...ou sont-ils réduits à un rôle subalterne ? La crainte de ne pas les voir figurer parmi !es priorités du ministre de l'éducation nationale est réelle.
Monsieur le ministre, nous avons pris connaissance des propositions que vous avez formulées conjointement avec votre collègue en charge de l'éducation nationale, le 3 janvier dernier, à la suite des inquiétudes exprimées à ce sujet sur tous les bancs de cette assemblée, lors de l'examen de votre budget au mois de décembre dernier. Ces propositions militent pour une relance de la politique en matière d'éducation artistique et culturelle.
Plusieurs programmes interministériels d'éducation artistique ont été expérimentés cependant que leurs crédits ont été gelés.
Notre pays reste en retard en ce qui concerne la présence des arts à l'école. Or, comme nous le savons, l'école est le meilleur chemin pour accéder à l'art, celui qui est emprunté par tous et pour longtemps. L'impérieuse nécessité de la démocratisation culturelle passe par une volonté réelle de favoriser la présence artistique dans les établissements.
A mon sens, nous gagnerions à renforcer l'éducation artistique et culturelle, à côté des enseignements artistiques déjà dispensés, les arts plastiques et la musique.
A cet égard, je veux faire une distinction entre l'enseignement et l'éducation artistiques, cette dernière relevant moins de cours théoriques que d'une sensibilisation permanente à l'art et à la culture irriguant l'ensemble des disciplines.
Imaginons des actions nouvelles et complémentaires à l'issue d'un bilan précis des dispositifs du plan pour les arts et la culture à l'école.
Dans plusieurs villes, des conventions d'éducation artistique et culturelle ont été signées dès 2002, associant établissements scolaires et professionnels afin que les jeunes bénéficient d'actions de sensibilisation destinées à leur faire connaître leur patrimoine, leur donner le goût de visiter des expositions, de fréquenter les musées, les salles de spectacles ou de cinéma. Elles permettent d'organiser des rencontres entre les jeunes et les artistes.
Monsieur le ministre, seule une politique volontariste de votre part et un partenariat fort avec le ministère de l'éducation nationale, les collectivités et les acteurs culturels permettront d'offrir aux jeunes autre chose que ce que proposent les émissions de télévision à la mode.
Enfin, pour élargir les publics, il nous faut aussi imaginer des dispositifs de médiation culturelle plus incisifs envers les publics empêchés, comme les personnes handicapées, ou éloignés, comme les publics situés en zones défavorisées ou en milieu rural.
Enfin, une politique volontariste en matière de spectacle vivant ne peut se concevoir que dans le cadre d'un partenariat renouvelé entre l'Etat et les collectivités locales.
Comme a pu le montrer le rapport Latarjet, les collectivités territoriales sont en première ligne ; elles jouent un rôle majeur en matière de politique culturelle en finançant des équipements culturels et en accompagnant les structures. Elles assurent plus des deux tiers des dépenses pour le spectacle vivant contre un tiers pour l'Etat, alors que les lois de décentralisation ne leur ont confié aucune compétence culturelle obligatoire.
En conséquence, il paraîtrait normal de leur assurer une place réelle dans la définition des politiques culturelles. Cette reconnaissance passe par une clarification du rôle de l'Etat et par la redéfinition de l'articulation des différents échelons des collectivités territoriales : les acteurs culturels, pour la réalisation de leurs projets et la recherche de financement ont besoin de savoir - ils nous le disent régulièrement - qui fait quoi. Il faudra peut-être, à travers une loi, fournir une base juridique beaucoup plus solide aux interventions des collectivités en la matière et identifier les compétences de chacun. Avant cela, ne serait-il pas intéressant d'expérimenter des contrats de développement culturel initiés par les collectivités co-responsables et soutenus par l'Etat ?
