Intervention de André Gattolin

Réunion du 7 juillet 2014 à 16h00
Loi de finances rectificative pour 2014 — Discussion d'un projet de loi

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà donc que nous renouons avec cette tradition d’un collectif budgétaire au solstice d’été. Les gouvernements du précédent quinquennat en avaient tant usé que nous avions été presque été surpris, l’an passé, de ne pas avoir été gratifiés de cet exercice.

Un projet de loi de finances rectificative a généralement pour objet de corriger les prévisions de la loi de finances initiale ou encore – sans que cela soit exclusif – d’infléchir sensiblement la politique budgétaire en cours d’exercice.

Si l’on en croit l’exposé des motifs de ce projet de loi de finances rectificative, c’est plutôt le second objectif qui est recherché ici, avec cette particularité que l’inflexion proposée relève plus d’un changement de vitesse que de direction.

Le Président de la République et le Premier ministre l’ont expliqué sans relâche, le pacte de responsabilité, tardivement orné, mais tout de même orné, du mot « solidarité », a vocation à prolonger, amplifier, démultiplier le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou CICE.

Les écologistes ayant fortement critiqué cette mesure, tant sur la forme que sur le fond, vous comprendrez, monsieur le secrétaire d’État, qu’ils ne voient pas d’un œil particulièrement bienveillant la non-remise à plat de ce dispositif.

Les écologistes ne considèrent pas nécessaire que toutes les entreprises soient systématiquement aidées, qu’elles soient exposées ou protégées, qu’elles soient en difficulté ou florissantes, qu’elles soient économes en ressources ou très polluantes, a fortiori lorsque ces aides sont financées par des coupes dans certains budgets publics, dans les prestations sociales et dans les investissements des collectivités territoriales.

Les écologistes ne se reconnaissent pas non plus dans le postulat, énoncé par le Président de la République, selon lequel « l’offre crée la demande ».

Les chefs d’entreprise, qui se refusent à toute contrepartie aux 41 milliards d’euros qui leur sont promis, expliquent eux-mêmes, et à raison, que, sans commandes, ils ne pourront pas créer d’emplois...

À ce propos, monsieur le secrétaire d’État, puisque l’objectif premier de cette politique était et reste l’emploi, et que nous ne voyons en la matière guère d’amélioration sensible, pourriez-vous nous fournir des éléments chiffrés permettant d’apprécier les conséquences concrètes de la mise en œuvre du CICE, que, par ce pacte de responsabilité, vous entendez prolonger ?

Car le moins que l’on puisse dire est que nous ne croulons pas sous les données !

Le CICE a été introduit, lors du projet de loi de finances rectificative pour 2013, par voie d’amendement, dispensant ainsi le Gouvernement de toute étude d’impact préalable.

Plus récemment, nous avons appris par l’entremise de Mme la rapporteure générale de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Valérie Rabault, que le Gouvernement gardait par-devers lui une simulation du Trésor assez édifiante.

Selon ces calculs, les mesures de soutien aux entreprises, et, dans une moindre mesure aux ménages, devraient générer 190 000 emplois et 0, 6 point de croissance cumulée à l’horizon 2017, tandis que les 50 milliards d’euros d’économies annoncés dans le programme de stabilité devraient engendrer, à la même échéance, la suppression de 250 000 emplois et une baisse de croissance de 1, 4 point environ.

Dans ces conditions, ne faudrait-il pas, dès le présent projet de loi de finances rectificative, réorienter la politique budgétaire dans le sens d’une plus grande conditionnalité et efficacité des aides accordées aux entreprises, en particulier en incitant davantage celles-ci à investir plutôt qu’à distribuer des dividendes à leurs actionnaires, et en resserrant le dispositif sur les PME à fort potentiel d’exportation ?

Outre le pacte de responsabilité, je souhaiterais également évoquer deux autres mesures du projet de loi de finances rectificative qui retiennent l’attention des membres du groupe écologiste.

D’abord, la réduction de l’impôt sur le revenu, portant sur un peu plus de 1 milliard d’euros, à l’adresse des ménages les plus modestes.

Cette disposition qui, selon le Gouvernement, entraînerait une baisse d’impôt de 350 euros par contribuable – 700 euros pour un couple – était attendue ; elle permettra de compenser le gel du barème décidé sous le précédent quinquennat. Ajoutée aux allégements de cotisations sociales du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, elle constitue une inflexion positive.

Son financement, toutefois, n’est assuré que pour cette année, puisqu’il repose largement sur des recettes exceptionnelles, les fameuses REX, en l’occurrence des pénalités perçues par l’État dans le cadre de sa lutte accrue contre la fraude fiscale.

