Le présent projet de loi va de pair avec le second qui nous sera présenté ultérieurement. Ensemble, ils se résument à deux choses : créer de grandes régions en supprimant les départements et créer de grandes intercommunalités en supprimant les communes.
Pour tous les praticiens de la vie politique locale, qui connaissent le terrain, il est complètement farfelu de vouloir supprimer les communes rurales au profit d’intercommunalités de 30 000, 40 000, 50 000, 60 000 habitants. On peut créer des communautés d’agglomération de 100 000, 200 000, 400 000 habitants : cela ne pose pas de problème, puisqu’il s’agit de zones urbaines. En revanche, créer en zone rurale des intercommunalités tentaculaires qui s’étendent sur quarante ou cinquante kilomètres et comptent 30 000 ou 40 000 habitants, tout en supprimant les échelons inférieurs que sont les communes, c’est véritablement de la folie !
Le même raisonnement s’applique pour les régions. On peut peut-être supprimer les départements, mais alors il faut de petites régions. Si on crée de grandes régions, il faut conserver l’échelon intermédiaire qu’est le département.
On nous dit qu’il faut des régions de taille européenne. D'abord, l’Europe vaut ce qu’elle vaut. Il n’y a pas très longtemps, les Français ont assez clairement exprimé ce qu’ils en pensaient. Or je suis étonné que le Gouvernement n’en tienne pas compte. On peut toujours hurler contre les populismes, etc., mais les élections sont les élections. Pour ma part, je trouve que les Français ont très bien voté. Ils ont indiqué ce qu’ils pensaient d’un certain nombre de partis politiques, de droite comme de gauche. Les derniers événements, qu’ils concernent la droite ou la gauche, ne les inciteraient sans doute pas à modifier le sens de leur vote s’il y avait de nouvelles élections.
L’argument de la taille européenne ne veut rien dire. Les régions sont faites pour administrer la France, et non pour former des mastodontes à l’échelle européenne. Ce raisonnement est très dangereux : on disloque la notion d’État, les nations au profit de l’Europe. Plus on créera de grandes régions, plus on aura tendance à disloquer l’unité nationale. On voit déjà ce qui se passe en Espagne, en Belgique, ou encore en Grande-Bretagne, avec l’Écosse. C’est jouer avec le feu que de vouloir entrer dans cette logique européenne qui conduit à dissoudre petit à petit les nations, je le répète. C’est l’une des raisons pour lesquelles le choix de créer de grandes régions concentrant les attributions des régions et des départements actuels me paraît hautement regrettable.
Pour ma part, j’admettrais que, dans le souci de réduire le millefeuille territorial, on crée une dizaine de grandes régions en maintenant parallèlement les départements, quitte à réduire leur nombre à cinquante ou soixante, comme le proposait Michel Debré en 1957. On aurait ainsi des départements forts, avec au-dessus des régions qui s’occuperaient de la prospective, de la réflexion ; cela pourrait se concevoir.
Cependant, quelle que soit la solution retenue, la décision doit être prise dans la clarté et dans la démocratie. Or il n’est pas démocratique qu’une majorité qui n’a rien fait depuis deux ans qu’elle est au pouvoir décide soudainement qu’il est urgent de faire quelque chose. S’il y avait vraiment urgence, il fallait agir tout de suite après les élections présidentielle et législatives. Le problème n’est tout de même pas apparu comme un coup de fusil… On a l’impression que le pouvoir veut faire n’importe quoi n’importe comment, à la va-vite, à la hâte, parce que les électeurs l’ont massivement désavoué.
Je soutiens totalement la logique de la motion référendaire. Il vaudrait mieux discuter paisiblement, se donner quelques mois pour réfléchir à ce qu’il fallait faire, sans se contenter de l’avis des présidents de conseil régional. En effet, les uns ne veulent qu’une chose, c’est que la nouvelle configuration géographique préserve leurs chances d’être réélus présidents, tandis que les autres, qui savent qu’ils ont fort peu de chances d’être réélus présidents, ont pour principal souci de faire plaisir au pouvoir en place, qu’ils ont soutenu.
Pour toutes ces raisons, je voterai la motion référendaire, dont l’adoption nous permettrait de réfléchir davantage.