Intervention de Vincent Delahaye

Réunion du 7 juillet 2014 à 16h00
Loi de finances rectificative pour 2014 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Vincent DelahayeVincent Delahaye :

Monsieur le secrétaire d'État, pourquoi proposer un collectif budgétaire alors que, l’an dernier, le Gouvernement avait toujours refusé d’accepter la demande de nombreux parlementaires de modifier le budget en raison de recettes bien inférieures à ce qui avait été prévu et d’un déficit qui filait ? S’agit-il cette année d’un effort de sincérité et de transparence louable ? Visiblement non !

Sont annoncés un déficit de 3, 8 %, contre 3, 6 % dans le budget initial, et une hypothèse de croissance de 1 % sur l’année. L’INSEE et le FMI ont récemment tablé sur une croissance de 0, 7 % et la Cour des comptes a déclaré clairement que le déficit serait, selon elle, bien supérieur à 4 %. Dommage que le Gouvernement ne tienne pas compte des prévisions de ces organismes sérieux et continue de nous présenter une vision bien optimiste, qui ne trompe plus personne aujourd’hui !

Malgré cette vision optimiste, le déficit atteindra au minimum 84 milliards d’euros, soit près de 10 milliards d’euros supplémentaires par rapport à 2013. On est loin de la trajectoire vertueuse dont le Gouvernement ne cesse de parler et encore plus de la stabilisation des déficits et de la dette.

Alors, pourquoi ce collectif ? Il s’agit visiblement de prendre en compte un cadeau électoral du Premier ministre qui ne lui a d’ailleurs pas vraiment réussi. En fait, c’est un peu « panique à bord » : le Gouvernement cherche à éviter une fin d’été semblable à celle de l’an dernier, moment auquel certains de nos concitoyens qui ne payaient pas d’impôt ont découvert à la réception de leur feuille d’impôt qu’ils en payaient, quand l’effet de la fiscalisation des heures supplémentaires jouait à plein.

Panique et en même temps aveu : le Premier ministre Jean-Marc Ayrault promettait dans cette enceinte même au mois d’octobre 2012 que neuf contribuables sur dix ne seraient pas concernés par les hausses d’impôt. Votre ajustement soudain manifeste l’aveu que ce sont en fait bien les classes modestes et moyennes qui ont été le plus affectées. Une année, on augmente fortement les impôts, sans résultat tangible sur le déficit, comme on l’a vu, et l’année suivante, on essaye de corriger.

S’agissant des recettes, vous avez augmenté les impôts des Français de 20 milliards d’euros en deux ans. Aujourd’hui, vous proposez de leur rendre 1, 1 milliard d’euros, soit 6 %. Avouez que c’est bien peu !

Vous proposez d’alléger l’impôt sur le revenu des plus modestes en profitant des recettes liées aux amendes des riches fraudeurs. Exposé comme cela, comment être contre un tel dispositif ? Sauf que vous présentez l’allégement comme durable, alors que vous savez très bien que le surplus de recettes liées à la fraude restera exceptionnel. On finance une mesure pérenne par une recette exceptionnelle : tout le contraire de la bonne gestion. Nous ne pouvons l’accepter.

Dernière remarque sur les recettes : vous diminuez dès cette année l’impôt sur le revenu des ménages modestes et vous reportez de 2017 à 2020 – après les élections de 2017 – la baisse d’impôt sur les entreprises. Pensez-vous que celles-ci vont être dupes ? La seule mesure les concernant dans le présent collectif budgétaire est le report de la suppression de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés au début de 2017. Une année supplémentaire de contribution exceptionnelle : pas vraiment de quoi rassurer les entreprises !

J’en viens maintenant aux dépenses. Ce projet de loi de finances rectificative affiche des annulations de crédits, mais oublie bizarrement d’incorporer des dépenses supplémentaires que nous savons d’ores et déjà devoir comptabiliser. Je pense en particulier aux opérations extérieures au Mali et en Centrafrique : nous savons que leur montant approchera 1 milliard d’euros en 2014, alors que nous n’avons inscrit au budget que 450 millions d’euros. Je pense également aux 400 millions d’euros, au bas mot, qui n’ont pas été budgétés dans le cadre de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales au titre des refus d’apurement communautaire.

Alors, pourquoi ne pas aller plus loin dans le programme d’économies et prélever d’ores et déjà davantage sur la réserve dite « de précaution », qui s’élevait à 7 milliards d’euros et que vous ponctionnez à hauteur de 600 millions d’euros ? D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais que vous me fassiez part de votre politique de gestion de cette réserve de précaution et des principes qui la régissent.

Pour vous, on le sait maintenant très bien, économiser, c’est dépenser moins vite que notre tendance naturelle ne nous y porte. Une exception doit être relevée : les collectivités locales ont ce « privilège » de voir leurs dotations diminuer réellement, ce dans des proportions non négligeables.

La réalité, c’est que nous sommes drogués à la dépense publique…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion