Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je l’ai souvent répété depuis le début du quinquennat : l’héritage reçu en mai 2012 était lourd. Il était dû en grande partie à la crise de 2008, que vous reconnaissez enfin, et que vous invoquez aujourd’hui, avec six années de retard.
Au mois de mai dernier, cet héritage a dramatiquement fructifié : on relève 395 000 chômeurs supplémentaires – un premier record ! –, une dette qui avoisine les 2 000 milliards d’euros – un deuxième record ! –, soit 30 000 euros par habitant, et une baisse de 20 % des permis de construire, un troisième record qui a des conséquences importantes sur l’emploi. Selon la Commission européenne, le déficit commercial de notre pays s’aggrave. La trajectoire budgétaire dérape, le déficit public s’établit à 3, 8 % au lieu des 3, 6 % prévus et le mécanisme de correction budgétaire est désormais déclenché.
Oui, « c’est dans la cohérence et la continuité que se jouent la solidité et […] la réussite de notre politique économique » : vous avez raison, monsieur le secrétaire d’État. Pourtant, depuis deux ans, la politique économique et fiscale n’a pas mis en œuvre cette préconisation ; elle en a même pris le contrepied.
Où est la cohérence ? Où est la continuité ?
Le gouvernement Ayrault avait augmenté les impôts et les charges pesant sur les entreprises de 28 milliards d’euros et, selon les estimations, ceux qui concernent les ménages de 15 à 17 milliards d’euros. Il s’est évertué, deux années durant, à éteindre le feu de la crise en l’alimentant par une taxation compulsive.
La Cour des comptes a souligné « les limites d’une stratégie concentrée trop exclusivement sur l’augmentation des recettes ». Comme je vous l’avais prédit, cette stratégie a provoqué un affaiblissement des recettes de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés en 2013 et de la TVA en 2012. La multiplication des mesures nouvelles a créé une incertitude quant à la stabilité de la fiscalité. Cette politique a surtout généré 8 milliards d’euros de recettes en moins en 2013 et, selon les estimations, 4, 8 milliards d’euros en moins en 2014, voire davantage.
Est-il nécessaire de rappeler, encore une fois, que trop d’impôt tue l’impôt ? M. le ministre Michel Sapin a lui-même souligné, hier, que la coupe fiscale était pleine et qu’elle stérilisait l’économie, avec un taux de prélèvements obligatoires de 46, 1 % du PIB – là aussi, c’est un record !
Aujourd’hui, le gouvernement Valls réduit l’impôt sur le revenu de 4 millions de foyers fiscaux ; il en exclut 1, 7 million, alors que le gouvernement précédent les y avait introduits !
À la lecture du rapport de Valérie Rabault, rapporteure générale du budget, membre du parti socialiste, il est clair qu’on ne réforme pas l’assiette de l’impôt sur le revenu : on ne fait qu’appliquer un pansement exceptionnel et non financé de façon pérenne.
Avec une prise de conscience trop tardive, vous prenez aujourd’hui des mesures en faveur des entreprises, comprenant enfin que ce sont elles qui créent l’emploi, après avoir passé des mois à les vilipender. La TVA sociale avait été l’objet de critiques virulentes avant ralliement partiel : là encore, vous comprenez enfin la nécessité de soutenir l’appareil productif.
À ce sujet, quel est le sort réservé aux conclusions des quatre groupes de travail des Assises de la fiscalité, pertinemment rassemblées par le Premier ministre Ayrault en début d’année ? Il n’y en a pas une trace dans votre projet de loi !