part, j’en vois au moins trois.

Tout d'abord, les territoires, et pas seulement métropolitains, sont des réserves d’énergie. Croyez-moi, les territoires sont des facteurs de compétitivité ! Que prévoit le texte à cet égard ?

Ensuite, on ne peut pas laisser la France avec sa fracture territoriale – j’ai déjà cité Christophe Guilluy. On ne peut avoir le Grand Paris pour unique vision de l’aménagement du territoire ; pardon, cher Philippe Dallier ! §Nous ne pouvons pas en rester là ! Où est, chère collègue Anne-Marie Escoffier, la vision de l’aménagement du territoire destinée à lutter contre les fractures territoriales ?

Notre société est de plus en plus ouverte, complexe, collaborative ; elle exige assurément des réseaux, je puis en témoigner, moi qui suis passionné par le numérique. Mais c’est moins la taille que l’agilité qui compte, monsieur le ministre. C’est de cette façon que l’on parviendra à redresser la France, pas en opérant des sortes de remembrements à partir de cartes, comme d’autres ont pu tracer des frontières à la fin du XIXe siècle en Afrique.

Ce n’est pas tolérable, cela ne correspond pas à une vision moderne des choses. Nous sommes favorables à de grandes régions, bien sûr. Mais, comme le soulignait Yves Krattinger hier en commission spéciale, vous faites des régions des superdépartements ! En transférant le transport scolaire aux régions, vous allez leur mettre des semelles de plomb ! Ce n’est pas leur boulot ! De grandes régions ne doivent pas se concevoir comme de superdépartements ! §

Vous pouvez bien sûr effacer les départements là où il existe des métropoles. Vous pouvez même en fusionner. Pourquoi pas ? Mais les départements sont essentiels pour garantir une cohésion à la fois territoriale et sociale.

Quant aux intercommunalités, il est question d’un seuil de 20 000 habitants. Où sont vos convictions humanistes ? Vous vous réfugiez derrière la loi du nombre, mais la réforme territoriale ne doit-elle pas avoir un visage humain ? §

Il me faut maintenant conclure. §

Cette réforme n’est pas à la hauteur des vrais enjeux de nos territoires. Elle n’est pas non plus à la hauteur de la France. Nous observons partout en France des mouvements d’opposition qui se lèvent contre ces mariages forcés, contre ces célibats autorisés, contre ces divorces programmés.

Bien sûr, le groupe UMP votera cette motion référendaire. Nous la voterons parce que la réforme qui nous est proposée va profondément bouleverser l’organisation territoriale française, et donc celle des pouvoirs publics. Nous la voterons sur la base d’un certain nombre d’arguments, cher président Bel, que vous n’aviez pas manqué d’avancer voilà quelques années.

Par ailleurs, monsieur le ministre – et j’en appelle à votre sens de l’État, à votre sens de l’intérêt général, dont je ne doute pas un seul instant –, un parti minoritaire, contre ses alliés de gauche, contre de grandes voix autorisées en son sein même, contre le Sénat qui est la chambre par excellence des territoires, peut-il bouleverser à ce point la France, avec une méthode aussi brutale et dans l’impréparation ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion