Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la politique économique et budgétaire doit être aujourd'hui envisagée à l’aune non seulement de la France, mais aussi de l’Europe forte de 500 millions d’habitants, puisque c’est à la fois la démographie et l’avancée technologique qui font la différence entre les États-continents. Notre débat le montre, nous n’avançons pas assez vite dans la construction européenne.
Pour ma part, je ne partage pas les incertitudes de certains sur le présent projet de loi de finances rectificative que je trouve parfaitement clair, à tout le moins ses objectifs.
Ce texte constitue évidemment une étape importante de la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité annoncé par le Président de la République et par le Premier ministre. Ce pacte s’articule autour de trois axes : la France doit retrouver sa compétitivité, car notre pays souffre depuis de nombreuses années d’un terrible déficit du commerce extérieur ; la pression fiscale et sociale doit être allégée ; enfin, la politique d’assainissement budgétaire et financier doit être poursuivie pour parvenir le plus rapidement possible, mais sans tuer la croissance, à résorber le stock de la dette et les déficits, dont certains nous ont été légués.
Pour ce qui concerne la compétitivité et les dispositions qui y sont liées, les entreprises, les acteurs économiques ont besoin que certaines mesures soient prises, mais également de visibilité. Le projet de loi de finances rectificative que nous examinons prouve que le Gouvernement ne se donne pas comme seul horizon la période 2014-2015, mais dresse une perspective jusqu’en 2017, puisque se trouvent inscrites dans ce texte un certain nombre de baisses de cotisations ou d’impôts applicables en 2014 et en 2015. Cette démarche permet de dire que les choix opérés sont cohérents. Figurent dans ce projet de loi un certain nombre de mesures favorables à la croissance et à l’investissement, afin de peser en faveur de la reprise économique au moment où celle-ci semble se dessiner, du moins sur le continent européen.
Oui, dans la suite du rapport Gallois et des annonces du Président de la République, ainsi que du Gouvernement, les entreprises bénéficieront d’un ensemble d’allégements destinés à leur permettre de retrouver des marges de manœuvre facilitant l’embauche – c’est ce que nous souhaitons –, l’innovation – c’est ce qu’il faut – et l’investissement – c’est nécessaire.
Ainsi, 4, 5 milliards d’euros seront consacrés à l’allégement des cotisations patronales relatives aux salariés percevant entre 1 et 1, 6 SMIC, nous y reviendrons. Ces mesures seront complétées par des baisses de charges en faveur des indépendants dont le revenu est inférieur à 3 SMIC. Il s’agit donc d’un soutien très clair à l’investissement et à l’innovation qui, espérons-le, se poursuivra dans les années à venir grâce à un certain nombre de dispositions également présentées dans ce texte : je pense à la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés à l’horizon de 2017, avec dès 2015 une première phase d’abattements, et à la diminution progressive du taux de l’impôt sur les sociétés. La contribution exceptionnelle sur ce dernier sera supprimée en 2016, ouvrant la voie, à partir de 2017, à une diminution du taux normal qui sera porté à 28 % à l’horizon de 2020.
Parmi toutes ces mesures, le Gouvernement prévoit de mettre en œuvre dès 2015 celles qui sont les plus créatrices d’emplois, et les plus favorables aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire.
Le présent projet de loi de finances rectificative contient également un certain nombre de dispositions qui permettront d’assurer le suivi par la représentation nationale de la bonne mise en œuvre des contreparties attendues des entreprises. Certaines mesures ont évidemment été ajoutées lors du débat à l’Assemblée nationale.
De leur côté, les partenaires sociaux auront la possibilité d’assurer le suivi de l’utilisation des marges de manœuvre accordées aux entreprises.
C’est une stratégie qui me semble cohérente. Elle se situe dans le prolongement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui se déploie en ce moment même. Les premières entreprises concernées ont déjà bénéficié de 7 milliards d’euros de baisse de leur impôt sur les bénéfices. D’ici à la fin de l’année, ce chiffre s’élèvera au total à 12 milliards d’euros. C’est donc un engagement important en faveur des entreprises. Mais gardons l’œil ouvert sur le monde tel qu’il est : c’est aussi un engagement vis-à-vis des salariés puisqu’il ne s’agit pas en matière de création d’emplois d’opposer les entreprises et ceux qui y travaillent. Je fais partie de ceux qui pensent que c’est l’entreprise qui crée la richesse, qui détermine notre niveau de vie et notre place dans la hiérarchie mondiale. Le premier objectif visé, à savoir la compétitivité, me paraît clairement déterminé dans ce projet de loi de finances rectificative.
