Intervention de Éric Doligé

Réunion du 7 juillet 2014 à 16h00
Loi de finances rectificative pour 2014 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Éric DoligéÉric Doligé :

Je formulerai quelques remarques allant à l’encontre de ses propos.

Je commencerai néanmoins par une maigre satisfaction : le fait d’étudier, contrairement aux années passées, un collectif budgétaire en milieu d’année.

Comme l’a fait tout à l’heure Francis Delattre, j’ai bien noté votre satisfaction, monsieur le secrétaire d'État, et celle du rapporteur général, que soient reportées les baisses de l’impôt sur les sociétés, lesquelles devraient intervenir jusqu’en 2020

Le présent collectif est en effet absolument nécessaire, car les comptes publics de cette année sont en train de déraper, et ce pour deux raisons : des prévisions macroéconomiques peu prudentes, en termes tant de croissance que d’inflation – vous avez certainement pris connaissance des estimations récentes de croissance à 0, 7 %, alors que vous en êtes toujours à 1 % –, et une baisse des dépenses publiques qui ne se concrétise pas.

Mais, lorsque l’on regarde attentivement ce collectif, on en perçoit toutes les contradictions, si bien que l’on peut douter qu’il traduise véritablement la politique de l’offre que le Président de la République annonçait en début d’année, effectuant un grand virage qui en a surpris beaucoup dans sa majorité.

Nous constatons aujourd’hui, comme en 1981, les conséquences désastreuses de choix économiques erronés et à contretemps.

En 2012, vous avez choisi d’augmenter la fiscalité pour combler les déficits à un moment où nos partenaires décidaient de contracter leur dépense publique ; il n’y a donc pas eu de soutien extérieur à la conjoncture française. De plus, vous avez fait naître un sentiment d’exaspération fiscale. Les mesures que vous avez égrenées, et qui vous réjouissent, n’ont pas porté leurs fruits puisque nous observons une baisse très préjudiciable du rendement de l’impôt. À ce stade de l’année, il manque ainsi 5 milliards d’euros de recettes par rapport à vos prévisions.

Aujourd’hui, face à la dégradation de nos comptes, face à un niveau de dette qui continue d’augmenter – nous allons atteindre les 2 000 milliards d’euros – et face à une croissance en berne, vous tentez de proposer une autre politique économique. Mais, là encore, nous sommes obligés de constater un grand nombre de contradictions et d’incertitudes.

Vous faites un geste fiscal à l’égard des ménages modestes. Soit ! Mais c’est bien parce que vous les avez fait entrer dans l’impôt en refiscalisant les heures supplémentaires, en baissant le plafond du quotient familial, en intégrant dans le revenu la participation de l’employeur à la complémentaire santé.

Est-ce là une politique lisible ? N’est-ce pas un mitage supplémentaire de l’impôt sur le revenu ?

Quant aux entreprises, après avoir vilipendé la TVA sociale – à cet égard, je me souviens des propos de Jérôme Cahuzac, alors ministre –, vous avez finalement augmenté la TVA et, aujourd’hui, vous baissez les charges sociales, sachant que, demain, le compte pénibilité renchérira le coût du travail.

Parallèlement, après avoir augmenté les impôts des entreprises d’une vingtaine de milliards d’euros, vous annoncez maintenant des baisses d’impôt, mais la part la plus importante de celles-ci ne sera effective que dans les années à venir ; entre-temps, vous avez profondément déstabilisé le monde économique et vous pérennisez d’un an la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés.

Certes, vous allez me répondre qu’il y a le CICE ! Mais c’est un dispositif complexe dont la montée en charge est progressive et qui n’est que partiellement financé.

Côté dépenses, vous n’adaptez pas votre objectif de réduction qui reste inexorablement fixé à 50 milliards d’euros depuis la loi de finances pour 2014 ; ce qui change – et encore, très légèrement –, c’est la ventilation annuelle.