Pour préserver cette mesure compensatoire, il sera donc nécessaire de trouver, lors de l’examen du prochain projet de loi de finances, une recette pérenne.

La seconde mesure que je voulais évoquer est le remplacement de l’écotaxe sur les transports routiers de marchandises par ce qui a été dénommé le « péage de transit poids lourds », et qui diffère de la première mouture essentiellement par le fait que le réseau auquel s’appliquera ce dispositif a été divisé par quatre.

Je ne m’appesantirai pas sur la nasse dans laquelle était effectivement tombé le dispositif initial.

Je me permettrai simplement de regretter que vous n’ayez pas davantage pris en compte les conclusions de la mission d’information parlementaire sur le sujet, comme la proposition d’une franchise applicable aux premiers kilomètres.

Mais, au-delà du débat technique et politique sur le dispositif, cette réforme de l’écotaxe laisse annuellement un manque à gagner fiscal d’environ 650 millions d’euros, qui auraient dû servir au financement d’infrastructures de transport.

Pourriez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, par quelles recettes ces 650 millions d’euros seront remplacés ?

S’il permet donc d’introduire d’importantes mesures politiques en cours d’exercice, le projet de loi de finances rectificative permet également de revoir un certain nombre d’hypothèses de conjoncture, en fonction des premières réalisations.

D’abord, j’aimerais évoquer la bonne surprise, celle de la charge de la dette, qui est revue à la baisse de 1, 8 milliard d’euros.

Cette situation favorable ne doit toutefois pas nous inciter au triomphalisme.

C’est en effet la politique de la Banque centrale européenne, qui assure une abondante liquidité aux banques tout en n’accueillant les dépôts qu’à des taux négatifs, qui conduit aujourd’hui les investisseurs à se porter massivement sur les emprunts d’États européens, faisant donc baisser les taux. La France économisera ainsi 0, 8 milliard d’euros du fait de cette baisse.

Le milliard d’euros restant est dû à la diminution de la charge des titres indexés sur l’inflation.

Par conséquent, c’est la tendance déflationniste pesant sur l’économie européenne, dont on ne peut pas dire qu’elle constitue un horizon particulièrement réjouissant, qui permet aujourd’hui d’économiser ce milliard d’euros.

Cela étant, pour une fois que nous faisons face à une bonne nouvelle, ne boudons pas notre plaisir !

Pour ce qui concerne la croissance, l’hypothèse de 1 % pour 2014 qui avait présidé à l’élaboration de la loi de finances initiale correspondait alors au consensus des économistes.

Après une croissance nulle au premier trimestre, cette hypothèse devient nécessairement moins probable. Dans son avis, le Haut Conseil des finances publiques a d’ailleurs désormais jugé « élevée » la prévision de croissance du Gouvernement. Et comme l’on pouvait s’y attendre, le FMI vient de déprécier son estimation de croissance pour la France à 0, 7 % pour 2014.

Dès lors, on peut se demander, monsieur le secrétaire d’État, ce qui a conduit le Gouvernement à maintenir coûte que coûte cette hypothèse haute.

Déjà, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2013, environ 11 milliards d’euros manquaient à l’inventaire des recettes fiscales. Cette fois, la dégradation du solde budgétaire, en l’occurrence une différence entre deux diminutions, celle des recettes et celle des dépenses, s’établit à 1, 4 milliard d’euros.

Texte après texte, année après année, nous avons le sentiment que le Gouvernement ne parvient pas à admettre, ou tout au moins à évaluer correctement les effets récessifs de sa politique de réduction drastique du déficit public.

Cela vous conduit, dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative, à annoncer 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires de dépenses publiques, dont 1, 6 milliard d’euros s’appliquent directement au budget de l’État.

Faut-il donc bien comprendre, monsieur le secrétaire d’État, que ces 4 milliards d’euros viennent s’ajouter aux 50 milliards d’euros d’économies déjà annoncés ?

À cette aune, nous considérons que les objectifs fixés par le Gouvernement ne sont pas raisonnables. Comment parviendrez-vous à réaliser l’année prochaine l’effort prévu de 21 milliards d’euros d’économies de dépenses publiques ?

Cette divergence permanente entre les annonces et l’exécution qui consiste à compter sur des milliards que l’on n’a pas génère des situations de plus en plus dangereuses qui, à certains égards, peuvent parfois s’apparenter à une sorte de cavalerie.

Le budget de la défense en constitue un triste exemple.

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