Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 1er février 2005 à 16h00
Spectacle vivant — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

... comme l'a indiqué M. Copé, ou à une certaine priorité donnée au patrimoine, mais au prix de l'assèchement des crédits de paiement.

On constate surtout des reculs : la baisse de la redevance par l'exonération des résidences secondaires, au mépris des développements nouveaux du secteur public - et l'apport de 20 millions d'euros supplémentaires ne la comblera pas ! -, la neutralisation de la Réunion des musées nationaux au profit de l'autonomisation des établissements publics - incités à se reposer de plus en plus sur le mécénat -, le recul de l'éducation artistique à l'école et, enfin, le blocage du dossier des intermittents.

Je commencerai par ce dernier dossier.

L'interrogation sur l'équilibre global de l'UNEDIC et sur la gestion du régime d'indemnisation du chômage dans le secteur culturel ne date, hélas ! pas d'hier. Tout comme n'est pas d'hier l'hostilité du patronat à l'égard de ce régime spécifique, dont on sait pourtant bien qu'il est indispensable à la vitalité des activités artistiques de notre pays et qu'il irrigue très positivement l'économie des territoires. Le maire d'Aix-en-Provence s'en est d'ailleurs rendu compte l'été dernier. C'est pourquoi le gouvernement de Lionel Jospin avait fait adopter une loi le 5 mars 2002 confirmant le maintien des annexes VIII et X jusqu'à accord entre les partenaires sociaux.

Certes, il n'est pas facile de faire aboutir une négociation lorsque l'un des partenaires - le MEDEF - n'en veut absolument pas et s'emploie à discréditer les bénéficiaires. Votre gouvernement, malheureusement, a choisi de lui donner raison en agréant un accord que tout le monde aujourd'hui considère comme injuste et inefficace, à savoir le protocole signé le 26 juin 2003.

Depuis lors, les services de l'UNEDIC et les intermittents sont plongés dans l'incertitude et dans la confusion sur les procédures à suivre. Cette confusion a encore été aggravée, semble-t-il, par la dernière circulaire de décembre 2004. Pendant ce temps, un nombre croissant d'acteurs de la vie culturelle sont en voie d'exclusion du système et des manifestations remarquables sont condamnées.

Les chiffres que vous avez cités prouvent assez que les intermittents ne sont pas des privilégiés. Il est donc temps de sortir du rituel des rencontres et des rapports afin de proposer une issue à ce conflit, qui mine le secteur dont vous avez la charge, en particulier le spectacle vivant.

Si, pour en sortir, vous devez choisir la voie législative, alors faites-le quand il en est encore temps !

La proposition de loi élaborée par le comité de suivi, que vous avez vous-même encouragé, vous en donne l'occasion. Mais il vous faudra aller plus loin : obtenir que l'UNEDIC donne enfin à la négociation des bases chiffrées complètes et fiables, prendre position sur le périmètre légitime de ce régime et, surtout, confirmer son maintien dans la solidarité nationale, et non dans un régime isolé.

Toutefois, j'ai entendu ce soir des propos - mais ils n'émanaient pas de vous, monsieur le ministre - qui confirment mes inquiétudes au sujet du maintien du régime des intermittents dans la solidarité nationale.

Concrètement, quelles mesures allez-vous prendre avec vos collègues du Gouvernement pour sortir de cette impasse ? Dans quels délais ?

Le deuxième point que je veux aborder est celui de la responsabilité de l'Etat à l'égard de la culture, notamment du spectacle vivant.

Dans ce secteur, comme dans tous les secteurs d'intérêt général, l'Etat ne peut s'exonérer de sa responsabilité, et la décentralisation ne saurait justifier son désengagement. Le spectacle vivant peut poursuivre son développement dans le pays, à la condition expresse que demeure un large secteur non marchand, et que celui-ci bénéficie de la double confiance des collectivités locales et de l'Etat.

Les choix artistiques, leur diversité, leur liberté et leur indépendance, ont besoin du soutien ferme et conjoint de l'Etat et des collectivités territoriales. Celles-ci ne peuvent en être les seuls maîtres d'oeuvre. D'abord, parce qu'elles risquent de ne pas en avoir les moyens budgétaires, compte tenu des transferts de charges orchestrés par M. Raffarin. Ensuite, parce qu'elles peuvent être tentées, ou contraintes, sous diverses pressions locales, de restreindre le champ de l'expression artistique.

C'est une question grave, qui touche au pluralisme et à la création artistiques dans la cité La codécision, et donc le cofinancement, demeure le meilleur garant de la liberté artistique, et donc de notre liberté à tous.

Monsieur le ministre, comment allez-vous mettre en oeuvre la décentralisation dans ce secteur ? Il s'agit là non pas « d'arrogance » de l'Etat, pour reprendre le terme qui a été utilisé tout à l'heure, mais tout simplement de responsabilité de l'Etat.

Le troisième sujet qui me tient à coeur est celui de l'éducation artistique, notamment à l'école.

La réussite de nos politiques culturelles réside dans l'extension et la richesse des productions, et donc de l'offre culturelle. Mais afin que celle-ci participe réellement à la démocratisation, à l'égal accès de toutes et de tous à l'art et à la culture, nous avons besoin d'une véritable ambition, d'une vraie politique d'éveil de l'intérêt et des appétits culturels chez tous les jeunes Français, de quelque milieu qu'ils soient, dès le plus jeune âge, et donc nécessairement à l'école.

C'est la voie que nous avions prise en 2001. Aujourd'hui, tout donne malheureusement à penser qu'elle est sacrifiée dans le projet éducatif de votre gouvernement, sinon dans les discours, du moins dans les actes.

Au moment où la culture marchande, la production industrielle de masse, la construction de quasi-monopoles allant de la production à la diffusion envahissent presque tous les domaines artistiques et où le monde virtuel finit par occulter le monde réel, il est vital pour notre société de donner toutes ses chances au spectacle vivant, à son visage humain, à sa diversité, à son renouvellement, à son invention.

Monsieur le ministre, quelles chances d'avenir votre gouvernement donne-t-il à tous ceux qui font vivre le spectacle sur scène, à tous ceux qui, dans les salles, viennent les voir et à tous ceux qui oeuvrent afin que cette rencontre soit riche de découvertes réciproques ? C'est la question à laquelle vous devez répondre dans ce débat. Les mots, souvent justes, nous importent moins que votre capacité à agir.

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