Il est naturel pour la commission des affaires culturelles du Sénat d'associer la science et la culture et ce n'est pas un hasard si, parmi les quinze orateurs, se trouvent douze membres de cette commission.
Lorsque je dirigeais l'Ecole des Mines de Paris, j'avais, dès la fin des années soixante, introduit parmi les enseignants plusieurs acteurs. En effet, j'étais conscient de la nécessité pour de futurs ingénieurs de se faire comprendre en ajoutant à l'écrit la parole, le regard et le geste. Cette démarche, tout à fait symbolique, mériterait d'être développé.
Pour fêter les vingt ans de Sophia Antipolis sur le thème Humanisme et modernité, les entreprises installées avaient accepté d'organiser une table ronde sur Art et gestion des entreprises.
Artistes et PDG réunis en ont tiré, outre des enseignements d'une certaine généralité, la certitude que l'innovation artistique, scientifique et managériale serait, pour une grande part, de même nature. J'en étais personnellement convaincu, comme bon nombre de neurologues, car il semble que ce soit la même zone du cerveau qui soit sollicitée dans ces différents cas.
J'en viens à l'essentiel de mon propos : la précarité se développe chez les intermittents du spectacle, surtout parmi les jeunes troupes.
Comment lutter contre cette précarité ? Je voudrais, monsieur le ministre, explorer des solutions tendant à augmenter l'offre de travail, dimension fondamentale pour des gens au chômage partiel une grande partie de l'année.
Mon caractère pragmatique me pousse à rechercher des solutions dans le domaine qui m'est familier, pour y travailler depuis plus de quarante ans avec un certain succès, notamment en matière d'emplois et de création de richesses ; je veux parler de l'innovation. En effet, dans mon département - je m'exprime sous le contrôle de l'ancien président de région et actuel maire de Marseille - près de la moitié du produit intérieur brut, soit environ deux milliards d'euros par an, proviennent de l'innovation dans les hautes technologies.
Comment faire pour que les zones d'innovation contribuent à apporter un appui aux intermittents du spectacle vivant ? Je crois, pour ma part, que le talent de ces derniers peut, par exemple, être mis au service d'une mobilisation nationale en faveur de l'innovation et de la diffusion de la culture scientifique, au demeurant réclamée par une commission que je présidais et dont deux rapporteurs, M. Ivan Renar et Mme Marie-Christine Blandin, sont aujourd'hui parmi nous.
Poser la question en ces termes, c'est, bien sûr, y répondre : acteurs-nés, les intermittents du spectacle peuvent, grâce à leur adaptabilité, à leurs qualités d'artiste et à leur talent de conviction, contribuer à diffuser les innovations.
De même, les animateurs des milliers d'entreprises innovantes, les milliers de chercheurs qui découvrent de nouveaux procédés et qui doivent exposer leurs produits en vue de les diffuser ont besoin d'une assistance pour apprendre à communiquer. Ce genre de formation suppose des centaines, voire des milliers d'heures de travail.
La France a besoin d'étudiants et d'enseignants plus nombreux, qui connaissent mieux les sciences et les techniques. Encore faut-il qu'ils sachent s'exprimer. Or la communication vivante est plus efficace que les documents, si savants soient-ils ! Elle passe par une chaleur humaine communicative, celles dont ont besoin également les malades des hôpitaux, les enfants des écoles, des lycées et des collèges.
Si l'on considère l'ampleur de ces besoins, la multiplicité des lieux où de telles communications sont nécessaires, il apparaît que, en exploitant ces gisements non satisfaits, on arriverait sans doute à diminuer sensiblement le volume du chômage et le nombre des intermittents. Je vois là un nouveau domaine, certes pas très aisé à explorer, mais rien n'est trop difficile.
L'expérience montre qu'un acteur de théâtre peut être fier à un double titre : non seulement, il est un créateur qui diffuse une culture littéraire, sociale ou musicale, mais il peut aussi aider à faire aimer telle ou telle recherche en histoire ou en physique, telle innovation médicale susceptible de faire jaillir des étincelles d'intérêt chez les jeunes et les moins jeunes.
Ce sont autant d'actions dont l'utilité sociale est considérable et qui donneront à tous les artistes la satisfaction de se savoir aptes à dépasser leur domaine d'action traditionnel pour apporter une aide réelle au développement économique, culturel, industriel et commercial de la nation.
Les deux expériences significatives citées au début de mon propos pourraient être multipliées dans le cadre des services décentralisés de nos provinces.
Monsieur le ministre, vous qui avez, en particulier, la tutelle de la Cité des sciences, pourquoi ne feriez-vous pas sillonner toute la France par quelques milliers de sciences-bus ? Vous auriez l'appui certain de nombreuses collectivités locales, d'entreprises, de quantités d'associations qui aspirent à participer de façon bénévole à ce genre d'actions.
Les artistes au service de la science et de l'innovation c'est possible ! Je crois donc, monsieur le ministre, qu'il faudrait explorer cette piste. §