Intervention de Yann Gaillard

Réunion du 1er février 2005 à 16h00
Spectacle vivant — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Yann GaillardYann Gaillard :

Pourquoi ce débat au Sénat, suivant celui du 9 décembre dernier à l'Assemblée nationale ? Peut-être parce que, entre-temps, il y a eu votre impressionnante communication du 17 décembre devant le Conseil national des professions du spectacle - vous avez alors déclaré mobiliser les DRAC, les directions régionales des affaires culturelles, et mettre en place des commissions régionales des professions du spectacle, les COREPS -, plus probablement parce que le Sénat, enté sur les collectivités locales dont il émane, ne peut se désintéresser des festivals, des compagnies, des orchestres, des écoles d'art ou de musique qui animent la vie de nos terroirs. L'angoisse qui a dû vous saisir lorsque vous êtes arrivé rue de Valois, après la grande crise de l'été 2003, lequel d'entre nous, pourvu qu'il exerce quelque responsabilité dans l'organisation d'une animation importante pour son département, ne l'a éprouvée ? Qui n'a craint de voir réduits à néant ses efforts et ceux de son équipe en pensant à son festival, grand ou modeste - pour celui qui vous parle, il s'agissait des Nuits de Champagne, consacré par la ville de Troyes et la communauté d'agglomération à la chanson française ? Et lequel d'entre nous ne vous a été reconnaissant, alors, de pouvoir s'appuyer sur une action ministérielle résolue au moment où, de son côté, il prenait ses assurances pour garantir que tout se passerait bien ?

On ne peut nier non seulement que vous vous êtes multiplié, étant personnellement présent en tous lieux où cela se passait, au point de flirter avec le don d'ubiquité, mais aussi que vous avez procédé pas à pas, mesure par mesure, sans craindre ni les partenaires sociaux ni vos collègues du Gouvernement : mesures sociales, pour remédier à ce qui avait paru trop brutal dans le nouveau protocole, avec l'institution d'un fonds spécifique provisoire, suivi d'un fonds transitoire, pensés tous deux par M. Lagrave, les 507 heures en douze mois au lieu de onze, la prise en compte des congés pour maladie, celle des congés de maternité étant demandée à l'UNEDIC ; contrôle des abus, croisement des fichiers, appel à la conscience supposée des employeurs du secteur de l'audiovisuel, encore que, à mon avis, l'on n'ait pas assez fouillé le dossier, par-delà les chaînes de télévision, des sociétés de production, auxquelles est sous-traitée la réalisation de bien des programmes ; réflexion sur l'organisation d'un système pérenne, confiée à M. Guillot ; redéfinition possible du périmètre de l'intermittence demandée à l'inspecteur général Charpillon. Tous ces rapports remarquables vous ont d'ores et déjà été remis. On a envie de dire que vos missionnaires ont fait diligence !

Cela étant, monsieur le ministre, la meilleure volonté, la plus grande énergie peuvent-elles suffire, dans le secteur culturel comme dans le reste de l'économie nationale, à triompher des lourdeurs, des habitudes et des égoïsmes qui, depuis tant d'années, ont encrassé ce qu'il était convenu d'appeler le modèle français, et contribué à lui faire perdre son éclat ?

J'entends bien que vous êtes habité, depuis que vous avez succédé à Jean-Jacques Aillagon, ministre que beaucoup d'entre nous ont apprécié et qui a su lui aussi obtenir des résultats remarquables, par exemple avec sa loi relative au mécénat, aux associations et aux fondations, par une idée forte. Cette idée, vous y revenez sans cesse, avec chaque fois une modalité différente de l'expression.

Ainsi, à l'Assemblée nationale, le 9 décembre dernier, vous avez affirmé que « la culture a droit de cité, non seulement au coeur des Français, mais au coeur de la représentation nationale », ce qui, bien sûr, nous concerne aussi, nous sénateurs. Vous avez parlé, ce qui un est peu dur, de « démarginaliser le ministère de la culture ». En fait, à votre manière, vous voulez vous inscrire dans la grande lignée d'André Malraux, et mettre la culture au centre de la politique, au coeur de ce pays, la France, sans pour autant verser dans le chauvinisme ou la grandiloquence.

Si tel est votre dessein - il dépasse, bien entendu, le seul chapitre des intermittents du spectacle -, les obstacles ne manqueront pas.

Pour nous en tenir à ce qui fait l'objet de notre débat d'aujourd'hui, il y a bien sûr la situation financière de notre pays, même si vous avez été privilégié au titre du budget pour 2005. Il y a aussi et surtout le terrifiant salmigondis qui fait dépendre la situation des intermittents de l'assurance chômage, donc de la bonne volonté des partenaires sociaux. En effet, que représentent, par rapport aux masses gérées par l'UNEDIC, les « clients » des annexes VIII et X ? Est-il logique que la rémunération des acteurs de la vie culturelle repose sur l'ensemble des salariés ? Je sais bien que cet argument, tant de fois évoqué par le MEDEF, est peu sympathique, mais est-il pour autant dénué de tout fondement ?

Le rapport de M. Guillot va même plus loin dans l'analyse, quand il montre que, par-delà les périodes couvertes par la réforme de l'intermittence, « l'ensemble des acteurs concernés se sont habitués à intégrer les prestations de l'assurance chômage dans la fixation des prix et des rémunérations », faisant jouer à l'UNEDIC un rôle allant bien au-delà de l'assurance chômage.

Voilà une réflexion fondamentale, mais vous ne vous dérobez pas. Au contraire, vaillamment, vous réclamez - c'est la dernière marche de l'escalier - devant le Conseil national des professions du spectacle, le 17 décembre 2004, le remplacement du protocole d'assurance chômage passé avec les partenaires sociaux par un protocole portant sur l'emploi culturel dans toutes ses dimensions, et ce avant le 31 décembre prochain. Vous avez d'ailleurs trouvé un nom éclatant pour ce protocole : les accords de Valois. Dans Le Figaro de ce matin, le président d'un syndicat qui regroupe, paraît-il, « l'essentiel des structures subventionnées » vous répond : chiche ! J'ai envie de vous chuchoter : attention, danger ! Je souhaite pouvoir vous crier, le 31 décembre prochain : salut l'artiste !

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