Le deuxième objectif visé, c'est-à-dire le pouvoir d’achat des ménages, fait partie intégrante du pacte de responsabilité et de solidarité. Évidemment, il est nécessaire que les Françaises et les Français ayant pris toute leur part à l’effort d’assainissement des comptes publics depuis de nombreuses années, notamment ceux dont les revenus sont les plus modestes, voient leurs efforts fiscaux et sociaux atténués. Les premières mesures se trouvent dans ce texte, mais d’autres suivront dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale que nous examinerons d’ici à quelques jours.
Par ailleurs, le présent projet de loi de finances rectificative prévoit une mesure d’allégement de l’impôt sur le revenu dès l’automne 2014. C’est une priorité donnée aux revenus modestes et aux classes moyennes, 3, 7 millions de foyers se situant dans le bas du barème de l’impôt sur le revenu. C’est donc une mesure claire et facile à comprendre.
En fait, il faut non pas opposer les catégories de Français les unes aux autres, mais simplement redonner à nos concitoyens des possibilités à la mesure de leurs revenus. C’est ce à quoi tend ce projet de loi de finances rectificative.
Nous le savons, des craintes sont apparues quant à l’effet des économies prévues par ce texte sur la croissance. Elles se sont exprimées à l’Assemblée nationale, elles sont exprimées dans cette enceinte, mais également dans différents articles de presse. Pour ma part, je considère que, eu égard au pacte de responsabilité et aux récentes annonces de la Banque centrale européenne, la diminution des dépenses qui nous est proposée peut être conduite sans incidence négative sur la croissance compte tenu de son caractère raisonnable et du rythme qui est prévu.
Nous avons eu à l’envi des débats sur les politiques de l’offre ou de la demande. Tout cela est très théorique. Le sujet majeur, c’est la reprise de la croissance pour créer de nouveau des emplois, car c’est bien la croissance qui crée des emplois. En même temps, la dépense publique est-elle à elle seule facteur de croissance ? Avec un taux de dépenses publiques supérieur à 57 % de la richesse nationale, notre pays peut faire des économies sans remettre en cause ni l’État, ni le service public, ni la croissance. Il faut évidemment agir de façon sérieuse et cohérente.
Comme l’a indiqué un orateur précédent, un certain nombre de mesures ont été adoptées par l’Assemblée nationale. Il ne serait pas convenable de critiquer outre mesure ce qu’a décidé une assemblée qui n’est pas la nôtre, mais, s’agissant de la taxe de séjour, j’ai moi aussi le sentiment que cette décision a été prise quelque peu rapidement et même précipitamment. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Ces mesures adoptées tout d’un coup le soir sans concertation préalable avec les acteurs économiques font beaucoup de mal et sont très perturbantes.
Tels sont l’esprit et les grands axes de ce projet de loi de finances rectificative, qui constitue une étape importante et va dans le bon sens. Ce qui a guidé le Gouvernement dans la préparation de ce texte, c’est l’objectif qui structure toute sa politique économique et sociale depuis deux ans, à savoir le retour à une croissance créatrice d’emplois, que nous attendons tous.
Évidemment, les membres du groupe socialiste apporteront leur soutien à ce projet de loi de finances rectificative. Au cours de l’examen des articles, nous défendrons ou soutiendrons un certain nombre d’amendements relatifs à l’investissement. En effet, l’investissement tant de l’État que des collectivités territoriales doit être protégé.
Pour finir, à notre collègue Francis Delattre, qui affirmait que Michel Sapin peignait notre vie en rose, je lui répondrai qu’il ne faut pas exagérer. De manière plus philosophique, je lui rappellerai les propos qu’avait tenus François Mitterrand à une personne qui, un jour, l’avait interpellé et qu’il avait estimée un peu trop défaitiste : « Comme d’autres le cannabis, on cultive chez nous le vague à l’âme, petite drogue douce et délétère. » Je pense que certains, dans notre enceinte, cultivent le cannabis…