Cinquante milliards d’euros, c’est insuffisant, comme le remarque la Cour des comptes, qui estime que pour garder le même montant d’économies, « le Gouvernement a donc implicitement révisé à la baisse son estimation de la croissance tendancielle des dépenses. »

C’est d’autant plus insuffisant que, si, au départ, ces mesures d’économie étaient destinées au rétablissement de nos comptes publics, vous avez désormais un nouvel objectif : celui de la baisse de la fiscalité.

Et, au-delà du volume, il y a la méthode : ce plan d’économies de 50 milliards d’euros est encore mal documenté et vous utilisez les vieilles techniques du gel et du rabot qui ont une efficacité toute relative et de court terme.

Aujourd’hui, il est nécessaire, monsieur le secrétaire d'État, de faire des choix, de marquer des priorités, d’avoir le courage de ne pas maintenir certaines structures, de poser la question du périmètre de l’État et des missions de service public.

Je pense que vous pourriez rechercher des économies du côté des centaines d’agences qui sont des excroissances non contrôlées et sur lesquelles les informations sont difficiles à obtenir.

Comme vous n’opérez pas ces choix, vous faites pression sur le budget de la défense – mon collègue Dominique de Legge en parlera probablement tout à l’heure – et sur les collectivités locales.

À ces dernières, d’ici à 2017, vous demandez de consentir un effort de 11 milliards d’euros, effort d’autant plus important que vous n’hésitez pas à continuer d’accroître leurs responsabilités, donc leurs dépenses, par le biais de la réforme des rythmes scolaires ou de la poursuite de l’accumulation de normes.

Ainsi, malgré la bonne volonté de ces collectivités à concourir au redressement de notre pays, vous ne pouvez ignorer les conséquences macroéconomiques que pourrait avoir une mesure aussi brutale, à savoir la hausse des impôts locaux, la hausse de l’endettement ou la chute des investissements.

Vous pouvez annoncer 11 milliards d’euros d’effort pour les collectivités, soit près de 22 milliards d’euros cumulés en quelques années, mais chacun sait que cette somme que vous comptez comme acquise dans les économies ne le sera jamais. Les collectivités ne pouvant plus s’autofinancer, elles vont devoir procéder à des emprunts, qu’il faudra déduire de ces 11 milliards d’euros attendus.

Par ailleurs, il y aura moins d’investissement et donc plus de chômage.

Pour conclure, si un relatif consensus se dégage sur le diagnostic et sur la nécessité que notre pays engage une politique qui favorise le développement des entreprises, le Gouvernement reste au milieu du gué, et ce, en particulier, parce que vous avez deux difficultés conceptuelles – certes délicates – à surmonter : premièrement, la baisse de la dépense publique continue d’être calculée par rapport à un tendanciel de croissance, par conséquent, quand on dit baisse, on dit poursuite de la hausse, mais à moindre régime ; deuxièmement, vous tablez sur des prélèvements obligatoires qui continuent d’augmenter – 111 milliards d’euros entre 2014 et 2017 –, mais ces recettes seront-elles effectivement encaissées ?

Monsieur le secrétaire d'État, notre pays est encalminé dans une crise qui n’est plus seulement une crise économique, mais qui est devenue une crise de confiance, née du manque de lisibilité de votre politique. Seule une action résolue, claire et avec un minimum d’efficacité peut permettre de le sortir de cette situation – je n’ai pas évoqué l’écotaxe, qui était inscrite au budget pour plus de 1 milliard d’euros, et qui devrait rapporter la moitié seulement en 2015.

C’est pourquoi nous aurions souhaité que ce collectif en donne les premiers signes et qu’il ne se contente pas d’être un ajustement a minima et, peut-être, insuffisant, comme le souligne le Haut Conseil des finances publiques.

Face à la dégradation annoncée par le président de la commission, Philippe Marini, et au flou qu’il a dénoncé, nous ne pourrons vous suivre. Nous ne pouvons avoir la foi sur de simples annonces.

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