Définir ou redéfinir les compétences de chacun ne veut pas dire que l'Etat, qui, on le sait, a un rôle d'impulsion, de soutien à la création et d'expertise, ne soit plus partie prenante. Il détermine encore, en effet, en grande partie, la décision et le montant du financement des collectivités, et sa place est essentielle pour assurer les équilibres nationaux. Cependant, s'il conserve son rôle volontariste d'impulsion et d'incitation, il devient, dans le cadre de la décentralisation, un partenaire non plus ordonnateur mais accompagnateur des collectivités. Il faut profiter de cette période de « ré-articulation » des rôles de chacun pour bâtir des partenariats équilibrés et équitables entre l'Etat et les collectivités locales.
A cet égard, les établissements publics à caractère culturel, les EPCC, mode de gestion relativement récent des équipements, ouvrent aux collectivités une possibilité de s'impliquer : malgré le peu de recul que nous avons, ces établissements nous apparaissent comme des instruments juridiques de décentralisation culturelle très intéressants, de nature à organiser un partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales autour d'un projet confortant l'emploi artistique.
Dans la perspective de cette nouvelle articulation des compétences et de l'élaboration de nouveaux partenariats, les acteurs sont demandeurs de structures de dialogue plus souples et plus efficaces. Ces dernières pourraient réunir l'ensemble des parties prenantes du secteur culturel, et notamment ceux qui sont hors des réseaux institutionnels. Les COREPS existent depuis un peu plus d'un an ; sont-elles des outils suffisants pour répondre aux attentes des professionnels ? Nous n'avons pas encore beaucoup de recul car toutes ne se sont pas encore réunies suffisamment.
Ne serait-il pas opportun de créer, au niveau régional, une structure de concertation et d'orientation des politiques publiques sur le spectacle vivant, associant représentants de l'Etat, collectivités et professionnels ; elle pourrait prendre la forme d'observatoire régional des politiques culturelles tel que le propose la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la Culture, la FNCC ?
Cette initiative pourrait, d'une part, améliorer la connaissance réelle de la situation de l'emploi dans le secteur artistique en région et, d'autre part, créer un espace de rencontre et de discussions entre les acteurs politiques locaux et les artistes, qui seraient ainsi amenés à examiner ensemble les projets. Ces observatoires seraient également d'utiles outils d'aide à la décision pour les élus, car ils les impliqueraient dans la définition des politiques culturelles, eux qui ne doivent pas seulement être des pourvoyeurs de subventions, eu égard à leur rôle décisif dans le financement des équipements, des festivals, des compagnies.
Si les collectivités territoriales sont prêtes à s'engager dans la politique de l'emploi culturel que vous souhaitez promouvoir, monsieur le ministre, elles savent aussi que cela aura un coût.
J'imagine qu'elles sont sensibles à l'effort de « permanentisation » de l'emploi, à la condition que l'Etat ne se désengage pas et participe pleinement, conjointement avec elles, au financement des politiques culturelles.
En effet, les nouvelles charges liées aux lois de décentralisation font déjà craindre un recentrage des collectivités sur leurs compétences obligatoires, ce qui aura forcément des conséquences sur leurs marges financières.
Monsieur le ministre, votre force de conviction est grande, et nous espérons sincèrement que vous réussirez, selon la méthode que vous avez définie dès votre arrivée rue de Valois, à convaincre l'ensemble des décideurs de ce pays que la culture est un enjeu majeur pour notre société. Il vous faudra aussi convaincre les acteurs du secteur culturel, et en particulier les partenaires sociaux, de se mettre autour d'une table pour négocier et jeter, cette fois, les bases d'une réforme vertueuse et équitable du système de l'intermittence.
Nous savons que cette tâche prendra du temps, mais nous espérons qu'au terme de ce long et patient travail d'évaluation, de concertation et de persuasion le spectacle vivant et, au-delà, l'ensemble des métiers artistiques - il ne faudrait pas exclure de cette réflexion les plasticiens, les peintres, les sculpteurs - bénéficieront d'une loi d'orientation ou d'une loi cadre qui garantira définitivement la reconnaissance de la place de l'artiste au coeur de la société, et cela parce que, pour reprendre les mots d'une compagnie de mon département Le cercle de la litote, « nous pensons qu'être un artiste, ça sert à changer le quotidien des autres, le rendre étonnant, surprenant, différent, peut-être plus beau. »