Je crains, comme, je crois, un grand nombre de collègues, que, à la conception vivante de la décentralisation que nous connaissons et que nous avons tous contribué à mettre en œuvre depuis 1982, ne se substitue une conception beaucoup plus technocratique, bureaucratique et recentralisatrice de notre organisation administrative.
La majorité socialiste a choisi deux niveaux importants d’administration pour notre organisation de demain : l’intercommunalité et la région. Je crains d’abord que l’intercommunalité ne puisse prospérer qu’au détriment de la marginalisation – j’aurais pu parler de dévitalisation – de la commune. Je crains également que les régions ne puissent prospérer qu’au prix de la mise à l’écart – pour ne pas parler de la disparition ou de la mort – de nos départements.
Déjà, en lisant la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles adoptée récemment, on se rend compte que le système intermédiaire du fléchage pour désigner les conseillers communautaires ne survivra pas à l’élection de 2014 et que, dès 2020, nous aurons un système d’élection à un suffrage universel totalement direct, une représentation proportionnelle étendue à l’ensemble de l’intercommunalité.
Nous inaugurerons bientôt ce que j’appelle les « maires gagnants-perdants » : des maires réélus au sein de leur commune mais qui ne seront pas inscrits sur la bonne liste à l’échelon de l’intercommunalité risqueront de voir figurer parmi les élus de l’intercommunalité celui qu’ils ont battu ! Ils exerceront donc des pouvoirs dérisoires par rapport à ceux de leur adversaire qui aura été sanctionné par le suffrage universel local ! On « dérangera » un peu, pendant quelques années, le suffrage universel et ces maires n’auront plus le pouvoir que – pardonnez-moi la familiarité de l’expression – d’inaugurer les chrysanthèmes ! Et on supprimera ensuite la commune de base parce qu’on n’en verra plus l’utilité. §